Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention, si vous me le permettez, madame la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel, en vous présentant mes excuses.
Je vous aime bien, mais ce que je m’apprête à vous dire ne va pas forcément vous être très agréable. §Je vous aime bien parce que je crois en la sincérité de votre engagement en faveur de la jeunesse pour faire de cette dernière une chance pour notre Nation. Toutefois, si je reconnais que vous êtes une croyante sincère, je regrette que vous ne soyez pas une pratiquante !
Nous nous retrouvons pour étudier les crédits du programme « Jeunesse et vie associative », un programme en trompe-l’œil, comme le décrit dans son dernier rapport la Cour des comptes. Pourtant, les enjeux ne sont pas minces : la jeunesse, c’est l’avenir de notre pays, c’est notre avenir à tous.
Mener une politique en direction de la jeunesse, ce n’est pas forcément mener une politique en direction des jeunes : c’est mener une politique pour la France. Et cette jeunesse ne va pas bien : alors qu’elle a été particulièrement touchée par la covid-19, elle est aussi beaucoup plus exposée aux problématiques de notre société – la délinquance, la crise énergétique et sociale – et victime d’une perte de repères sans aucun précédent.
Qu’avons-nous donc à proposer à notre jeunesse ? Quelques dispositifs, mais, pour que ceux-ci forment une politique efficace, il vous manque deux choses, madame la secrétaire d’État : d’une part, une politique, d’autre part, des dispositifs qui soient efficaces.
Entrons dans le détail des principaux dispositifs que comporte ce programme.
Tout d’abord, le compte d’engagement citoyen ne marche pas, ne marche toujours pas, devrais-je dire. Vous en avez d’ailleurs tiré les conclusions en réduisant de 14 millions d’euros les crédits qui y sont affectés.
Le FDVA, ensuite, qui a remplacé la fameuse réserve parlementaire, outil à la disposition des élus, a été remplacé par un même outil, à la disposition de l’administration. Quelle drôle de conception !
Enfin, le service civique fait partie de ce programme. Je vous avais interrogée, madame la secrétaire d’État, lors de l’examen du PLF pour 2021, alors que vous affichiez l’ambition – importante – de passer de 145 000 à 245 000 jeunes en service civique. Je vous avais dit, à l’époque, que vous n’y arriveriez probablement pas, puisque vous souhaitiez obtenir en un an les résultats qui avaient initialement été obtenus en dix ans.
Je vous avais également indiqué que vous vous apprêtiez à infliger un placebo à la jeunesse. Vous m’aviez alors répondu, la main sur le cœur : « Moi, j’y crois, monsieur le sénateur, et on va y arriver. » Le résultat, madame la secrétaire d’État, c’est que sur les 100 000 services civiques supplémentaires qui étaient prévus, vous n’en avez réalisé aucun.
Pourtant, puisqu’il est ici question de données budgétaires, ce sont plus de 201 millions d’euros supplémentaires qui ont été versés, dans le cadre du plan de relance, à l’Agence du service civique, laquelle dispose aujourd’hui d’une trésorerie de plus de 288 millions d’euros ! Cet argent de l’État, bien mal géré, serait plus utile à d’autres usages. On peut même parler d’un tour de passe-passe budgétaire à la Gérard Majax, référence si chère à notre Président de la République.
J’en viens au service national universel. Si l’on se réfère aux objectifs qui avaient été définis lors de sa création, 2023 devrait être l’année de la généralisation, plus de 800 000 engagés étant attendus. Votre objectif est tout autre : 64 000, soit le double des 32 000 engagés que vous avez réussi à convaincre l’année dernière, alors que votre objectif n’était pourtant que de 50 000.
Là encore, c’est un tour de passe-passe budgétaire que vous nous faites, puisque, sans tenir compte des économies réalisées l’année dernière, vous promettez de budgéter les 64 000 nouveaux contrats. Ce sont donc 40 millions d’euros supplémentaires qui disparaissent.
Pis encore, on s’attend d’un moment à l’autre à la généralisation de ce dispositif, qui n’a pourtant pas fait ses preuves lors de son expérimentation. Il va probablement être intégré à la scolarité des élèves ou recyclé dans des parcours existants. Ce n’est plus du ressort de la prestidigitation, mais de la grande illusion ; ce n’est plus Gérard Majax, c’est David Copperfield !