Les crédits du programme 178 progressent cette année de 11,4 %. Cela ne permet toujours pas la remontée de l'activité opérationnelle des forces et de l'entraînement, dont les crédits restent inférieurs aux objectifs fixés de près de 10 %. En 2023, la situation se détériore pour les trois quarts des indicateurs d'activité. Cela se traduit par une diminution de la capacité de deux des trois armées à honorer leur contrat opérationnel.
Pour l'armée de terre, depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire n'a plus été atteinte. Depuis 2017, la préparation opérationnelle de l'armée de terre stagne ; elle doit remonter en 2022 à 82 jours, mais pourrait être de nouveau fragilisée par l'engagement de l'armée de terre dans la réassurance du flanc Est de l'Otan en Roumanie et les potentiels techniques alloués des équipements.
Pour la marine nationale, la capacité à honorer le contrat opérationnel est passée de 89 à 70 %, en raison notamment du retard pris par le programme des frégates de défense et d'intervention. Pour l'armée de l'air et de l'espace, on observe un déficit de formation des plus jeunes équipages et une difficulté à consolider les compétences dites de « haut du spectre ». La capacité à honorer le contrat opérationnel chute à 65 % en 2023 et ne devrait pas remonter en 2024. L'impact des exportations Rafale, sur lequel notre commission alertait le Gouvernement, est désormais tangible et conséquent ; la prochaine LPM devra en tenir compte.
Le report à la fin de la période de programmation des objectifs de remontée de l'activité opérationnelle nous semblait insatisfaisant, dans un monde marqué par la multiplication des affrontements ; il est devenu insupportable maintenant que notre continent connaît de nouveau la guerre. Nous devrons obtenir des objectifs chiffrés de remontée de la préparation opérationnelle dans la prochaine LPM, faute d'objectifs inscrits en LPM ; elle a été la variable d'ajustement inavouée des ambitions non financées de la LPM.
Il nous faudra aussi veiller à ce que les services de soutien ne soient pas de nouveau sacrifiés à tous les autres objectifs de la LPM. Nous savons qu'ils sont essentiels et indispensables dans l'hypothèse d'un engagement majeur ; la guerre en Ukraine l'a assez rappelé, avec ces colonnes de chars russes immobilisés faute de ravitaillement en carburant.
Concernant le service de santé des armées (SSA), ce ne sont pas 100, mais 125 médecins qui manquaient en juillet 2021. Malgré mes demandes répétées en audition, les informations permettant de calculer ce déficit de médecins de premier recours ne nous ont pas été transmises. Faut-il craindre que le déficit se soit aggravé ? La surprojection des personnels et ses effets délétères sur le découragement des personnels sont connus. Le secteur sanitaire est en crise, il s'agit d'en tenir compte, d'autant que le SSA ne tiendra l'hypothèse d'engagement majeur qu'avec le plein appui du service public de santé. La réflexion sur l'économie de guerre ne peut en aucun cas se dispenser du volet sanitaire ; la prochaine LPM devra refléter cette nécessité.
Enfin, la transformation du service du commissariat des armées (SCA), désormais portée par la feuille de route « Ambition SCA 2030 », requiert notre attention. Il faudra veiller à ce que le bon niveau de crédits lui permette de répondre aux exigences d'un engagement majeur dans les domaines de l'environnement technico-opérationnel, c'est-à-dire le réseau des entrepôts et installations de maintenance, des équipements individuels du combattant, du soutien de la vie en campagne et du transport. Il doit également réduire ses vulnérabilités critiques, et faire face à l'inflation. Ce sont ainsi plus de 250 millions d'euros de besoins nouveaux qui devront être pris en compte dans la future LPM.