Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 16 octobre 2010 à 22h00
Réforme des retraites — Article 25 quater

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Selon la rédaction proposée pour l’article L. 4622-9 du code du travail, le médecin du travail est chargé d’animer l’équipe pluridisciplinaire. Ce n’est pas seulement une adaptation, c’est aussi un changement fondamental de sa fonction.

Même si nous ne partageons absolument pas cette option, nous l’avons dit, nous devons nous efforcer d’en tirer les conséquences en protégeant les personnels non médicaux qui se trouveront de plus en plus exposés dans les services de santé au travail et dans les entreprises.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à faire cette proposition. Je relève dans le rapport de MM. Dellacherie, Frimat – c’est toujours le même cousin – et Leclercq que « l’indépendance technique des infirmières santé travail, qui, pour deux tiers d’entre elles, travaillent dans les entreprises et ne dépendent pas d’un service de santé au travail, serait en outre garantie par l’attribution du statut de salariées protégées ».

Le rapport précise que cette garantie statutaire devrait d’abord profiter à « celles qui bénéficient d’une délégation expresse du médecin du travail pour réaliser des actes médicaux ».

Il n’est pas possible d’exprimer avec plus de clarté deux notions.

Premièrement, il faut entendre désormais par pluridisciplinarité la pratique d’actes médicaux par délégation. Par conséquent, si le médecin conserve une responsabilité, l’infirmier ou l’infirmière risque fort de voir aussi la sienne mise en cause pour des actes médicaux réalisés seuls en pratique, dans l’entreprise ou dans le service de santé au travail. Une formation qualifiante doit donc être mise en place d’urgence.

Deuxièmement, la nouvelle pratique de ce qui n’est plus la médecine du travail issue de la loi du 11 octobre 1946 appelle une protection spécifique des personnels non médicaux qui vont exercer sur délégation.

Deux types de problèmes se poseront à ces personnels : d’une part, la mise en cause de la responsabilité professionnelle pour les conséquences éventuellement dommageables des actes pratiqués, surtout s’ils le sont sans la formation nécessaire ; d’autre part, la mise en cause par la direction du service de santé au travail, que ce soit en interne ou sur réclamation d’un employeur.

En toute hypothèse, comment ne pas penser aux contentieux possibles ? Les personnels non médecins vont se trouver exposés, sans bénéficier de la même protection que les médecins, alors qu’il leur sera demandé d’accomplir une partie des tâches qui étaient exclusivement dévolues à ceux-ci auparavant.

C’est toute l’ambiguïté, pour ne pas dire plus, de cette nouvelle pluridisciplinarité, car le projet de loi est très flou sur ce point. Ne s’agit-il pas simplement d’organiser la gestion de la pénurie ? Ne s’agit-il pas de limiter, sinon de neutraliser, les interventions des médecins « indépendants » – j’ai bien lu l’alinéa 26, monsieur le ministre ! –, pour ne pas dire indociles, pour les remplacer par des personnels moins formés ou formés à des disciplines différentes et, surtout, non protégés par leur statut.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion