Plus sérieusement, ce dispositif fiscal finance l’acquisition d’œuvres ou d’instruments de musique « pour les exposer au public ». Il faut ici préciser que lorsqu’on parle d’une œuvre d’art « exposée au public » on entend « exposée dans les parties communes », c’est-à-dire hors des bureaux ; il faut être subtil ! Imaginez la scène d’un contrôle fiscal dans une entreprise qui consisterait à regarder l’emplacement de chaque œuvre d’art…
Cette déduction n’est pas utilisée. Elle ne coûte « que » 3 millions d’euros, alors même que le montant de remboursement peut s’élever jusqu’à 0, 5 ‰ du chiffre d’affaires. Pour un groupe comme Kering de M. François Pinault, cela signifie 8 822 000 euros, assez finalement pour prendre goût à l’art et « soutenir le marché de l’art », selon les mots du ministère de la culture – « s’approprier le marché de l’art », devrait-on dire.
Nous ne savons pas combien d’entreprises en profitent ni lesquelles : on peut voir là un signe de la fiabilité du contrôle de cette mesure, dont on nous demande de voter la prorogation.
La contribution des entreprises à l’art, qui leur permet au passage de diminuer leur taux d’imposition, peut s’effectuer au travers d’autres dispositifs fiscaux. Par exemple, une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés peut déduire 90 % du montant de ses versements pour l’achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux et, sur dérogation, pour d’autres types de biens culturels.
Ce dispositif de soutien à l’acquisition d’un bien procède d’un renversement du rôle de l’État. En effet, l’État impécunieux devrait être suppléé par les entreprises pour assumer ses missions. Or, alors même qu’il consent à une réduction d’impôt, cette niche fiscale serait multipliée par 6, 5 en 2023 pour un montant de 39 millions d’euros, le tout alors que seulement neuf entreprises daignent faire des « cadeaux » à la puissance publique.