Pendant de nombreuses années, les dividendes de la paix ont fait cruellement baisser les moyens de la marine nationale, qui pourtant doit relever aujourd'hui de nombreux défis. « Les larmes de nos souverains ont souvent le goût salée de la mer qu'ils ont ignorée ». Vous connaissez bien cette citation qu'on prête à Richelieu. Elle nous enjoint à donner davantage de moyens à la marine pour nourrir nos ambitions mais aussi nos devoirs. Il y a un an, à votre initiative et sous votre commandement, se déroulait le très bel exercice Polaris où deux task force se sont affrontés durant six jours de guerre simulée dans une logique multi milieux et multi champs, en adéquation avec les menaces actuelles, sollicitant tous les niveaux de compétences de la marine. Avec un réalisme inédit, l'engagement de ces deux task force a marqué une attrition crédible des moyens capacitaires, mis en oeuvre dans des conditions dégradées telles que des coupures de communication satellitaire ou des brouillages de leur environnement électro-magnétique. La complexité et l'exigence de l'exercice renforcent la pugnacité des équipages et nourrissent les réflexions tactiques sur la guerre de demain.
La Président de la République parle désormais régulièrement d'économie de guerre. Mais selon moi une économie de guerre nécessite des décisions lourdes, exceptionnelles, permettant d'accélérer les productions mais aussi les processus d'innovation et de qualification. Dès lors, comment souhaitez-vous imprimer dans la marine l'esprit Polaris aux autres segments que l'opérationnel, en particulier pour inciter à accompagner les industriels de défense à répondre aux besoins de la marine ?
Au salon Euronaval, pas un stand n'ignorait la montée en puissance de drones maritimes. Nous avons pu être témoin de la capacité française en la matière. S'agissant des drones sous-marins à grande profondeur, la DGA a récemment notifié un marché à l'entreprise norvégienne Kongsberg maritime pour la mise en oeuvre d'un drone pouvant opérer jusqu'à 6000 mètres de profondeur. Il s'agit théoriquement d'une capacité exploratoire. En se procurant ainsi des solutions sur étagère, ne risque-t-on pas de passer à côté du développement d'une solution industrielle souveraine ? La France dispose de toutes les compétences nécessaires.
Par ailleurs, et plus généralement, compte tenu de la menace désormais avérée sur nos infrastructures énergétiques et informationnelles sous-marines, ne faut-il pas renforcer la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins présentée en février dernier ? La capacité « grands fonds » mise en place servira à sécuriser nos approches métropolitaines, mais les besoins sont multiples : protection de nos infrastructures portuaires, de notre dissuasion nucléaire, câbles sous-marins, gazoducs etc... Par ailleurs, ne faut-il pas envisager d'équiper également nos outre-mer dans la mesure où leurs ressources biologiques et minérales sous-marines sont convoitées par des puissances étrangères, voire par des entités privées ? Il s'agit de couvrir une ZEE qui est la deuxième au niveau mondial, ce qui nécessite davantage qu'une capacité échantillonnaire.