Intervention de Nathalie Delattre

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2022 à 11h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Crédits « enseignement agricole » - examen du rapport pour avis

Photo de Nathalie DelattreNathalie Delattre, rapporteure pour avis sur les crédits de l'Enseignement technique agricole :

Le programme 143 « Enseignement technique agricole » est doté, dans le PLF 2023, de 1,59 milliard d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 67,8 millions d'euros, soit de plus de 4 % par rapport à l'année dernière.

Cette augmentation bienvenue des crédits s'explique principalement par la hausse à hauteur de 73 millions d'euros des dépenses de personnel, sous l'effet notamment, de la revalorisation du point d'indice et du financement du glissement vieillesse technicité (GVT).

Les crédits hors dépenses de personnel diminuent quant à eux de 5,37 millions d'euros. Cette baisse s'explique d'une part du fait d'un ajustement à la baisse des crédits dédiés au financement des bourses sur critères sociaux que le ministère justifie par la diminution du nombre d'élèves, et d'autre part de diverses mesures de transfert vers d'autres programmes.

Il faut souligner aussi le bel effort effectué en faveur de l'école inclusive. Durant l'année scolaire 2021-2022, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l'enseignement agricole a encore progressé de 26 % ! Je me réjouis que la dotation en faveur de l'accompagnement et de l'inclusion de ces élèves progresse de 10,28 millions d'euros pour 2023. L'année dernière, je m'interrogeais sur la pleine adéquation des moyens, face à la hausse continue des besoins. Une augmentation conséquente me paraissait indispensable pour permettre la scolarisation dans les meilleures conditions, en milieu ordinaire, des élèves et étudiants de l'enseignement technique agricole en situation de handicap. Je suis donc rassurée, mais reste vigilante.

Je souhaiterais toutefois renouveler mon inquiétude quant au faible nombre de personnes ressources venant en appui aux services déconcentrés et aux établissements.

Aujourd'hui encore et malgré la hausse indéniable des besoins, ce sont seulement deux personnes à temps plein qui sont chargées d'animer le réseau national et de coordonner les actions de formation des 806 établissements de l'enseignement agricole.

S'agissant du schéma d'emplois, 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus sur le programme 143. Ces ETP viendront renforcer les équipes médico-sociales. Si je me félicite de cette hausse des ETP après une baisse conséquente les années précédentes, je m'interroge sur l'efficacité et la pertinence de ce dispositif sur le terrain, puisque cette hausse ne représente qu'environ 1 ETP par région !

Le ministre Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous a indiqué hier que ces 15 postes médico-sociaux seraient renforcés de 15 ETP en 2024 et 15 en 2025, sans faire plus d'annonces à ce stade sur le schéma pluriannuel 2023-2026. Nous reviendrons donc vers lui.

Il me paraît cependant nécessaire de se donner les moyens d'agir en augmentant avant tout les ETP d'enseignants pour les années à venir. L'enseignement agricole doit impérativement oeuvrer pour maintenir de petits effectifs, ouvrir davantage de classes et élargir l'éventail d'options proposées dans les établissements.

Pour clore cette première analyse budgétaire, je voudrais saluer à nouveau la hausse des crédits sur l'ensemble du programme, mais en soulignant toutefois son manque de lisibilité en raison des nombreuses modifications qu'a subies la maquette cette année.

De multiples mesures de périmètre et de transferts ont en effet été opérées au sein du projet de loi de finances pour 2023 ; un nouvel indicateur nommé « dépense moyenne de l'État pour la formation d'un élève de l'enseignement agricole technique », concernant tant le public que le privé, est venu remplacer l'indicateur de coût unitaire de formation d'un élève pour l'État (Cufe), spécifique à l'enseignement agricole public.

La direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) a indiqué que la modification de la maquette devait permettre de se conformer aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur les coûts et la performance du programme 143. En effet, la DGER fait son possible pour nous fournir les informations et je m'engage à vous les transmettre avant le 1er décembre 2022.

Au-delà de ces considérations budgétaires, je vous propose maintenant d'aborder plus largement la situation du secteur de l'enseignement technique agricole et ses perspectives d'avenir.

À la rentrée 2022, les établissements de l'enseignement technique agricole ont accueilli 153 877 élèves et étudiants.

Le nombre d'élèves est donc en baisse de 1,1 %, soit une diminution de 1 743 élèves. Cette baisse est visible aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

La situation des brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) est particulièrement inquiétante. Les effectifs dans ces formations, qui ont pourtant fait leurs preuves, ont diminué de 12,8 % par rapport à la rentrée précédente, soit une perte de 2 372 élèves à la rentrée 2022 !

Il m'apparaît indispensable de mettre en place au plus vite un groupe de travail pour revaloriser le BTSA et lui redonner une perspective claire dans une dynamique de bac+3. Le ministre nous a indiqué hier être celui qui saura mettre en place cette mutation.

Plus généralement, si la diminution du nombre d'élèves à la rentrée 2020 s'expliquait par les conséquences de la crise sanitaire, cette nouvelle baisse des effectifs souligne avec force la nécessité d'agir pour mieux faire connaître l'enseignement agricole.

À l'heure où plus de la moitié des exploitants agricoles ne seront plus en activité dans dix ans et où le besoin de services dans les territoires augmente, il est urgent de renforcer la communication autour des formations de l'enseignement agricole et redynamiser les effectifs sur le long terme.

Depuis 2019, le « Camion du Vivant » et la campagne de communication #CestFaitPourMoi, lancée dans le cadre du plan de relance, s'efforcent de faire connaître l'enseignement technique agricole dans les territoires et sur les réseaux sociaux.

Si ces campagnes de communication ont bien fonctionné à leur lancement, nombre d'acteurs représentant l'enseignement technique agricole public et privé déplorent leur manque de visibilité en 2022, ce que ne percevait malheureusement pas le ministre jusqu'à ce que nous l'en informions hier. Il est indispensable de mieux cerner les attentes des jeunes et d'encourager les établissements, au niveau local, à se saisir à leur échelle ces enjeux, en y associant leurs élèves.

Plus encore, après avoir ouvert une enveloppe de 9,7 millions d'euros au service de la communication sur le plan de relance pour 2022, je déplore que ces crédits ne soient pérennisés qu'à hauteur de 1,9 million d'euros sur le programme 143 pour l'année prochaine. Face au manque d'information persistant en direction des élèves sur l'offre de formation de l'enseignement agricole, seule la mise en place d'un schéma de communication pluriannuel permettra véritablement, à mon sens, d'inverser la tendance.

Aussi, il me semble primordial de mieux valoriser l'enseignement agricole au sein du système d'orientation. Les enseignants des collèges, qui jouent un rôle essentiel dans l'orientation, méconnaissent encore trop les filières de l'enseignement technique agricole.

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