Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en novembre 2021, quelque 3 000 magistrats jetaient la lumière, dans une tribune, sur leur malaise profond. Un an plus tard, après les États généraux de la justice, ils sont toujours dans la rue.
Or le projet de budget pour 2023 poursuit l’effort de rattrapage, avec une hausse des crédits de paiement de 8 %, dont 300 millions d’euros supplémentaires pour les juridictions. Pourquoi, alors que le budget de la justice augmente pour la troisième année consécutive, le malaise persiste-t-il ? Pourquoi, malgré les recrutements en nombre, les délais de jugement s’allongent-ils toujours, passant, pour les affaires civiles, de 11, 4 mois en 2019 à 13, 7 mois en 2021 et à près de 50 mois pour les crimes ?
La création, en 2023, de 1 220 postes, dont 546 titulaires – 200 magistrats, 191 greffiers et 155 directeurs de greffe –, doit permettre de renforcer les juridictions.
Cette dynamique devrait se poursuivre avec la création, sur cinq ans, de 1 500 postes de magistrats, 1 500 postes de greffiers et 2 000 postes de juristes assistants. Ces moyens humains sont attendus, notamment à Nanterre, où un juge aux affaires familiales (JAF) traite 235 000 affaires, contre 108 000 en moyenne dans les autres juridictions.
Cette ambition impose de développer les moyens de formation des personnels recrutés et d’attirer de nouvelles vocations. Pour cela, le PLF prévoit une prime de 1 000 euros brut en moyenne pour les magistrats judiciaires, modulée en fonction de l’ancienneté.
Pour les greffes, un effort de 165 euros brut par mois pour les greffiers et de 250 euros pour les directeurs de greffe est prévu. Cette augmentation est la reconnaissance du rôle central des greffiers dans la chaîne judiciaire, mais elle ne permettra pas l’amélioration réelle de leurs conditions de travail tant qu’il y aura 7 % de postes non pourvus et que les conditions matérielles – informatiques et locaux – ne seront pas améliorées.
Je pense particulièrement au greffe du tribunal judiciaire de Rouen, qui travaille dans des conditions peu acceptables : pas de fenêtres, bureaux partagés avec la salle de pause des agents ou installés dans d’anciennes toilettes réaffectées, faute de place.
Cependant, cette augmentation massive des effectifs doit impérativement s’accompagner d’une véritable politique de ressources humaines.
L’évaluation de la charge des magistrats, que nous appelons de nos vœux depuis cinq ans, devrait heureusement aboutir à la fin de l’année 2022. Mais il importe surtout de moderniser les méthodes de travail du magistrat, en créant une « équipe », qui lui permettra de se concentrer sur son office, de revaloriser le rôle des greffiers et de donner un avenir aux contractuels. Cela nécessitera une clarification des missions de chacun, aujourd’hui peu lisibles, entre les assistants de justice, les juristes assistants, les contractuels « justice de proximité » et les assistants spécialisés…
Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes engagé sur le chemin long et sinueux de la réforme de la justice. Si nous considérons qu’il faut aller plus vite, il convient surtout d’éclaircir la méthode ! Les États généraux de la justice donnent le guide ; il faut maintenant fixer le cap.
Ce budget est un bon début. C’est pourquoi la commission des lois a émis un avis favorable.