Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Développement économique de la filière du chanvre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE votera en faveur de cette proposition de résolution visant au développement économique de la filière du chanvre et à l’amélioration de la réglementation des produits issus de ces plantes.

Tout devrait assurer un développement majeur de la culture et de la transformation du chanvre dans notre pays. Nos collègues l’ont déjà dit : la plante et sa culture sont parfaitement adaptées au climat français, consomment peu d’eau et d’intrants, n’entraînent pas de destruction des sols – bien au contraire – et retiennent efficacement le carbone.

Les usages sont variés, cela a également été dit : tissu, nourriture, bâtiment, substitut naturel au plastique et – bien sûr – vertus thérapeutiques.

Dès lors, pourquoi de telles opportunités ne se concrétisent-elles pas, ou, en tout cas, pas assez ?

La raison est qu’une variété de chanvre, à savoir le cannabis, produisant une fleur aux effets psychotropes, est considérée comme un stupéfiant. Au motif de combattre cette plante et son usage, les réglementations sont restrictives, bien au-delà de ce qui serait nécessaire ; elles sont également instables, freinant le développement de cette filière très utilisée pour la transition écologique.

Pourtant, il existe désormais – nous le savons, mais il faut le rappeler – des variétés avec un très faible taux de THC, sans effets psychotropes et stupéfiants. De surcroît, on sait qu’un autre principe actif, le CBD (cannabidiol), a des propriétés apaisantes, produisant, dans certains cas, un effet sur des douleurs que d’autres formes de produits ne parviennent pas à affaiblir. Il est issu d’une variété unique de cannabis, cannabis sativa L.

On ne sait pour quelle raison, dans le pays de la rationalité, on a instauré une réglementation aussi peu intelligente, et qui n’est cohérente ni avec les exigences de la législation contre les stupéfiants ni avec notre capacité à développer dans tous les domaines l’usage du chanvre, consommation de CBD comprise.

Soyons clairs : nous n’ouvrons pas ici ni ne contournons le débat sur la légalisation du cannabis. Le sujet est tout autre ; il ne faut pas entretenir la confusion. Pourtant, chaque fois que le chanvre est évoqué, j’ai l’impression que nous avons les yeux rivés, avec une sorte d’angoisse, sur le cannabis. Je le répète : il faut avoir une attitude rationnelle et ne pas tout confondre.

Sur la réglementation du CBD, nos collègues ont déjà évoqué les imbroglios, les enjeux, les incompréhensions, comme nous-mêmes l’avons fait maintes fois dans cet hémicycle. À mon sens, en l’état actuel de la situation, il faut nous en tenir à la réglementation européenne. Les autres pays ne sont pas plus insouciants par rapport aux risques de santé ou au problème des stupéfiants.

Il faut nous saisir de cette réglementation, l’adapter, de manière claire, à notre pays et permettre, en particulier, l’usage direct de la fleur et des tisanes à base de cette plante, car ces dernières ne sont pas stupéfiantes.

J’entends nos collègues nous répliquer que l’Europe s’interroge sur la révision de cette législation. Prenons cette dernière telle qu’elle est : nous la ferons évoluer quand l’Europe l’aura fait évoluer ! L’argumentaire prétextant qu’il faut attendre l’Europe avant de faire évoluer une réglementation, nous l’avons entendu au sujet des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft)… et nous attendons toujours ! Je suggère d’agir dans le cadre de la législation actuelle et de la faire évoluer le moment venu.

Cela suppose de développer, conformément à l’objectif mentionné dans la proposition de résolution, des organes de contrôle. Ils donneraient l’occasion de se pencher sur les tests de dépistage des stupéfiants, certains séparant désormais les agents actifs – cannabis d’un côté, CBD de l’autre – selon les teneurs en THC. Établir une cartographie des plantations de chanvre permettrait, d’une part, de contrôler plus facilement les cultures illégales et, d’autre part, de voir comment la filière évolue pour vérifier si elle est au rendez-vous de son développement.

Je voudrais insister sur un point : la consommation de CBD en France, qui se développe énormément, provient à 90 % de produits de l’étranger. Franchement, c’est aberrant, et d’autant plus aberrant qu’il est répété à longueur de temps qu’il faut regagner notre souveraineté…

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