Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 25 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Justice

Éric Dupond-Moretti :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui devrait permettre, si vous le votez, une nouvelle hausse de plus de 8 % en 2023 au profit de notre justice.

Ce sont ainsi 710 millions d’euros supplémentaires qui abonderont en 2023 le budget du service public de la justice, qui frôlerait ainsi les 10 milliards d’euros pour l’année 2023. D’aucuns diront peut-être que ce n’est toujours pas suffisant, mais c’est plus que cela n’a jamais été.

Nous poursuivons les hausses sur ce quinquennat, et tous les acteurs du ministère – j’y insiste – bénéficieront directement et concrètement de celles-ci.

Le budget des services judiciaires augmente de 9 %, pour atteindre 3, 39 milliards d’euros pour 2023. Les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire sont en hausse de plus de 7 %, soit un budget de 3, 91 milliards d’euros pour 2023, et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse s’accroissent de plus de 10 %, atteignant 917 millions d’euros pour 2023.

Si l’on dresse le bilan de l’effort budgétaire consacré à la justice, depuis mon arrivée, ce sont près de 4 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui ont été alloués à la Chancellerie, passant ainsi de 7, 6 milliards d’euros en 2020 à 9, 6 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de plus de 26 % du budget en trois ans, et de plus de 40 % si l’on prend comme point de départ le début du premier quinquennat du Président de la République.

Pour mémoire, le budget de la justice s’élevait, en 2017, à 6, 9 milliards d’euros.

Cette nouvelle hausse budgétaire confirme la priorité pluriannuelle donnée à la justice au sein de la politique gouvernementale. Elle confirme notre cap : continuer le rattrapage de trente ans d’abandon de la justice et mettre en œuvre les recommandations issues des États généraux de la justice.

À ce propos, il faut souligner que, si la question des moyens est bien sûr essentielle, nous devons également simplifier la procédure civile et la procédure pénale. Notre objectif – je sais que vous le partagez – est d’avoir une justice plus proche des justiciables, plus rapide et bien sûr plus efficace.

J’annoncerai dans quelques jours le plan d’action issu des travaux des États généraux de la justice. Je viendrai naturellement le présenter devant votre commission des lois.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’efficacité de la justice tient d’abord aux hommes et aux femmes qui font preuve d’un engagement quotidien à son service.

Premièrement, afin de soutenir nos agences, un plan de recrutement de 10 000 emplois supplémentaires sera mis en place d’ici à 2027. Celui-ci comprend notamment des emplois en juridiction, dont 605 ont d’ores et déjà été pérennisés au titre de la justice de proximité à la mi-2022.

Ces 10 000 recrutements seront répartis finement, année après année, en fonction des besoins qui nous remontent du terrain, mais également des besoins opérationnels. J’ai toutefois sanctuarisé la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers supplémentaires sur tout le quinquennat, afin de renforcer les effectifs en juridiction.

Ces créations de postes emportent un rythme d’embauche deux fois plus important qu’au cours du premier quinquennat.

En ce qui concerne l’année 2023, quelque 2 253 personnels seront recrutés pour la justice, soit un triplement du rythme de recrutement par rapport à 2022, puisque seules 720 créations d’emplois étaient alors prévues.

Ces 2 253 personnels seront répartis de la façon suivante : 1 220 pour la justice judiciaire, dont 200 magistrats et 191 greffiers, 809 pour l’administration pénitentiaire et 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse. Les 132 personnels restants seront affectés à la coordination de la politique publique de la justice. J’ajoute que, en sus de ces 2 253 emplois supplémentaires, 60 sont prévus pour nos opérateurs.

Deuxièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour assurer ce niveau inédit de recrutement, je souhaite renforcer encore l’attractivité des métiers de la justice par des revalorisations salariales.

À cet effet, le budget 2023 permettra, une fois encore, d’augmenter les crédits alloués au titre des mesures catégorielles, atteignant ainsi 60 millions d’euros en 2023, soit un doublement de l’enveloppe par rapport à 2022, afin de revaloriser les professionnels de ce ministère.

