Intervention de Martine Berthet

Réunion du 24 novembre 2022 à 21h30
Loi de finances pour 2023 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Martine BerthetMartine Berthet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma première remarque concernant la mission « Économie » aura trait à sa forme : cette mission agglomère des crédits disparates qui financent tantôt le fonctionnement de certains services de l’État, comme l’Insee, la direction générale du Trésor, ou la DGCCRF, tantôt des actions comme la compensation carbone, l’achat d’études économiques, la gouvernance des pôles de compétitivité, ou encore le service public postal.

On observe, à la lecture de cette mission, de fortes hésitations quant à la politique économique à mener. Bien entendu, je n’ignore pas que d’autres missions du budget général concourent également à la mise en œuvre des politiques économiques, mais il me semble qu’en matière de présentation du budget la clarté est primordiale pour nos concitoyens. Or, ici, elle ne règne pas.

Tout d’abord, cette mission se présente comme un trompe-l’œil. En apparence, si l’on se fonde sur sa version initiale, ses crédits augmentent de 860 millions d’euros, ce qui est une bonne chose. En réalité, un tiers de la hausse provient de la simple rebudgétisation des prestations réalisées pour l’État par la Banque postale, et près de 50 %, de l’augmentation de la compensation carbone. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y a pas de réel effort de soutien à l’économie.

De fait, cette mission est surtout devenue le support des actions menées par le Gouvernement pour aider les entreprises face à la hausse des coûts de l’électricité. Ainsi, le Gouvernement y a ajouté quatre milliards d’euros de crédits à l’Assemblée nationale pour financer celles d’entre elles qui sont les plus consommatrices en énergie.

En la matière, le constat établi par la commission des affaires économiques n’est pourtant guère engageant. Les montants alloués aux volumes d’énergie sont insuffisants et aucun dispositif structurel n’est avancé. Les dernières mesures annoncées laisseront encore trop de petites entreprises dans la détresse et la situation des industries électro-intensives et hyper-électro-intensives n’est pas meilleure.

Nos concurrents hors de l’Union européenne disposent, quant à eux, d’une visibilité à vingt-cinq ans ou à trente ans et peuvent se fournir en électricité à bas coût autant qu’ils le souhaitent.

Permettez-moi d’insister sur la situation de l’industrie française, car elle est particulièrement préoccupante. Nous payons le prix fort d’une perte de souveraineté économique qui résulte de mauvais choix politiques et de l’inaction du Gouvernement depuis plusieurs années. Les annonces faites récemment dans le cadre du plan France Relance, du plan national de relance et de résilience, ou de France 2030 ne concernent qu’un nombre trop faible d’actions et n’engagent pas de mesures suffisamment structurantes pour l’avenir.

En 2023, les crédits ordinaires liés à l’industrie au sein de la mission « Économie » se situeront à un niveau similaire, voire inférieur, à celui des années précédentes. Aucune aide directe pour le secteur industriel n’est prévue, à l’exception du financement résiduel des pôles de compétitivité et de la compensation carbone.

Cette dernière est la principale aide directe inscrite dans la mission depuis plusieurs années, mais elle ne sera pas soutenable. Il apparaît urgent d’investir massivement dans la technologie de décarbonation de l’industrie, pour rééquilibrer la concurrence entre l’Union européenne et les pays étrangers.

S’agissant des aides à l’innovation et à l’investissement, elles sont portées par les programmes d’investissements d’avenir successifs et par le plan France 2030. Je le regrette, dans la mesure où cet éclatement des moyens ne permet pas, une fois de plus, de définir une politique industrielle claire à long terme.

Par ailleurs, comme l’a souligné notre rapporteur, les PIA et France 2030 sont déployés à travers des appels d’offres nationaux difficilement accessibles pour nos PME et nos ETI.

Cela est d’autant plus regrettable que la conjoncture économique demeure incertaine et que les transformations industrielles s’accélèrent. Il manque une vision de long terme pour que la France puisse regagner de la compétitivité, rééquilibrer sa balance commerciale et défendre sa souveraineté industrielle.

Protéger nos industries en adoptant des mesures structurantes, c’est faire le choix de l’indépendance de la France, en conservant la maîtrise de nos matières premières dans des secteurs indispensables pour la transition énergétique.

Par ailleurs, je me réjouis de l’adoption par la commission des affaires économiques d’un amendement tendant à augmenter les moyens budgétaires de la DGCCRF. Comme le demandait notre rapporteur pour avis Serge Babary, comment faire plus avec toujours moins, avec des moyens qui ne le permettent pas ?

Enfin, les travaux du rapporteur pour avis sur le financement des associations de consommateurs me semblent importants ; il sera intéressant de connaître vos intentions en la matière, monsieur le ministre. Force est de constater que le nombre élevé d’associations nationales agréées conduit à un saupoudrage des subventions publiques et que la diminution de ces dotations, entamée il y a quelques années, s’opère selon des critères pour le moins obscurs.

Je forme le vœu que le Gouvernement puisse nous éclairer sur l’ensemble de ces sujets.

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