Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen conjoint des missions « Gestion des finances publiques », « Régimes sociaux et de retraite » et « Transformation et fonction publiques » est un exercice impossible dans le temps qui nous est alloué.
Je me concentrerai donc sur les enjeux qui concernent directement les quelque 5, 6 millions d’agents publics qui, dans nos écoles, nos hôpitaux, nos commissariats ou nos collectivités, exercent dans des conditions parfois difficiles leur nécessaire mission de service public.
Je veux profiter de l’examen de ce budget pour saluer l’ensemble des agents de nos différentes fonctions publiques pour leur professionnalisme et leur engagement au service de nos concitoyens.
La fonction publique fait aujourd’hui face à une vraie crise du recrutement, qui se constate dans tous ses versants, avec des conséquences très concrètes sur le service rendu aux usagers : horaires réduits, diminution du temps de présence aux guichets et recours accru à la dématérialisation, qui éloigne des services publics beaucoup de nos concitoyens, notamment les plus âgés et les plus précaires, et alimente la mécanique du non-recours aux droits.
Relever le défi de l’accessibilité de nos services publics passe donc nécessairement par une amélioration de l’attractivité de la fonction publique. Pour assurer aux usagers un service public de qualité et de proximité, il faut que des femmes et des hommes acceptent de s’engager dans cette carrière.
La crise du recrutement n’est pas une crise des vocations pour le service public. Elle s’explique plutôt par une perte de sens et par une dégradation des conditions de travail au sein de la fonction publique, dégradation nourrie par le développement de la contractualisation et de l’externalisation.
La crise du recrutement s’explique aussi par la faiblesse des rémunérations. J’observe que nous partageons ce constat, monsieur le ministre de la transformation et de la fonction publiques, puisque vous avez vous-même récemment déclaré que « le déficit d’attractivité de la fonction publique est lié à une problématique salariale ».
Le Parlement a certes voté une revalorisation de 3, 5 % du point d’indice, mais cette augmentation intervient après dix années de gel – exception faite des années 2016 et 2017 – et dans un contexte inflationniste exceptionnel.
Certes, il s’agit de la plus forte augmentation générale du point d’indice au cours des quarante dernières années, mais l’inflation aussi n’a jamais été aussi haute depuis quarante ans ! Cette augmentation, aussi importante soit-elle, ne couvre donc ni la hausse des prix en 2022 ni la perte de pouvoir d’achat cumulée depuis 2017.
Vous affirmez que, en l’absence d’une nouvelle mesure générale portant sur les salaires, les mesures de compensation individuelle devraient permettre de maintenir le pouvoir d’achat des agents de la fonction publique. Mais ces compensations, tout comme la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), ne sont plus des mécanismes adaptés et ne sont pas à la hauteur en matière d’attractivité.
Certes, grâce aux compensations individuelles, les agents qui sont déjà sur la grille ne perdent pas de pouvoir d’achat. Mais quid de ceux qui passent les concours, pour lesquels aucune compensation individuelle n’est prévue ? Par ailleurs, la grille est de moins en moins attractive par rapport aux possibilités offertes dans le secteur privé.
L’action sociale interministérielle, qui vise à améliorer les conditions de vie des agents de l’État et de leurs familles, pourrait constituer un levier d’amélioration du pouvoir d’achat des agents publics.
J’en viens plus directement au budget qui nous est présenté. Ses crédits sont en légère hausse de 1, 8 %, mais ils restent faibles en volume et cette augmentation est amputée par l’inflation.
Ainsi, en premier lieu, des crèches : le dispositif qui permet aux agents de bénéficier prioritairement de places en crèches dans des aires géographiques adaptées à leurs besoins reste trop modeste. Le montant global qui lui est alloué, 30, 7 millions d’euros, est à peine plus important que celui qui avait été ouvert pour 2022, soit 30, 1 millions d’euros. Cette quasi-stabilité freine nécessairement le développement du parc. Seules cent places en crèches ont été créées en 2022 et il n’est annoncé que cent trente-cinq places supplémentaires pour 2023.
Ainsi, en second lieu, du logement des fonctionnaires : les chiffres présentés dans ce texte montrent l’absence d’une grande politique sociale interministérielle en matière de logement, alors que celui-ci pèse toujours plus lourd dans le budget des Français et notamment des fonctionnaires.
En 2020, lors du débat budgétaire pour l’année suivante, j’avais souhaité, par un amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de réviser l’ensemble du dispositif de l’indemnité de résidence.
Ce dispositif, qui n’a pas été modifié depuis 2001, est obsolète. Les montants proposés sont ridiculement faibles. Son périmètre aussi doit être révisé, certaines zones frontalières n’étant pas incluses alors qu’elles subissent des loyers très élevés. C’est le cas du pays de Gex, dans mon département de l’Ain, et des zones frontalières de la Haute-Savoie. Les difficultés que rencontrent les fonctionnaires pour se loger sont vraiment immenses !
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Mme Amélie de Montchalin, s’était engagée au nom du Gouvernement, devant le Sénat, à revoir ce dossier, considérant que les politiques sociales d’aide à l’accès au logement doivent permettre aux agents publics d’avoir accès à un logement adapté pour un coût connu et encadré. En dépit des relances, nous n’avons rien vu venir !
Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 26 octobre dernier, vous avez reconnu qu’il y avait là un vrai sujet. Je vous demande avec insistance, monsieur le ministre, de passer enfin aux actes. C’est important pour un certain nombre de territoires.