Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 24 novembre 2022 à 14h45
Loi de finances pour 2023 — Vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

Dans ce contexte, notre comportement et nos amendements ont été ceux d’une opposition politique de gauche aux choix budgétaires du Gouvernement et à l’invocation à quatre reprises du 49.3 – pour les budgets de l’État, des collectivités et de la sécurité sociale –, sans compter, dans l’intervalle, un cinquième passage en force…

La démocratie parlementaire est encore une fois malmenée. Notre démocratie, qui devrait pourtant, dans le contexte d’une absence de majorité, tenir enfin toutes ses promesses, s’apparente à une succession de coups de boutoir donnés au peuple, à ses aspirations, à ses représentants. Il suffisait pour s’en convaincre d’entendre le mot « Défavorable ! » répété d’innombrables fois par M. le ministre, tantôt laconiquement, tantôt en conclusion d’une tirade libérale, éventuellement moralisatrice.

Les débats se sont donc tenus sous le joug du 49.3, dans la ligne de mire d’un gouvernement « défavorable » par principe aux propositions responsables des oppositions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, certes, « les erreurs font partie de la vie ». Mais « c’est la réponse qu’on leur oppose qui est importante ». Le Sénat a voté, nous nous en félicitons, pour le maintien de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Plutôt que d’acter que la seule assemblée ayant pu en débattre rejette la disparition de cet impôt, le Gouvernement persiste, en se gardant bien de rappeler que les élus locaux sont farouchement attachés à la territorialisation de la valeur ajoutée, à ce lien économique entre la commune et le lieu de production.

En effet, la CVAE n’est pas si décriée que cela par les entreprises, n’en déplaise à certains. Sur quoi les chefs d’entreprise se focalisent-ils ? Sur les infrastructures et sur la qualité du bassin d’emploi et du réseau de service !

Du reste, cette suppression est une aberration pour une France dont le ministre Le Maire a dit qu’elle était « à l’euro près » ; elle l’est tellement, à l’euro près, que le Gouvernement passe outre au débat parlementaire et entend faire voter une suppression pérenne de CVAE qui nous coûte 9 milliards d’euros. Bonjour « l’euro près »…

Pourtant, tous le concédaient : une telle suppression n’était ni possible – la Cour des comptes le soulignait elle-même – ni souhaitable et, en toute hypothèse, ce n’était pas le moment !

Il arrive que les différents groupes du Sénat votent dans le même sens ; il est plus rare que ce soit pour les mêmes raisons. L’exigence de clarté et la responsabilité m’obligent à vous le dire, mes chers collègues : le groupe CRCE est pour la préservation et le renforcement de la fiscalité économique territoriale, il plaide pour une refonte, du sol au plafond, de la fiscalité des entreprises.

Monsieur le ministre, il faudra respecter ce vote. Nous vous le demandons avec solennité : respectez ce vote ! Cette décision souveraine engage notre pays et elle vous engage.

Je souhaite maintenant dire quelques mots sur un amendement qui a été adopté par le Sénat.

Veuillez m’excuser d’employer ce mot, mes chers collègues, mais il s’agit, selon moi, d’un amendement scélérat.

Juste avant la séance, un amendement du Gouvernement, identique à celui-ci, avait été retiré : il fallait protéger le ministre, ainsi en avait décidé l’Élysée. Par conséquent, on est passé par les sénateurs En Marche, Renaissance, RDPI ou, pour simplifier – je ne sais jamais comment vous nommer, mes chers collègues –, de la majorité présidentielle : c’est plus discret et moins engageant.

Cet amendement, c’est peu de le dire, aidera les grandes entreprises, puisque ce sont les seuls agents économiques à s’assurer eux-mêmes, via une filiale, ce qui constitue d’ailleurs un outil d’optimisation des plus agressifs. Les captives de réassurance sont pour la plupart hébergées au Luxembourg, en raison de la « fiscalité attractive » de ce pays, version euphémisée de « paradis fiscal au cœur de l’Europe ».

Par cet amendement est rendue non imposable la provision constituée auprès d’une filiale en prévision de dommages aux biens professionnels et agricoles, de catastrophes naturelles, en matière de responsabilité civile générale, et j’en passe.

Que s’est-il passé ? En gros, on est passé par la bande pour faire un cadeau aux plus grandes entreprises. C’est un non-sens économique, c’est la preuve d’un capitalisme qui considère que tout est marchandise, y compris, monsieur le ministre, le travail.

Mon groupe a été, comme d’autres, force d’idées et de persuasion, militant en faveur d’avancées majeures pour les collectivités territoriales : l’indexation de la DGF sur l’inflation, bien que nous préférions une indexation pérenne, la compensation pour les départements de la revalorisation du RSA calée sur l’inflation, l’engagement pris de réviser les valeurs locatives des locaux d’habitation ou encore l’intégration au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) des dépenses d’aménagement et d’agencement de terrain.

Néanmoins, pour toutes les raisons énumérées au début de mon intervention, puisque, malheureusement, les seuls qui sont rassurés ce soir sont ceux qui font des profits et des superprofits, le groupe CRCE votera contre la première partie de ce projet de loi.

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