Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le service public de la justice a besoin de soutien et de considération.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez une augmentation de son budget de près de 8 %, en vous félicitant d’un triplé historique. Pour autant, pour nous, comme pour de nombreux acteurs du monde judiciaire, ces efforts budgétaires demeurent insuffisants pour combler les difficultés structurelles de la justice, car nous partons de trop loin. L’institution judiciaire est dans un état plus que dégradé, et les crises internes qu’elle subit exigent que nous agissions en responsabilité.
Nous dénonçons à cet égard un budget qui reste parmi les moins élevés en Europe, alors que la souffrance des acteurs de la justice ne saurait être minimisée. Nous soutenons ceux d’entre eux qui dénoncent l’accent mis sur le rendement, au détriment d’une justice humaine. Le temps de l’écoute et de l’étude n’est malheureusement pas celui de la justice française.
Nos magistrats ne sont pas en cause dans ce constat : cette situation est le fruit de vingt années d’abandon humain et budgétaire de la justice par les ministères successifs. Malgré les efforts fournis cette année, la justice continuera à se rendre au rabais.
À titre d’exemple, la France compte 11 juges professionnels pour 100 000 habitants, contre 22 en moyenne en Europe. Cet écart se manifeste également à propos des effectifs d’autres personnels indispensables. Ainsi, les greffiers et les assistants spécialisés sont également moins nombreux en France que dans d’autres pays.
Nous le martelons depuis des années : il faut donner des moyens aux juridictions et suspendre les réformes. Leur mise en œuvre à un rythme accéléré, sans augmentation parallèle des crédits et sans outils informatiques adaptés, provoque l’épuisement du système judiciaire.
Par ailleurs, nous constatons que l’administration pénitentiaire se voit accorder une hausse de crédits de 268 millions d’euros pour 2023. Ses moyens restent toutefois nettement insuffisants au vu de la menace grandissante qui pèse sur son personnel.
Les difficultés de cette administration restent prégnantes : les heures supplémentaires sont trop nombreuses et le rythme de travail est harassant. Face à cela, vous concentrez les moyens sur l’extension du parc carcéral, une mesure qui, de surcroît, ne permettra pas de résoudre le problème de la surpopulation.
À ce propos, rappelons que les taux d’incarcération et de surpopulation carcérale en France sont parmi les plus élevés d’Europe. Les conditions de détention indignes dans les prisons françaises sont régulièrement dénoncées depuis de nombreuses années, et la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention n’y répond pas entièrement.
Enfin, nous insistons pour que soient octroyés à la justice des mineurs des moyens humains et matériels significatifs, afin que la détection des violences et la protection des enfants ne soient pas illusoires. À nos yeux, la prévention est le moyen le plus efficace d’assurer la protection judiciaire de la jeunesse.
Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Justice » en l’état, car ils ne correspondent pas à nos exigences et aux besoins de nos concitoyens en la matière, non plus qu’à ceux des personnels de la justice.