Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 22 novembre 2022 à 21h30
Loi de finances pour 2023 — Article 10 octodecies

Gabriel Attal :

Il faut bien mesurer la portée de cette décision prise par le Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité : l’article 60 du code des douanes, dont il est question, est au cœur du métier des douaniers, puisqu’il leur permet de « procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ».

Cette décision a été un choc et une source d’inquiétude pour les douaniers – au début, certains se demandaient s’ils pourraient continuer de travailler ! –, parce que, je le répète, cet article constitue le socle de nombre de leurs actions.

Heureusement, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er septembre 2023 la date de l’abrogation de cet article, si bien que nous disposons d’un peu de temps pour trouver une nouvelle rédaction – si ce n’est pas le cas, le droit de visite des douaniers « tombera » le 1er septembre prochain !

Je rappelle que les douaniers réalisent 85 % des saisies de stupéfiants dans notre pays, qu’ils protègent nos frontières et qu’ils contrôlent les marchandises qui entrent sur notre territoire. Ils jouent donc un rôle essentiel dans la lutte contre les trafics, qu’il s’agisse de contrebande ou de contrefaçon.

Nous devons leur donner les moyens d’agir, ce qui passe en l’espèce par l’adoption, en un temps contraint, d’une nouvelle rédaction pour l’article 60 du code des douanes. Nous devons donc à la fois aller vite et prendre le temps pour modifier un texte qui, M. le rapporteur général l’a rappelé, date de 1948.

C’est dans ce contexte que nous proposons au Parlement d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Cette procédure nous permettra avec l’ensemble des parties prenantes – le Conseil d’État, des juristes spécialistes des libertés publiques, des personnalités qualifiées, mais aussi des parlementaires de la majorité comme de l’opposition – de trouver cette nouvelle rédaction.

Il me semble que c’est avec cette méthode que nous pourrons, d’un côté, respecter le délai fixé par le Conseil constitutionnel, et, de l’autre, garantir aux douaniers qu’ils pourront continuer à agir comme ils le font aujourd’hui et dans le respect des libertés publiques.

Pourquoi l’amendement présenté par M. le rapporteur général à l’instant ne me semble-t-il pas satisfaisant ?

Tout d’abord, parce que ses dispositions ne répondent pas entièrement aux critiques du Conseil constitutionnel qui ont conduit à la censure de l’article 60. Par exemple, la décision du Conseil constitutionnel a pointé du doigt le fait que le droit de visite s’exerce « en toutes circonstances ». Or l’amendement vise à maintenir la possibilité d’un contrôle fondé sur l’article 60 du code des douanes sur tout le territoire.

Ensuite, le texte proposé donne des précisions, telles que la présence de l’occupant du véhicule ou la possibilité d’« appréhender des indices « sans avoir la possibilité de les saisir », qui semblent matériellement impossibles dans les situations visées et qui ne répondent en aucune façon aux critiques du Conseil constitutionnel.

C’est pourquoi, en l’espèce, le recours à une ordonnance me paraît plus adapté, même si ce n’est pas totalement satisfaisant, j’en conviens volontiers.

L’habilitation est la seule solution, je le redis, qui nous permette de respecter le délai fixé, tout en limitant les risques d’une nouvelle censure par le Conseil constitutionnel sans obérer les capacités d’action des douaniers. Il est essentiel que les contrôles douaniers se déroulent dans les meilleures conditions de sécurité juridique, y compris en termes de protection des libertés.

Nous devons finalement opérer une réforme en profondeur du droit de visite, et celle-ci affectera l’ensemble des missions des douanes. Les enjeux humains sont donc très importants, que ce soit en termes de déroulement opérationnel des contrôles, de formation, voire de positionnement des brigades sur le territoire.

C’est pour ces raisons que cette nécessaire mise en conformité n’est pas envisageable dans ce projet de loi de finances.

J’aurais moi aussi préféré pouvoir vous proposer à cet instant une nouvelle rédaction complètement aboutie de l’article 60, mais le chantier est d’une telle ampleur que ce n’est tout simplement pas possible !

Monsieur le rapporteur général, vous estimez qu’une telle réforme ne peut pas se faire par ordonnance. De mon côté, je vous donne des garanties sur la manière dont les choses vont se dérouler et sur l’association des parlementaires et je vous réponds que cette réforme ne peut pas se faire au travers d’un amendement qui serait voté par le Parlement au milieu de la nuit.

Je crois que nous partageons tous l’objectif de permettre aux douaniers de continuer à protéger les Français et nos frontières. Nous avons tous à cœur de moderniser le droit douanier, en assurant le plein respect des libertés fondamentales, comme nous y invite le Conseil constitutionnel. Et je suis certain que, si vous interrogez les douaniers de vos départements, ils vous diront que ce que nous vous proposons, qui a été préparé avec eux, est la voie la plus sage.

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