Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 24 novembre 2022 à 14h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : pensions

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons eu droit cette année, dans le cadre de la mission « Gestion des finances publiques », à deux rapports de la part de l’Assemblée nationale : un premier, du rapporteur spécial Louis Margueritte, ancien directeur de cabinet de M. Alain Griset, puis directeur adjoint de cabinet de M. Bruno Le Maire ; le second, de la rapporteure spéciale Charlotte Leduc.

Ces deux députés se sont penchés sur cette question cruciale : quels moyens sont-ils consacrés au recouvrement de l’impôt ? Autrement dit, comment s’assurer que ceux qui sont redevables d’un impôt l’acquittent réellement ?

Comment ne pas se réjouir d’une augmentation des crédits de 5, 42 %, en moyenne, pour chacun des programmes que compte la mission !

À bien y regarder, les crédits de paiement du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », sont en augmentation de 80 millions d’euros. Cette hausse servira, pour 50 millions d’euros, à la prestation d’appui et de supports. Des cabinets de conseils viendront s’occuper de la sécurité juridique des services d’impôts. Pas moins de 210 millions d’euros sont engagés pour ces actions, soit une hausse de 61 % par rapport à 2022.

Dans son rapport, Mme Leduc constate « une baisse alarmante des effectifs et la mise en place mal avisée de nouvelles technologies ». Ne soyons pas trop durs : sept équivalents temps plein sont pourtant prévus dans le domaine du conseil en stratégie…

Depuis 2018, plus de 1 000 emplois ont été supprimés au service du contrôle fiscal ; cela a été accompli, selon la DGFiP, grâce au recours à l’intelligence artificielle pour le ciblage de la fraude et la valorisation des enquêtes. Des gains de productivité, voilà bien l’objectif central de notre gouvernement !

Pourtant, nous ne cesserons de le répéter, les robots ne remplacent pas les humains : ils les aident et les assistent, dans le meilleur des cas. Cette trajectoire critiquable conduit, à l’échelle de la mission, à un abaissement du plafond d’emplois de 863 équivalents temps pleins travaillés.

Les transferts de missions de la direction des douanes au profit de la DGFiP exigeraient des recrutements en conséquence. Nous nous félicitons du ralentissement du calendrier et de la redéfinition des missions transférées. C’est sans doute grâce aux mouvements sociaux dans les services des douanes qu’a été enrayée cette machine infernale qui nie les compétences de chacun et rend invisibles les spécificités des recouvrements, l’expertise propre aux métiers des agents.

Pour pallier ces carences en personnel, le rapporteur spécial de la majorité présidentielle appelle à conforter la relation de confiance entre la DGFiP et les entreprises, qui permet de sécuriser le recouvrement des prélèvements obligatoire. Derrière cette nouvelle idéologie se cache le nouveau mantra de la start-up fiscale : moins de répression, plus de bienveillance. Or il n’y a que deux catégories de situations : celles qui nécessitent un redressement et les autres.

La technologie et cette nouvelle doctrine, ainsi que les baisses d’effectifs et l’inflation des dossiers, expliquent probablement la chute de 4, 2 milliards d’euros des droits et pénalités notifiés par rapport à 2012 et la relative stabilité des sommes encaissées.

Le juge Van Ruymbeke le sait mieux que quiconque : « Les fraudeurs, dit-il, ont toujours un coup d’avance. » Toutefois, il pense, comme moi et comme d’autres ici, que l’évasion fiscale n’est pas une fatalité : « Je pense que, le jour où on s’attaquera vraiment aux paradis fiscaux, aux outils, aux sociétés offshore, on mettra au pas ces paradis fiscaux. »

Ce message d’espoir doit être entendu ; il doit nous permettre d’opérer un virage dans la doctrine, les moyens et les règles politiques fixées à l’endroit de ceux qui se détournent de l’impôt et de ceux qui les y aident. C’est impératif si l’on ne veut plus entendre des multinationales qui fuient l’impôt nous dire, la main sur le cœur, qu’elles sont fières de se conformer aux règles fiscales des pays où elles opèrent.

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