Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est exigeant s’agissant des moyens alloués pour assurer la sécurité, la sûreté, dirai-je même, de nos concitoyens, de tous nos concitoyens.
Cette mission, qui regroupe les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des pompiers est en hausse de 6, 6 % pour 2023, conformément à la trajectoire contenue dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui a animé nos débats voilà quelques semaines. Dont acte !
Si l’on peut se féliciter de la hausse globale du budget de la mission, certaines disparités sont à noter. Par exemple, pour la police nationale, trois des six actions, et non des moindres, sont en baisse : les crédits alloués à la sécurité et à la paix publiques, à la sécurité routière ainsi qu’aux missions de police judiciaire et concours à la justice subissent tous des baisses de plus de 13 %.
Pourtant, la sécurité et la paix publiques ne sont pas à mettre de côté. Ce signal est mauvais, à un moment où la réforme de la police judiciaire est en question, soulevant beaucoup d’interrogations dans la profession. Une des difficultés pressenties est que les effectifs de police judiciaire seront noyés par les affaires de délinquance courante, ce qui n’est pas souhaitable. C’est tout le débat que nous aurons prochainement, je n’en doute pas.
Vous vous rappelez sans doute les craintes que nous avons pu exprimer sur la police judiciaire lors de nos débats sur le projet de Lopmi ; elles restent d’actualité. Les auditions auxquelles nous procédons, les uns et les autres, montrent que les choses ne sont pas aussi simples que le ministre de l’intérieur voudrait parfois nous les présenter.
Trois audits commandés par M. Darmanin et M. le garde des sceaux n’ont pas encore livré leurs résultats. Ces travaux devraient, je l’espère, être utiles pour rassurer la police judiciaire partout sur le territoire national.
Je reviens à la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023, étroitement liée au projet de Lopmi. Je tiens à rappeler que le groupe SER a été constructif et que notre vote a été positif. Si nous sommes prêts à soutenir nos forces de l’ordre et nos forces de sécurité civile, nous n’en sommes pas moins exigeants sur quelques points précis.
Notre collègue Jérôme Durain, qui suit ces problématiques pour notre groupe, l’a d’ailleurs répété à plusieurs reprises : notre vote ne signifie pas une adhésion sans réserve. Nous avons par ailleurs entendu les voix qui nous disaient que seule la rationalisation budgétaire avait guidé cette réforme.
Nous serons donc vigilants, chaque année, à la bonne application de la prochaine Lopmi, qui donne des moyens supplémentaires à nos forces de sécurité, mais nous nous attacherons également à ce que la réforme de la police judiciaire ne conduise pas à de nouvelles difficultés de résolution des affaires. C’est une question de respect des droits de nos concitoyens.
En ce qui concerne la gendarmerie, le projet de loi de programmation sanctuarise la dynamique ascendante de ses crédits. Tant mieux ! Le renforcement des moyens de la police et de la gendarmerie se traduit par la poursuite des recrutements avec, dès 2023, l’accroissement des effectifs de 2 857 ETP supplémentaires, qui viendront renforcer les rangs de ces deux corps, nécessaires à notre bon fonctionnement républicain.
Ce recrutement doit pouvoir garnir les rangs des nouvelles brigades rurales et des nouveaux escadrons de gendarmerie mobile qui ont été annoncés. Notre groupe soutient bien évidemment ces mises en place et va même plus loin : nous porterons ainsi un amendement visant à allouer 50 millions d’euros supplémentaires aux gendarmeries rurales, et ce afin d’anticiper une révision du décret de 1993 sur les subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie.
Rappelons-le, aux termes du projet de Lopmi, la police et la gendarmerie doivent doubler leur présence sur la voie publique, notamment en vue de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux Olympiques en 2024. L’intégration de nouvelles recrues va mettre en tension les capacités de formation, d’autant que s’y ajoute l’intégration de la formation d’officier de police judiciaire au cursus des gardiens de la paix, toujours aux termes de ce même projet de loi.
Enfin, en ce qui concerne la sécurité civile, il convient de rappeler qu’au minimum les deux tiers du budget reposent sur les communes et départements, qui financent largement les Sdis. L’État n’assure donc qu’une part minoritaire du financement du budget total des Sdis. Cela dit, pour 2023, la participation de l’État augmente de 13 %, dans le droit fil des objectifs contenus dans le projet de loi de programmation. Si le vote de ce dernier entraîne une augmentation des moyens alloués aux forces de sécurité civile, celles-ci en sont toutefois les parents pauvres, puisque seulement 5 % des moyens prévus dans ce texte leur sont consacrés.
C’est pourquoi, dans le projet de loi de finances pour 2023, nous souhaitons aller plus loin dans le soutien à apporter à nos combattants du feu, qui ont positivement défrayé la chronique cet été et qui méritent plus que des éloges médiatiques.
Notre groupe présentera plusieurs amendements visant à étendre le bouclier tarifaire aux Sdis – pourquoi n’en bénéficieraient-ils pas ? Ils sont aussi touchés par l’inflation –, à augmenter les moyens de la dotation de soutien aux investissements structurants et à mieux protéger les personnels contre les agressions qu’ils subissent. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) nous demande une prise en considération de cette problématique récurrente. En effet, l’actualité nous montre que, très régulièrement, des sapeurs-pompiers sont agressés dans le cadre de leurs fonctions, y compris par les personnes qu’ils sont amenés à protéger.
Par ailleurs, les grands défis auxquels les pompiers doivent faire face du fait du dérèglement climatique nous imposent de leur accorder des moyens à la hauteur de leur mission.
Quant aux crédits dédiés à la sécurité et à l’éducation routières, leur augmentation est surtout due à l’intégration de nouvelles actions jusqu’ici comprises dans d’autres programmes. En effet, cette hausse semble liée à l’augmentation des moyens de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), rendue nécessaire par la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) prévue par le projet de Lopmi – mesure à laquelle nous nous opposons. Nous le répétons : les AFD ne doivent pas être généralisées.
En effet, une telle mesure méconnaît le principe d’égalité devant la justice et est entachée d’incompétence négative. Nous demandons qu’il appartienne au législateur d’apprécier au cas par cas et dans le respect de ce principe la pertinence du recours à cette procédure, au regard de la conciliation à opérer entre la nature du délit concerné, la protection des droits des personnes mises en cause et des victimes, la défense des intérêts de la société et les exigences tant d’une bonne administration de la justice que d’une répression effective des infractions. Voilà ce qui doit conduire notre parcours législatif.
Vous le voyez, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a des réserves, qu’il exprime régulièrement et il restera vigilant sur les moyens mis en œuvre.
Cela étant dit, nous ne souhaitons pas être une opposition stérile ; nous pensons avant tout à nos forces de sécurité. Notre groupe votera donc les crédits dévolus à la mission « Sécurités », en conformité avec les avis de nos rapporteurs, que je salue.