Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le second projet de loi de finances rectificative de cette année.
Ce texte n’est qu’un exercice de fin de gestion permettant d’actualiser nos prévisions macroéconomiques, de corriger les ouvertures de crédits et de prendre des mesures d’urgence à effet immédiat. Il se contente donc, pour sa majeure partie, de prolonger ou d’adapter des dispositifs d’aide existants, le temps de terminer l’exercice 2022.
Avant de détailler les points de divergences qui éloignent notre groupe de ce collectif budgétaire de fin d’exercice, je tiens néanmoins à dire que certaines aides prévues dans le texte vont dans le bon sens.
Je pense notamment aux aides accordées aux universités pour payer leur facture énergétique, aux armées pour le carburant, ou aux agriculteurs pour faire face aux conséquences des diverses crises qu’ils subissent. Je note aussi le doublement des moyens alloués à l’Ukraine pour acquérir de l’équipement militaire ; la première loi de finances rectificative prévoyait seulement un fonds de 100 millions d’euros, nous plaçant comme le douzième donateur de l’Union européenne, ce qui n’était pas acceptable.
Dans un contexte international porteur de guerre, au lendemain d’un événement, en Pologne, dont on ne sait rien, mais dont on imagine tout, il semble nécessaire de maintenir un rapport de force suffisant, avec toujours pour seul objectif la recherche de la paix.
Mais revenons à la France, car quelques chiffres devraient nous interpeller : un Français sur dix dépend de l’aide alimentaire ! Dans le même temps, une personne sur cinq a froid dans son logement et 12 millions de nos compatriotes subissent la précarité énergétique.
Face à cela, quelle réponse le Gouvernement apporte-t-il ? Il semblerait que le chèque énergie versé à 12 millions de foyers, dont on peut contester le caractère exceptionnel, ainsi que la ristourne de 30 centimes par litre d’essence, qui vient de tomber aujourd’hui à 10 centimes et dont le coût est estimé à 440 millions d’euros, ne suffisent pas ou ne suffisent plus.
Soyons honnêtes, monsieur le ministre : ces pansements sont appliqués sur une jambe de bois et ils ne cachent que trop mal votre absence de vision quant au nécessaire déploiement d’une politique visant à recouvrer notre souveraineté énergétique et à effectuer la bifurcation écologique tant vantée durant la COP27 en Égypte.
Avec ces chèques, vous traitez les conséquences de causes que vous vous refusez à voir. Vous réagissez, mais vous n’agissez pas, contrairement à ce que vous disiez dans votre propos liminaire !
Si vous vouliez agir, vous auriez accepté l’amendement socialiste visant à obtenir une hausse substantielle de 6 milliards d’euros pour financer les moyens nécessaires à l’engagement des travaux de rénovation énergétique que le pays attend depuis plusieurs années.
Ne me dites pas, monsieur le ministre, qu’en augmentant artificiellement le total des financements, on ne déclencherait pas automatiquement le déploiement de rénovations énergétiques efficaces, parce que, à vous croire, la filière ne serait pas dimensionnée pour cela. Depuis 2020, le Président de la République utilise cet argument pour mieux justifier son inaction en la matière, mais le temps presse : nous comptabilisons plus de 7 millions de passoires énergétiques en France.
Je rappelle que les rénovations énergétiques ont deux vertus : non seulement elles réduisent la consommation d’un logement, ce qui n’est pas superfétatoire en pleine crise des énergies, mais elles sont aussi excellentes pour la planète, qui multiplie les signes de fatigue.
Je veux dans le même esprit souligner le renforcement des crédits alloués aux associations œuvrant à l’aide alimentaire.
Grâce au travail de mes homologues socialistes à l’Assemblée nationale, 40 millions d’euros supplémentaires seront débloqués afin de permettre à ces associations de faire face à la forte hausse des dépenses énergétiques, ainsi qu’à l’accroissement du nombre des personnes qu’elles aident ; dans le contexte actuel de crise, on estime qu’entre 200 000 et 400 000 personnes supplémentaires y ont recours.
Nous sommes bien conscients que tout cela a un coût que nous n’ignorons pas. Nous pensons même que ce coût doit être supporté par tous, parmi lesquels je compte bien évidemment les profiteurs de crises qui réalisent des superprofits. Ces profits sont, en grande partie, le produit de rentes ; ils ne découlent nullement d’un quelconque génie entrepreneurial si souvent vanté pour légitimer les salaires astronomiques de certains dirigeants.
Nous considérons que cette contribution doit permettre une juste répartition de la richesse dans ce pays et nous veillerons, dans le débat sur le budget pour 2023, à ce que cette mesure d’équité économique trouve une issue favorable.
Enfin, je note une nouvelle fois, monsieur le ministre, que vous semblez découvrir en fin d’exercice près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires.
J’entends votre volonté, que nous pourrions presque louer, de ne pas faire de projections de recettes trop favorables en début d’exercice ; néanmoins, je suis dubitatif quant à l’écart constaté et la récurrence du procédé.
À mon sens, cela témoigne d’une volonté d’user d’un artifice comptable pour valoriser, en fin d’exercice, votre prétendue bonne gestion et pour valider de manière peu sincère votre théorie de la baisse d’impôt permanente.
Pourtant, les temps que nous traversons nécessitent de la sincérité, préalable indispensable à l’obtention de notre confiance.
Ce texte ne nous convainc pas ; c’est pourquoi le groupe SER s’abstiendra, du fait de mesures trop peu soucieuses de justice sociale.