Intervention de Rachid Temal

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 novembre 2022 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « aide publique au développement » - programmes 110 « aide économique et financière au développement » et 209 « solidarité à l'égard des pays en développement » - examen du rapport pour avis

Photo de Rachid TemalRachid Temal, rapporteur pour avis sur les programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement » :

Si l'APD s'intègre dans une stratégie des trois D - développement, diplomatie, défense -, elle est avant tout le fruit de la loi du 4 août 2021. Un accord avait été trouvé prévoyant que la France atteindrait l'objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB). Or le Gouvernement a choisi de modifier les « règles du jeu », puisqu'il a décidé de revenir à un objectif de 0,6 % en 2027. À ce stade, la ministre n'a pas répondu à nos questions sur le respect de la trajectoire financière. On ne peut que le regretter et déplorer qu'il n'y ait pas eu de débat.

En ce qui concerne la question de l'enfance, nous considérons que les orientations adoptées ne sont pas optionnelles. Mais, selon l'Unicef, le Gouvernement a d'abord promis de décliner une stratégie sur l'enfance, puis une feuille de route, puis une lettre de mission, puis une simple cartographie des programmes existants...

Le taux d'aide bilatérale fixé par la loi, à l'initiative du Sénat, soit 65 % minimum de l'aide totale, était loin d'être atteint en 2021, puisqu'il s'élevait à 60 %. Je rappelle que le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon, les États-Unis ont tous une part d'aide bilatérale plus importante que la France. Si un effort est certes fourni, il n'est pas assez soutenu.

En ce qui concerne le rapport entre les prêts et les dons, la situation actuelle montre que nous avons eu raison de plaider pour davantage de dons. Le directeur général du Trésor nous l'a confirmé : nous continuons à aider via des prêts de nombreux pays fragiles sur le plan de la dette. Cela peut être problématique. Nous sommes obligés de lancer régulièrement des initiatives de suspension du service de la dette dans la mesure où les pays ne sont pas capables de rembourser. Cette politique de « stop and go » présente donc de sérieux inconvénients.

Le Gouvernement a remis au Parlement le rapport prévu par la loi du 4 août 2021 relatif à la taxe sur la transaction financière (TTF). J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'échanger avec la ministre, mais j'ai bien compris qu'il ne fallait pas s'attendre à des évolutions. Je rappelle qu'en 2023, la TTF devrait rapporter plus de 1,7 milliard d'euros, dont moins d'un tiers sera consacré à l'aide publique au développement, alors que c'était pourtant son objet !

Les frais d'écolage faussent l'appréciation du montant de notre aide. Les bourses et frais d'écolage représentent en effet près des trois quarts de l'aide à l'éducation déclarée par la France, ce qui pose un problème sur la réalité de l'aide en question.

S'agissant du criblage des bénéficiaires de l'aide, beaucoup d'ONG considèrent que le système actuel est trop difficile à gérer pour elles. Un débat est en cours sur le sujet, dans un contexte où des annonces récentes ont été faites concernant le Mali et le Burkina Faso. Marie-Arlette Carlotti s'est penchée sur cette question.

La loi du 4 août 2021 prévoit également une réunion annuelle du Cicid ; or force est de constater qu'il ne s'est pas réuni depuis 2021. La ministre nous a annoncé qu'il se réunirait prochainement, mais sans donner de précision. Le contrat d'objectif et de moyens 2023-2025 de l'AFD nous sera présenté seulement après, puisque son contenu sera en partie déterminé par les conclusions de ce Cicid. On peut donc s'attendre à des retards.

Concernant les biens mal acquis, les choses avancent ; la loi a reçu un début d'application s'agissant de deux affaires : l'une relative à la Guinée équatoriale, puisque des biens mal acquis ont été saisis et vendus, et que d'autres opérations sont en cours ; l'autre affaire concerne les biens - deux immeubles de bureaux et un haras situé dans le Val-d'Oise - de Rifaat el Assad, l'oncle de Bachar, qui vont être saisis et vendus.

Je souhaitais dire également que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, qui a fait couler beaucoup d'encre entre les deux assemblées lors de l'examen de la loi, n'a toujours pas été créée dix-huit mois plus tard : là encore, c'est problématique.

Avant de conclure, j'indique que les couloirs du Sénat bruissent d'une rumeur selon laquelle un amendement visant à réduire l'APD pourrait être déposé par la commission des finances, mais nous n'avons pas été officiellement informés.

Malgré tous les manques évoqués, nous émettons un avis favorable à l'adoption des crédits de ces programmes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion