Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd’hui est ambitieux et s’inscrit dans une dynamique pluriannuelle. Les crédits alloués à la justice judiciaire, par exemple, sont en hausse pour la troisième année consécutive.
Monsieur le garde des sceaux, vous démontrez ainsi par les chiffres l’engagement du Gouvernement en faveur du monde judiciaire, lequel en a vraiment besoin. Les États généraux de la justice ont toutefois confirmé un diagnostic maintes fois répété : notre justice va mal. Elle est lente, parce qu’elle est débordée, et ses personnels sont souvent en souffrance et démotivés.
Parmi les annonces récentes, l’augmentation de traitement substantielle dont vont bénéficier les magistrats en 2023 est naturellement une très bonne chose. Elle leur permettra d’être rétribués, à l’instar de leurs homologues des juridictions administratives, à la hauteur de leur investissement professionnel et des lourdes responsabilités qu’ils assument. Elle contribuera également, peut-être, à renforcer leur motivation.
Soyons clairs : de la motivation, il en faut pour les personnels de votre ministère ! Il en faut aux surveillants pénitentiaires, qui souffrent d’un déficit d’image ; il en faut aux greffiers, ainsi qu’aux magistrats traitant de la justice pénale. J’entendais encore cette semaine, à l’occasion d’un rassemblement devant le tribunal judiciaire de Paris, le témoignage d’un magistrat décrivant une audience de comparution immédiate qui s’est terminée à cinq heures du matin !
Il en faut aussi, même si l’on en parle beaucoup moins, aux praticiens de la justice civile. Cette justice du quotidien est rarement mise sur le devant de la scène médiatique ou politique ; elle est pourtant bien souvent la seule justice à laquelle seront confrontés nos concitoyens au cours de leur vie. Elle est couramment passée sous le boisseau, mais sa situation est également alarmante.
Les magistrats souffrent face à une charge de travail considérable, qui conduit certains d’entre eux à évoquer une perte de sens de leur travail. Nos concitoyens subissent aussi cette situation, en raison de la lenteur du processus judiciaire, laquelle a d’ailleurs déjà provoqué des condamnations de la France. Nous savons pourtant tous ici que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] dans un délai raisonnable, par un tribunal ».
Lors d’un récent déplacement au Québec, vous avez réaffirmé, monsieur le ministre, votre volonté de développer largement le règlement des litiges à l’amiable. On ne peut que s’en féliciter, tant l’expérience montre qu’une telle procédure est de nature à améliorer la compréhension par nos concitoyens des décisions rendues, mais aussi à accélérer la conclusion de nombreux litiges ; il s’agit, en somme, d’une justice plus rapide et mieux comprise.
Pour développer la médiation et la conciliation, il faut d’abord que les magistrats et les avocats se forment et qu’ils soient plus sensibilisés sur le sujet. Il faut sans doute progresser en ce sens.
Nous aurons l’occasion d’aborder de nouveau ces sujets dans le cadre du projet de loi de programmation qui est encore en préparation et qui prendra la suite de la loi portée par votre prédécesseur pour la période 2018-2022.
Ce texte nous permettra, au-delà de la discussion budgétaire pour l’année 2023, d’aborder la question des investissements à long terme de votre ministère, notamment en matière immobilière.
Comme vous l’avez rappelé lors de votre audition devant notre commission, il faut prévoir et préparer l’accueil des recrutements que vous avez annoncés. Cela passe par des investissements massifs dans l’immobilier de nos juridictions, qui en ont cruellement besoin.
Il convient de mieux accueillir les justiciables, bien sûr, mais aussi d’améliorer les conditions de travail des agents actuels et des renforts humains qui les rejoindront au cours des cinq années à venir. En la matière, la marge de progression est importante.
On peut regretter, au-delà de l’état général de certains bâtiments, le manque d’autonomie dans la gestion du quotidien des tribunaux. Remplacer une ampoule, effectuer des travaux d’entretien ou des réparations basiques : autant de tâches pour lesquelles chaque chef de juridiction devrait être capable d’agir rapidement et de manière autonome, avec des moyens dédiés suffisants, sans devoir entrer dans un processus administratif lourd et inutile.
Je ne développerai pas, en outre, la question de l’introduction des chiens en support des victimes au pénal – notamment des victimes mineures, qu’ils contribuent à apaiser –, qui pose de nouveaux problèmes logistiques et de personnel.
Ce souhait d’autonomie concerne également les fournitures : la fameuse pénurie de ramettes de papier est encore le quotidien de nos juridictions.