Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 24 novembre 2022 à 14h45
Loi de finances pour 2023 — État a

Gabriel Attal :

Je vais tout d’abord essayer de répondre sur la méthode.

Au moment où débute la discussion du PLF en séance, plus de 1 700 amendements ont été déposés. Dès lors, ce que cherchent à faire les services de Bercy, c’est chiffrer autant que possible le coût de ces amendements pour que, en tant que ministre au banc, je puisse en informer le Sénat. Vous l’imaginez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, 1 700 amendements à chiffrer en quelques jours, cela demande un travail colossal.

Comment procède-t-on ? On chiffre en priorité les amendements sur lesquels on pressent que la commission va émettre un avis favorable, donc dont on se dit qu’ils ont a priori beaucoup de chances d’être adoptés par le Sénat. Reste que, bien que nous fassions le maximum, certains amendements n’ont pu être intégralement chiffrés lorsque s’ouvre leur examen.

Vous m’avez interrogé, monsieur Delahaye, sur le chiffrage de votre amendement relatif aux plus-values immobilières : pourquoi ne figure-t-il pas dans l’article d’équilibre ?

Il se trouve que cet amendement aura des conséquences budgétaires en 2024, et non en 2023, du fait des modalités d’entrée en vigueur du dispositif proposé.

Pour autant, s’agissant de ce que j’ai qualifié de big-bang du marché de l’immobilier, vous imaginez bien qu’un chiffrage nourri est indispensable. Je peux donc vous communiquer quelques premières informations, si vous le souhaitez, pour vous donner un ordre de grandeur de l’impact financier de votre amendement et permettre au Sénat d’apprécier les effets de son vote.

La seule baisse des taux d’impôt sur le revenu représente un coût de l’ordre de 600 millions d’euros. La baisse des prélèvements sociaux pourrait représenter une perte de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale. Cela fait déjà 1, 6 milliard d’euros. La suppression de la taxe sur les plus-values exceptionnelles ajouterait, pour les finances publiques, un coût additionnel de 100 millions d’euros, soit un total de 1, 7 milliard d’euros.

Votre amendement, monsieur Delahaye, tend également à remplacer les abattements pour durée de détention par un coefficient d’érosion monétaire. Le chiffrage de cette mesure est complexe, car il dépend notamment de l’inflation : plus celle-ci est élevée, plus la mesure est coûteuse. Comme sa mise en œuvre est prévue pour 2024, il faut se projeter sur les prévisions d’inflation à deux ans, or de telles anticipations sont par définition assez hypothétiques.

Toutefois, pour vous donner un ordre de grandeur, des estimations réalisées en 2019 nous avaient amenés à la conclusion suivante : avec une inflation stable à 2 %, beaucoup moins élevée que les niveaux que nous connaissons actuellement, la mesure coûtait déjà 700 millions d’euros.

Le total s’élèverait donc à 2, 4 milliards d’euros, avec des aspects encore non chiffrés. Mais, je le répète, il n’y aurait pas d’impact sur 2023, puisque la mesure entrerait en vigueur en 2024.

Pour ce qui est de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, je vous confirme que, dans le cadre du mécanisme actuel de contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui nous permet de récupérer la rente inframarginale des énergéticiens du renouvelable, nous évaluons à 4 milliards d’euros le coût de la situation actuelle, qui voit des fournisseurs d’électricité résilier unilatéralement leurs contrats et se retirer du marché pour ne pas avoir à rendre à l’État ce qu’ils lui doivent en application desdits contrats. Mais tous ces énergéticiens seront rattrapés par la nouvelle CRI ; d’où une partie de l’élargissement des recettes y afférentes.

Les pertes pour l’État sont donc en définitive très faibles, puisque ceux qui sortent du mécanisme du CSPE seront rattrapés via la contribution européenne sur la rente inframarginale.

Enfin, monsieur Capus, l’adoption de l’amendement relatif au filet de sécurité ne dégrade pas le solde public, puisque celui-ci est calculé toutes administrations publiques confondues. Dès lors, comme ce calcul intègre l’État, les collectivités locales et la sécurité sociale, un transfert de l’État vers les collectivités locales n’a facialement pas d’impact sur le déficit.

Au-delà de ces réponses, j’insiste sur le fait que l’amendement n° I-1743 rectifié du Gouvernement – raison pour laquelle le rapporteur général a parlé d’en « prendre acte » – a pour seul objet de récapituler, sur un strict plan mathématique, l’incidence de vos votes, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est possible de revenir sur ces votes ; il y aura d’ailleurs une seconde délibération et, par coordination, un nouvel article d’équilibre sera présenté. Mais, de nouveau, il ne s’agit que de tenir compte de ce qui a été voté.

Il est très important que l’article d’équilibre soit cohérent avec les mesures adoptées, sans quoi un risque constitutionnel pèse sur le projet de loi de finances. Il est arrivé une fois, me semble-t-il, dans l’histoire de la Ve République, qu’un PLF soit censuré ; en pareil cas, les dispositions du projet de budget peuvent être mises en vigueur par ordonnance… J’imagine que tel n’est pas le souhait des sénatrices et des sénateurs ! D’où l’importance de veiller à la cohérence de l’article d’équilibre avec le reste du texte.

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