Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette séance s’ouvre après plusieurs semaines de travaux en commission des finances et au sein des commissions saisies pour avis. Je remercie les rapporteurs spéciaux, qui ont passé en revue l’ensemble des crédits et qui ont formulé des propositions.
L’utilisation du 49.3 à l’Assemblée nationale fait que très peu de dispositions du PLF ont pu être examinées. Le Sénat a donc une responsabilité très particulière.
Dans cette intervention liminaire, je ne balaierai pas l’ensemble des sujets que nous aurons tout le temps d’approfondir d’ici au 6 décembre. Le rapporteur général a déjà fait un point très exhaustif.
Je voudrais plutôt partager quelques réflexions avec vous, messieurs les ministres, et m’échapper, si vous m’y autorisez, quelque peu des chiffres pour essayer de comprendre le sens de l’exercice de ce PLF 2023, tant il est vrai que sa lecture interroge. S’agit-il, dans un contexte incertain et, par bien des aspects, angoissant, de soutenir les Français face à l’inflation et à la crise énergétique notamment ? De maintenir notre outil industriel ? De stabiliser notre dette et nos comptes publics ? Sans doute un peu tout cela, nous direz-vous. D’ailleurs, c’est à peu près ce que vous avez dit… Mais la copie peine à convaincre.
En 2017, les choses étaient claires. Au bénéfice d’une situation des comptes publics rétablie, avec une croissance de 2, 3 % et un déficit ramené à 3 % du PIB, une politique néolibérale on ne peut plus classique a été appliquée : baisse des impôts des entreprises et des particuliers, soutien aux investisseurs privés, baisse de l’impôt sur le patrimoine.
Personne encore aujourd’hui – ni France Stratégie ni, voilà quelques jours encore, le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital – ne se risquait à faire un lien entre ces mesures et un renforcement par les bénéficiaires d’une réorientation de l’épargne vers le financement des entreprises.
J’étais opposé à votre politique, monsieur le ministre de l’économie, mais au moins j’en comprenais les attendus et les objectifs…
Puis vint la pandémie, et le quasi-arrêt de pans entiers de l’économie. Là encore, j’ai compris et, pour l’essentiel, approuvé votre action. Prêts garantis par l’État (PGE), chômage partiel, plans divers de soutien, puis plan de relance : les résultats en termes de reprise économique ont été au rendez-vous. On peut le dire, cela a été une réussite.
La crise russo-ukrainienne de cette année, ramenant la guerre en Europe, puis la crise énergétique et l’inflation sont venues mettre fin à un scénario favorable.
La situation est aujourd’hui difficile ; nous le reconnaissons tous. Mais là – surprise ! – tâtonnements, choix malheureux, imprécisions se multiplient. Je prendrai quelques exemples.
Premier exemple, mais vous avez dénoncé cette politique menée dans le passé pour promouvoir votre nouvelle politique : les aides aux Français non ciblées, mettant sur un pied d’égalité ceux d’entre nous ayant de bons revenus et ceux qui ne peuvent plus s’en sortir, comme les ristournes ou les aides portant sur le prix du gaz et de l’électricité, au prix d’une dépense publique inconsidérée et aujourd’hui complètement insoutenable.
Autre exemple : la contribution sur la rente inframarginale des producteurs d’énergies renouvelables (EnR), mise à mal par la dénonciation des contrats par ces producteurs.
Je crois avoir compris que vous allez très bientôt nous proposer une taxation directe de ces « superprofits » – j’ose employer ce terme – pour résoudre le problème. Comme quoi, calculer et taxer des superprofits n’est pas si difficile que cela, monsieur le ministre…