Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2022 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « défense » - programme 212 « soutien de la politique de la défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Marie-Arlette CarlottiMarie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Soutien de la politique de la défense » :

En guise de préambule, je tiens à signaler les difficultés que nous avons eues pour obtenir des éléments précis de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. Si nous avons pu auditionner le directeur, nous n'avons pas reçu à ce jour les réponses écrites au questionnaire que nous lui avons soumis il y a plusieurs semaines. Je ne peux que le déplorer.

Nous nous sommes penchés sur la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) consacrée dans le rapport annexé à la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire 2019-2025.

L'année 2023 sera marquée par la mise en oeuvre définitive d'une réforme qui porte bien mal son nom. Elle se voulait d'ampleur mais restera partielle car le choix a été fait de se concentrer uniquement sur la part indemnitaire de la rémunération des militaires avec un double objectif de simplification et d'équité.

Rappelons, que cette rémunération est composée de deux parties, sur le modèle de la fonction publique : la part indiciaire ou solde de base qui dépend des grades et des échelons, et la part indemnitaire, composée d'indemnités et de primes diverses. Les primes et indemnités représentent une part importante de la rémunération des militaires : 30 % en moyenne pour les militaires du rang et 44 % pour les officiers généraux.

En 2021, avant la réforme, la rémunération des militaires était caractérisée par la complexité de la composante « primes et indemnités ». On n'y comprenait rien. Il existait 174 primes différentes, un système illisible et obsolète. Par exemple, il existait toujours une prime datant de 1948 de 2 euros pour s'acheter du lait afin de compenser l'absence de lumière dans les souterrains, ou encore une indemnité de dragage pour les dragueurs de mines qui ont disparu.

Concernant la simplification, il faut souligner le succès de cette réforme. En effet, désormais le ministère des armées aura à gérer le versement de huit primes seulement, contre plus de 170 auparavant, cela en supprimant les primes obsolètes, en harmonisant les critères d'attribution, en renforçant le caractère universel, comme la prime de mobilité géographique, et en ouvrant les primes aux célibataires et à toutes les formes d'union.

Les huit nouvelles primes sont réparties en trois volets.

En premier lieu, la militarité, c'est-à-dire les sujétions liées à la condition militaire - la mobilité géographique par exemple. En deuxième lieu, les finalités afin de valoriser l'engagement militaire - par exemple la participation à l'activité opérationnelle, le commandement ou les résultats obtenus. Et enfin, en troisième lieu, les capacités en opération : on attribue une prime selon le parcours professionnel ou pour une compétence spécifique.

Dans le domaine de la simplification, la réforme semble donc atteindre son objectif.

Quant à l'équité, le système indemnitaire du ministère des armées sera-t-il plus équitable ? Y aura-t-il des perdants ? La DRH du ministère de la défense dit que non, mais il est difficile de répondre clairement à ce stade.

Aucun outil de simulation n'a été mis à la disposition des instances de concertations par la DRH lors de l'élaboration de la réforme. Ce qui a conduit le Conseil supérieur de la fonction militaire à émettre des avis défavorables et à nous faire part de ses inquiétudes.

De plus, l'absence de mécanisme de revalorisation automatique va créer, nous le constatons déjà, un tassement des salaires qui sanctionne particulièrement les officiers, car les primes représentent près de la moitié de leur rémunération. La question de la fiscalisation de certaines primes sur le revenu des militaires aura des conséquences difficiles à évaluer, tandis que le choix de se concentrer sur les primes et indemnités pourrait se révéler défavorable pour le calcul des pensions. Nous serons vigilants à ce qu'aucun militaire ne soit perdant au nom de la simplification.

Sur le plan financier, si la NPRM s'est appuyée sur une enveloppe budgétaire de 70 millions d'euros en 2022, ce montant reste très limité au regard de l'ensemble des dépenses de personnel du ministère. Il représente moins de 1 % de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par le ministère des armées en 2022.

Enfin, sur la méthode, nous regrettons que les instances de concertation aient été associées dans une logique d'information plutôt que de co-construction.

En conclusion, la mise en place de la NPRM satisfait son objectif de simplification, mais nous restons interrogatifs en termes d'équité. Elle est surtout incomplète, car elle ne prend pas en compte la nécessaire revalorisation de la solde de base.

C'est pourquoi, dans le cadre des travaux relatifs à la prochaine loi de programmation militaire annoncée pour le début de l'année 2023, nous serons attentifs à ce qu'une réflexion plus large soit ouverte. Dans un contexte de retour de l'inflation, nous veillerons à ce que leurs rémunérations permettent d'assurer l'attractivité de la fonction militaire, première condition de l'efficacité opérationnelle de nos armées.

Nous émettons un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

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