rapporteur pour avis de la mission« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Mes collègues ont bien résumé les raisons de notre opposition, transpartisane, au vote des crédits de la mission.
Laurent Duplomb a insisté sur la faiblesse économique de ce budget, sur la compétitivité, l'assurance récolte et la contractualisation, et Françoise Férat sur sa faiblesse sociale et sociétale, sur l'accompagnement des agriculteurs en détresse, le service de remplacement et la santé animale. Je me félicite d'ailleurs du relèvement du crédit d'impôt service de remplacement à 66 %, même si j'aurais souhaité, avec mon groupe, une hausse plus ambitieuse.
Pour compléter ce travail d'équipe, je m'attarderai sur la dimension environnementale du budget, avec l'effort d'adaptation de notre modèle agricole et de notre forêt.
La mise en place de l'assurance récolte est une bonne chose, et il est dommage que le Gouvernement ne la finance pas assez. Mais rappelons qu'elle est davantage destinée à préserver le revenu des agriculteurs des aléas exceptionnels, qu'à adapter le modèle agricole français au changement climatique. Car, calculée sur les trois années moyennes sur les cinq dernières, elle ne tiendra pas compte d'une éventuelle baisse structurelle de la productivité agricole. C'est pourquoi il est si important d'investir dans l'expérimentation de nouvelles pratiques culturales et d'avoir une recherche de qualité sur les évolutions de notre modèle agricole.
Or, année après année, les recettes du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar) continuent d'être plafonnées. On ne voit pas bien la logique budgétaire de cette sous-estimation, puisque le ministre de l'agriculture nous a dit en audition qu'il s'engageait à récupérer l'excédent de collecte, qui devrait dépasser 17 millions d'euros en 2022. Pour 2023, les recettes sont estimées à 126 millions d'euros, soit autant qu'en 2022, alors qu'avec l'inflation les recettes continueront de grimper. Nous voterons donc contre le Casdar.
On peut se demander si le but est de faire perdre du temps et de l'énergie au ministère, aux instituts techniques, aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), en les forçant à renégocier chaque année avec Bercy ? Est-ce pour les priver de la nécessaire visibilité dans la mise en oeuvre du Programme national pour le développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027 ? Ce n'est pas à la hauteur des enjeux d'innovation et de recherche agricoles.
En prime, tout le monde s'y perd puisque le ministère n'est pas en mesure de nous dire, sur le solde comptable de 18 millions d'euros, ce qui relève d'autorisations d'engagement pluriannuelles non encore décaissées ou de crédits mobilisables pour d'autres projets. Nous appelons le Gouvernement à accélérer son effort de traçabilité, grâce à l'application Chorus, pour identifier les crédits qui peuvent être récupérés et ainsi - pourquoi pas ? - prendre de l'avance sur la programmation du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027.
Sur la forêt, nous portons un amendement pour assurer la sincérité du budget s'agissant des annonces du Gouvernement sur l'annulation du schéma d'emplois de l'Office national des forêts (ONF). Car le Gouvernement nous a soumis deux fois à ses habituels jeux de bonneteau budgétaires en un seul PLF - cela fait beaucoup.
Une première fois en maintenant dans le projet de loi de finances initial la baisse de 80 équivalents temps plein (ETP) prévue dans le contrat État-ONF, contrairement aux annonces qui avaient précédemment été faites de sa suspension. Cela a permis au Gouvernement d'afficher des créations de postes, qui ne sont qu'une stabilisation.
Une seconde fois en prétendant avoir rétabli ces 80 ETP, alors que l'enveloppe de 3,3 millions d'euros ouverte dans le texte transmis au Sénat n'en finance que 60, l'État laissant le soin à l'ONF de financer les 20 derniers ETP sur ses propres deniers. Or, les ressources propres de l'ONF sont amenées à rechuter l'an prochain avec les tendances baissières de la construction et donc du cours du bois d'oeuvre. Et les bénéfices financiers de la contractualisation pour l'établissement, espérés par le Gouvernement, nous semblent trop optimistes. Notre amendement ne vise donc pas à faire de la surenchère, mais à forcer le Gouvernement à assumer jusqu'au bout sa position, à faire preuve de plus de sincérité budgétaire.
Enfin, aux côtés de la gestion des forêts publiques, il convient tout de même de rappeler que 90 % de la forêt qui a brûlé l'été dernier correspond à de la forêt privée.
Nous proposons avec mes corapporteurs, en lien avec les auteurs du rapport d'août dernier sur la prévention des feux de forêt, Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, de créer 20 ETP pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF). La forêt privée, qui représente pourtant trois quarts des surfaces, est le parent pauvre de notre politique forestière : le CNPF, dont les missions sont certes plus réduites que celles de l'ONF, compte moins de 350 ETP sous plafond, contre environ 8 000 pour l'ONF.
Nous proposons que les 20 postes créés soient pour moitié des techniciens forestiers de terrain, afin de dynamiser la gestion et favoriser le regroupement des parcelles, et pour moitié des référents pour la défense des forêts contre l'incendie dans chaque région, comme le proposent les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle sur les feux de forêt et de végétations, dont Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, ici présents.
Tant pour la sylviculture que pour l'agriculture, il va falloir modifier certaines pratiques et certains itinéraires techniques, et prévoir une intervention plus active de l'homme, pour s'adapter au changement climatique. En ce domaine, comme dans les domaines évoqués par mes collègues, ce budget n'est pas à la hauteur : nous voterons contre, mais nous espérons que le Gouvernement reprendra certaines de nos propositions, peu coûteuses.