Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 19 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Article 4 duovicies

Gabriel Attal :

Il s’agit d’un amendement important et très dense, comme le souligne le nombre de pages qu’il comporte.

Cet amendement vise à poursuivre la transposition du règlement européen relatif à une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, issu d’un accord européen, qui traite notamment de la captation de la rente inframarginale dans le secteur de la production d’électricité.

En effet, un mécanisme européen, qui permettra de récupérer une part de la rente et des profits réalisés dans ce secteur de la production d’électricité, a été trouvé. Le sur-revenu, capté grâce à ce mécanisme, laissera évidemment des ressources suffisantes aux différents secteurs concernés pour couvrir leurs coûts de production, ainsi qu’une marge raisonnable.

Les profits restitués au-delà – ceux donc que nous récupérerons – participent au financement dans chaque État membre des mesures de bouclier énergétique destinées à protéger les Français ainsi que les populations des autres pays membres de l’Union européenne, puisque le même système s’y applique.

Encore une fois, l’objectif est de capter les profits issus de la spéculation, qui ne reflètent pas des coûts de production supplémentaires pour les différents secteurs concernés, et grâce à ces fonds, de financer une part importante du bouclier tarifaire permettant de limiter la facture des Français.

Je le rappelle, l’an prochain, l’augmentation de la facture d’électricité des Français sera limitée à 15 %, alors qu’elle devrait être de 120 % en suivant les prix du marché. Il s’agit donc d’une mesure très protectrice pour les Français.

L’accord autour du règlement européen a été adopté le 30 septembre dernier, alors que nous avions déjà présenté le projet de loi de finances. Nous ne disposions donc que de quelques jours pour rédiger un amendement et le déposer dans le cadre de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale. J’avais alors annoncé à vos collègues députés qu’il s’agissait d’une première version qui devrait être retravaillée au cours de la navette parlementaire. Nous y sommes. Cet amendement, que je vous présente au nom du Gouvernement, tire donc les conséquences des travaux conduits depuis plusieurs semaines.

Plusieurs évolutions sont intervenues pour affiner le dispositif.

La première a trait à un changement de date. Le mécanisme initial, tel qu’il figure dans le projet de loi qui vous est soumis, prévoyait de faire démarrer la captation de ce sur-revenu au 1er décembre. Les États membres n’ont pas tous choisi la même date pour cela : en Allemagne, par exemple, ce sera au 1er septembre. En France, nous proposons de décaler le démarrage du mécanisme au 1er juillet, ce qui permettra d’enregistrer des recettes supplémentaires, au titre de 2022, supérieures à 1, 2 milliard d’euros – les calculs sont encore en cours.

La deuxième évolution n’est, en réalité, guère apparente, puisque sans changer le taux fixé dans le texte, le Gouvernement manifeste son intention de le maintenir au plus près possible des 90 %, soit le haut de la fourchette prévue pour la contribution, sur l’ensemble de la période de taxation.

La troisième évolution concerne des modifications techniques portant sur les modalités de calcul de la taxe au fil du temps et sur la globalisation des revenus dans les différents secteurs de production d’électricité – nous pourrons revenir sur les détails techniques dans la suite de nos échanges.

La quatrième évolution vise à introduire des modifications pour répondre à des problèmes catégoriels. Je pense notamment à la cogénération, enjeu très important dans l’industrie. Nous avons pris en compte les spécificités de certains secteurs afin de ne pas bouleverser les équilibres. À ce titre, j’émettrai un avis favorable au sous-amendement défendu par Mme Lavarde, qui vise à exclure les plateformes industrielles pour sécuriser le dispositif et ne pas perturber les équilibres du secteur de la cogénération.

Nous tenons compte dans cet amendement de la spécificité des centrales à charbon, ainsi que de celle du secteur des déchets, notamment s’agissant des revenus versés aux collectivités locales. Cela constituait une inquiétude que nous souhaitons lever.

Enfin, vous le savez, le texte initial du projet de loi de finances adopté à l’Assemblée nationale fixait un seuil global de 180 euros par mégawattheure ; nous le remplaçons, au travers de cet amendement, par un seuil fixé par technologie afin de refléter les coûts fixes liés à chacune d’entre elles.

Je précise en outre que tous les seuils par technologie n’ont pas encore été fixés, car pour un certain nombre d’entre eux, il nous faut attendre les avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le résultat des travaux qu’elle doit nous remettre.

J’y insiste : il s’agit d’évolutions importantes, qui tiennent compte des travaux très riches conduits durant ces dernières semaines. Néanmoins, nous ne sommes pas encore au bout du chemin et le dispositif est encore perfectible. L’adoption de certains sous-amendements y contribuera.

Nous pourrons aussi revenir sur certains sujets dans la suite de la navette parlementaire, à l’occasion de la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale – je pense en particulier au secteur des déchets et de l’incinération, à propos duquel il subsiste encore des doutes et des inquiétudes.

Une réunion est d’ailleurs prévue entre les représentants du secteur et les équipes du ministère, dès lundi prochain, afin de continuer à clarifier les dispositions en tenant compte des spécificités qui lui sont propres.

Encore une fois, notre objectif n’est pas de bouleverser les équilibres économiques des différents secteurs, mais de pouvoir identifier, pour chacun d’entre eux, la rente qu’il est possible de récupérer pour financer la protection des Français et qui ne reflète pas une augmentation des coûts de production.

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