Intervention de Laure Darcos

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Développement économique de la filière du chanvre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Laure DarcosLaure Darcos :

En effet, le chanvre est une plante disposant d’un formidable potentiel d’avenir, mais dont les débouchés sont actuellement limités pour des raisons dont la logique m’échappe.

Pour nos agriculteurs, elle représente une possibilité de revenus complémentaires. Je parle bien de revenus complémentaires : il serait totalement illusoire d’imaginer qu’elle se substitue aux autres cultures.

Pour notre pays, le chanvre peut être un des moyens d’atteindre une partie des objectifs en matière de transition énergétique, grâce à son utilisation massive dans le cas de la construction et de la rénovation des logements.

Toutefois, la proposition de résolution de nos collègues met l’accent sur les principes actifs de cette plante et sur les usages récréatifs qu’elle permet. C’est sa principale faiblesse.

Or son utilisation dans de nombreux secteurs de l’économie est possible, en particulier le bâtiment, comme je viens de le souligner.

Beaucoup de chemin a été parcouru depuis la première rénovation d’une maison d’habitation avec un enduit constitué de chaux et de chanvre en 1986.

La filière est aujourd’hui parfaitement structurée avec un unique producteur de semences certifiées, qui investit puissamment dans l’innovation variétale afin de créer les nouvelles variétés de haute qualité adaptées aux marchés.

L’association Construire en chanvre est, quant à elle, un acteur majeur pour les professionnels du bâtiment. Elle est à l’origine des règles professionnelles d’exécution d’ouvrages en bétons de chanvre, qui constituent le premier et, à ce jour, le seul texte de référence sur l’utilisation du chanvre dans le secteur de la construction.

Dans ce cadre sécurisant et sécurisé, de plus en plus d’agriculteurs optent pour cette voie de diversification agronomique, respectueuse de l’environnement et prometteuse en termes de retombées économiques.

Mon département, l’Essonne, est d’ailleurs l’un des plus importants producteurs de chanvre industriel, avec un millier d’hectares en culture et une centaine d’exploitants agricoles mobilisés.

Entreprise essonnienne emblématique, Gâtichanvre assure le défibrage de la paille, première étape de la transformation du chanvre permettant la réalisation d’isolants, d’enduits, de bétons et de blocs de chanvre.

Comment, dans ces conditions, expliquer les difficultés de mise en œuvre des produits issus du chanvre dans le bâtiment ?

Certes, la décision de l’Agence Qualité Construction, qui avait rejeté l’an dernier les règles professionnelles édictées dans le but de massifier la construction en chanvre, est derrière nous. Et nous devons nous féliciter du soutien apporté aux nouvelles règles professionnelles, dont la validation devrait intervenir prochainement.

Mais une autre entrave à l’usage du chanvre dans le bâtiment résulte de l’impossibilité pour les maîtres d’ouvrage de valoriser financièrement le béton de chanvre par le biais des certificats d’économies d’énergie. Ce dispositif requiert en effet une certification sur les matériaux employés, garantie par l’Association pour la certification des matériaux isolants. Les règles professionnelles ne sauraient tenir lieu de certification.

Or les performances thermiques remarquables du chanvre, ses capacités hygrothermiques inégalées, son pouvoir d’absorption des sons et sa résistance au feu sont amplement démontrés.

Un sujet d’inquiétude supplémentaire tient au fait que la plupart des maîtres d’œuvre sont des entreprises artisanales ou des PME spécialisées ne disposant pas toujours des moyens de financer la démarche de qualité permettant l’obtention du label « reconnu garant de l’environnement ». Les maîtres d’œuvre ne peuvent donc prétendre aux aides de l’État au titre de la rénovation de l’habitat.

En outre, la filière manque singulièrement de moyens pour financer des fiches de déclaration environnementale et sanitaire, nécessaires au respect de la nouvelle réglementation environnementale 2020, la RE2020.

Tous ces freins normatifs ont une conséquence majeure : l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments n’est obtenue que par l’emploi de matériaux issus de grands groupes industriels, dont l’impact environnemental et énergétique à la production est plus défavorable que pour les matériaux biosourcés.

Alors que l’optimisation des ressources naturelles est indispensable pour assurer la transition énergétique et que la France peut se prévaloir d’être le leader européen de la production de chanvre, je souhaiterais que le Gouvernement prenne des initiatives importantes pour obtenir la levée des contraintes pesant sur son utilisation dans le secteur de la construction.

En particulier, il me paraît indispensable d’accompagner cette levée des restrictions par des mesures fiscales propres à soutenir le développement significatif des filières locales biosourcées, dont celle du chanvre. Permettez-moi de vous demander, madame la secrétaire d’État, d’engager une concertation interministérielle sur le sujet.

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