Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Développement économique de la filière du chanvre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution est une excellente occasion de parler d’une filière, le chanvre, à la fois complexe et prometteuse.

Elle est complexe, parce qu’elle regroupe de nombreux acteurs, de toutes tailles, et qu’elle concerne des industries très diverses. Cela en fait sa force, mais aussi sa faiblesse.

Elle est prometteuse à plusieurs égards. La France est le premier pays producteur de chanvre en Europe. Le département dont je suis élue, l’Aube, qui est à la pointe dans cette filière, assure presque 50 % de la production française et un tiers de la production européenne. Nous développons cette culture depuis des décennies, dans ce territoire à forte tradition industrielle.

La « maison de la Turque », bâtisse toute flaubertienne au cœur de Nogent-sur-Seine, a été rénovée avec du béton de chanvre. L’industrie du bâtiment place de grands espoirs dans les matériaux de construction à base de ce matériau.

L’industrie textile, très polluante, se tourne, elle aussi, de plus en plus vers le chanvre. À l’heure où la mode éthique fait son entrée dans les consciences, cette plante paraît pouvoir contribuer à changer la donne.

Plus largement, l’utilisation du chanvre dans certaines industries contribue activement à notre transition vers la neutralité carbone. Cette culture n’a besoin que de peu d’intrants et elle est très peu consommatrice d’eau, ce qui limite le besoin d’irrigation. C’est un atout agroécologique majeur dans le contexte de réchauffement climatique que nous connaissons.

Le chanvre a la capacité de stocker beaucoup de CO2, dans un laps de temps court. Un hectare de chanvre absorbe, en une année, environ 15 tonnes de CO2, autant qu’un hectare de forêt. Le chanvre est donc une culture aux multiples externalités positives, notamment pour les sols dans le cadre des rotations culturales.

Ce sont des atouts cruciaux pour notre agriculture, mais, pour que cette chance se transforme en marché, encore faut-il des débouchés stables pour la filière.

Bien sûr, les investissements sont indispensables. Être au fait des réalités du secteur nous permettra de gagner en compréhension et, donc, d’agir en conséquence.

Selon l’un des considérants de la proposition de résolution, dans cinq ans, cette filière pourrait avoir créé autour de 20 000 emplois et représenter un chiffre d’affaires annuel avoisinant 2, 5 milliards d’euros. La France doit transformer l’essai. La poursuite du développement de cette filière participera à la réindustrialisation de notre pays, à laquelle je suis très attachée. Nous devons continuer à nous battre pour faire émerger des champions industriels. Je profite de cette occasion pour saluer les annonces récentes du ministre délégué chargé de l’industrie sur les stratégies de relocalisation industrielle et le « produire en France » dans nos territoires. La filière du chanvre peut contribuer à ces impératifs.

Nous avons de l’avance et, pourtant, nous devons aider cette filière à se structurer. Le chanvre offre de belles perspectives pour une réindustrialisation décarbonée de notre pays. Consolider une filière, c’est permettre à l’offre de rencontrer la demande, d’où l’importance des matériaux biosourcés et de leur développement.

À ce titre, les alinéas 30, 31 et 32 du texte sont très intéressants. Les matériaux biosourcés ont toute leur place dans nos démarches de rénovation et de lutte contre les passoires thermiques. Nous devons faire en sorte de mieux faire connaître ces produits des professionnels et des citoyens.

Je veux aborder un dernier point : le CBD. Dès janvier dernier, j’ai posé une question au Gouvernement sur l’avenir de la filière, après le fameux arrêté du 31 décembre 2021. Oui, une régulation est nécessaire et la filière n’y est pas opposée. La proposition de résolution met en lumière les millions de consommateurs et les milliers de points de vente. Les acteurs ont besoin de stabilité.

Je le répète, la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la doctrine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inscrivent dans la même optique : avec un taux de THC inférieur à 0, 3 %, le CBD n’est pas un stupéfiant. Là encore, madame la secrétaire d’État, ne laissons pas nos voisins européens faire main basse sur le marché français, je vous en conjure ! Avançons ensemble dans un cadre respectant la santé publique et permettant à nos entrepreneurs d’innover.

En revanche, certains points de cette proposition de résolution me posent davantage problème. Je n’ai malheureusement pas le temps de les détailler. Je me contenterai donc d’indiquer que la pertinence de la multiplicité de labels proposés ne me paraît pas établie. De même, l’alinéa 26, par lequel on promeut l’« élargissement du catalogue des cultivars aux variétés contenant moins de 1 % de THC » me dérange.

Toutefois, pour toutes les raisons listées précédemment, le groupe Les Indépendants votera, dans sa majorité, en faveur de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion