En 2023, les crédits du programme 144 atteindront près de 2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus de 7 % par rapport à 2022. En matière d'innovation, pour la deuxième année consécutive, l'enveloppe consacrée aux études en amont atteindra 1 milliard d'euros, ce qui est conforme aux engagements pris ; nous en prenons acte.
Ces crédits importants permettront notamment le financement des études relatives au Main Ground Combat System (MGCS) - le char remplaçant du Leclerc - et au système de combat aérien du futur (Scaf), ainsi que la poursuite des études sur des thématiques telles que la lutte anti-drones, l'hyper-vélocité, le quantique et l'énergie.
Si les priorités retenues par le ministère et les moyens inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) nous semblent aller dans le bon sens, nous constatons cependant que l'Agence de l'innovation de défense (AID) n'a plus de directeur de plein exercice depuis près de six mois. Le message envoyé n'est pas le bon, alors que le rôle de cette agence est absolument fondamental.
Concernant le Scaf, nous regrettons que le Gouvernement ne soit pas plus transparent. L'accord sur le démarrage de la phase 1B annoncée par le gouvernement allemand nous semble bienvenu, mais mérite d'être suivi avec vigilance.
Au-delà de la question des moyens consacrés à l'innovation, plusieurs défis doivent être relevés par l'AID et la direction générale de l'armement (DGA). Le premier défi concerne l'accélération de la montée en maturité des technologies. Au-delà des initiatives déjà prises par l'AID en la matière et qui commencent à porter leurs fruits, nous proposons que le rôle crucial des démonstrateurs soit renforcé avec la réalisation d'un prototype ou démonstrateur à un stade assez précoce, afin de permettre aux opérationnels de confirmer le cas d'usage et de proposer les incréments nécessaires.
Par ailleurs, les personnes entendues ont insisté sur la nécessité de retrouver de la masse et de prendre en compte cette exigence dès le stade des études en amont, par exemple en envisageant deux versions d'une même technologie ; une première version de haute technologie, permettant l'entrée en premier, et une seconde version, moins sophistiquée, mais produite en plus grande quantité, permettant un volume d'attrition plus important et, le cas échéant, une exportation plus aisée.
J'en viens à la question du financement de la base industrielle et technologique de défense (BITD), à laquelle nous attachons une attention particulière. Le passage à une économie de guerre nous semble nécessiter, aujourd'hui plus encore qu'hier, de garantir l'accès aux sources de financement des entreprises du secteur de la défense. Les discours tenus autour de cette question sont contradictoires. Les entreprises nous font part de difficultés d'accès au financement ; les banques, quant à elles, considèrent qu'il n'y a pas de sujet ; et les administrations, selon qu'il s'agisse de Bercy ou de la DGA, sont divisées.
À l'issue des auditions réalisées, nous considérons qu'il existe bien des cas de refus de financement, du fait de l'appartenance au secteur de la défense. Par ailleurs, les projets de taxonomie ou encore la montée en puissance des normes environnementales, sociales ou de gouvernance constituent autant de risques pour nos entreprises. Nos alertes répétées ont permis de sensibiliser jusqu'au sommet de l'État sur cette problématique, ce dont nous nous félicitons. Pour autant, nous formulons plusieurs recommandations dans le rapport afin de lever les blocages rencontrés par les entreprises de la défense, en particulier la mise en place rapide de « référents défense », sortes de médiateurs, au sein des banques.
Sous bénéfice de ces observations et de celles qui vont vous être présentées par Yannick Vaugrenard, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 144.