Le nouvel article L. 4622-10 du code du travail créé par cet article 25 quater introduit dans les missions des services de santé au travail la notion de « réalités locales ». Cette rédaction nous inquiète, surtout parce qu’elle est accolée à l’introduction de contrats d’objectifs et de moyens.
Si nous sommes favorables à la définition d’objectifs, parce qu’elle peut porter un certain niveau d’ambition, nous sommes inquiets quant aux moyens : le simple fait d’en parler revient à constater qu’ils manquent et qu’ils vont manquer encore plus. Admettez avec moi que des objectifs sans moyens correspondants ne pourront être tenus. Ou alors, il faudra réviser les objectifs, et nous voyons bien où tout cela mènera.
C’est pourquoi, dans ce contexte, la notion de réalités locales est un élément de restriction supplémentaire. Comment peut-on définir juridiquement les réalités locales ? Les réalités s’imposent : en matière de médecine, de santé et de sécurité, elles peuvent, elles doivent même, justifier un surcroît d’activité et de moyens. Mais il est très inquiétant de définir a priori les missions de services de santé en fonction de réalités locales. En effet, les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré des circonstances locales, par définition variables et évoluant dans le temps.
Les missions de la médecine du travail, telles que nous les concevons, ont un lien direct avec la santé publique. Tous les travailleurs, dans toutes les branches et dans toutes les régions, doivent être traités avec l’ensemble des moyens, non pas les moyens disponibles, mais les moyens nécessaires.
Il faut appliquer à la sécurité des travailleurs les mêmes principes que ceux qui sont déployés au service de la santé publique, sinon on risque de créer de graves inégalités territoriales. On risque aussi d’amener les travailleurs à s’interroger sur ces inégalités, sur la différence de traitement réservée, par exemple, à une épidémie de grippe et à leur souffrance quotidienne, avérée destructrice et assurément mortelle pour nombre d’entre eux.