Intervention de Gilbert-Luc Devinaz

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Développement économique de la filière du chanvre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Gilbert-Luc DevinazGilbert-Luc Devinaz :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si, depuis la nuit des temps, la culture du chanvre a accompagné l’histoire de l’humanité, cette plante a bien failli disparaître au XXe siècle avec l’arrivée de la pétrochimie. La France est restée le seul pays à maintenir sa production. C’est pourquoi elle est leader sur le marché européen.

La nécessité actuelle de produire sain, sûr, durable et accessible à tous remet cette plante au goût du jour. Elle répond parfaitement aux attentes sociétales et environnementales, ne nécessitant pas de produits phytopharmaceutiques, d’irrigation et d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Le chanvre est un réservoir à biodiversité et absorbe autant de CO2 que la forêt. De plus, sur notre territoire, la filière est, de la sélection variétale à la transformation, 100 % française. Ajoutons que les produits qui en sont issus sont compostables ou recyclables en fin de vie.

Toutefois, cette culture entraîne un travail important. Elle nécessite souvent de quatre à sept passages d’outils agricoles et du matériel spécifique très coûteux. La récolte est donc un frein au développement du chanvre auprès des agriculteurs.

Le chanvre est probablement la plante la plus polyvalente connue de l’humanité. Elle n’est malheureusement connue du grand public que par sa fleur !

Dans le secteur du bâtiment, le recours au chanvre y est en expansion depuis plusieurs années du fait de ses qualités en matière de régulation thermique, de résistance au feu ou de légèreté. L’interprofession se fixe comme objectif majeur la construction du village olympique de Paris 2024 avec du chanvre. Le recours à la paille ainsi qu’aux fibres de lin et de chanvre sera notamment accru ; il pourrait alors représenter un débouché important et une vitrine médiatique forte pour la filière.

Avec mes collègues de la délégation sénatoriale aux entreprises, j’ai visité, en mars dernier, l’entreprise de ciment Vicat située à Feyzin, dans la métropole de Lyon, au cœur de la vallée du Rhône. La solution de blocs de chanvre à emboîtement conçue par Vicat a été primée par l’Institut français pour la performance du bâtiment. Cette solution brevetée utilise des granulats de chènevotte et un liant à base de ciment, ce qui lui confère des performances exceptionnelles. Cela représente un débouché important pour ce secteur en total renouvellement.

Plus généralement, la culture du chanvre peut représenter l’un des piliers de notre réindustrialisation écologiquement responsable.

Elle peut être utilisée dans la filière de la construction locale, s’appuyant sur les cultures durables du chanvre et du bois. Elle peut intéresser l’industrie textile locale, étant beaucoup plus économe en eau et en intrants que celle du coton. Elle peut être employée dans le développement des bioplastiques, plus légers et compostables, ou dans la réinvention de la filière papier. Elle peut être exploitée pour le développement de protéines végétales, afin de diversifier notre alimentation. Elle peut servir dans les industries cosmétiques, pharmaceutiques et de bien-être.

Néanmoins, cette filière à usage industriel n’a pas bénéficié du plan de relance ; l’examen de ce texte me donne l’occasion de le souligner. En effet, les projets n’étaient pas prêts. Or l’accompagnement de l’État est nécessaire pour la massification industrielle de la filière. Cette dernière a l’avantage d’être en phase avec les objectifs de neutralité carbone de la France, tout en étant une industrie au savoir-faire local bien implantée territorialement.

Dans le secteur textile, le chanvre est une solution écologique qu’il est urgent de déployer pour transformer le modèle de production. Pour cela, des investissements industriels importants sont nécessaires.

La rémunération des producteurs est également un enjeu majeur pour permettre aux chanvrières de répondre à la demande en hausse face à de tels débouchés, et ne pas freiner leur développement.

En outre, si nous voulons que les qualités du chanvre et le dynamisme de sa filière soient reconnus, il faut accompagner le développement des matériaux biosourcés dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments. Former, informer, inciter !

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le chanvre doit être au cœur de la relance de notre économie, pour accroître notre souveraineté, renforcer nos territoires et réduire les impacts environnementaux de nos activités. Qu’attendons-nous ?

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