Concernant les magistrats, vous le savez, une revalorisation inédite, d’un montant de 1 000 euros par mois, soit une hausse de plus de 16 % en un an de la masse salariale des magistrats, sera effective à compter du 1er octobre 2023.

La conséquence en est directe : demain, un jeune magistrat sortant de l’École nationale de la magistrature commencera sa carrière à près de 3 000 euros net par mois.

J’en viens aux fonctionnaires. L’année 2023 sera encore une année historique, puisqu’une enveloppe catégorielle de 50 millions d’euros est prévue. Elle contribuera à améliorer l’attractivité de nos métiers, et à développer et fidéliser les compétences.

Par ailleurs, l’effort inédit consenti en faveur de la revalorisation indemnitaire des greffiers et des directeurs des services de greffe judiciaires sera poursuivi. Une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue à cette fin en 2023. Au total, entre 2021 et 2023, les personnels de greffe auront bénéficié d’une augmentation de 12 %.

J’ai de plus demandé aux directeurs des services de greffe judiciaires d’engager une réflexion sur une réforme du statut des greffiers.

Concernant les personnels relevant des corps spécifiques de la protection judiciaire de la jeunesse, 7 millions d’euros seront consacrés cette année à des revalorisations indemnitaires.

Nous achevons en 2023 la mesure de revalorisation de l’indemnité pour charge pénitentiaire des surveillants pénitentiaires. Celle-ci est passée de 1 400 euros à 1 869 euros en trois ans. Les surveillants pénitentiaires ont de plus bénéficié en 2022 d’une réforme importante de leur statut et de leur rémunération. La fusion des grades de surveillant et de brigadier a permis de simplifier la carrière des agents et de revaloriser les rémunérations, notamment en début et en fin de carrière.

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, cette réforme est une première étape. Des travaux seront engagés dès le début de l’année 2023 avec les organisations syndicales pour travailler à une revalorisation d’envergure du statut des agents pénitentiaires et de leur rémunération. Celle-ci sera mise en œuvre dans les années à venir.

Pour ouvrir les nouveaux établissements pénitentiaires prévus dans le cadre du plan de construction de 15 000 places de prison, nous devons en effet nous donner les moyens de recruter plus et dans de meilleures conditions, mais aussi de fidéliser ces agents qui exercent des missions nécessaires, mais ô combien difficiles, nous en sommes tous conscients.

Enfin, 10 millions d’euros seront consacrés cette année à une revalorisation du régime indemnitaire, mais également indiciaire, de tous nos corps d’encadrement, qu’il s’agisse des directeurs des services de greffe judiciaires, des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation, des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse ou des directeurs des services pénitentiaires.

Troisièmement, ces crédits permettront au ministère d’achever le plan de construction des 15 000 places de prison supplémentaires voulu par le Président de la République. Ce plan permettra d’augmenter la capacité carcérale de 60 000 à plus de 75 000 places.

Depuis que j’ai pris mes fonctions de garde des sceaux, je suis pleinement engagé pour la mise en œuvre de ce plan. En ce moment même, dix-huit opérations sont en chantier dans toute la France, dont dix – Avignon, Osny, Meaux et Troyes-Lavau, etc. – seront livrées en 2023.

Sur la cinquantaine de chantiers que compte le « plan 15 000 », la moitié des établissements seront opérationnels en 2024. Le rythme des livraisons va maintenant s’accélérer jusqu’en 2027, car l’ensemble des terrains est désormais identifié.

C’est d’ailleurs jusqu’à cette échéance de 2027 que je vous propose de proroger le moratoire sur l’impératif encellulement individuel.

Dans ce cadre, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement proposé par M. le rapporteur spécial Lefèvre, par lequel il est proposé que deux rapports soient remis, en 2025 et en 2027, afin d’informer le Parlement, en toute transparence et en responsabilité, de l’état d’avancement du programme immobilier pénitentiaire et de ses conséquences sur le taux de placement en cellule individuelle.

Quatrièmement, je souhaite moderniser et agrandir l’immobilier juridictionnel. C’est indispensable si l’on veut accueillir les renforts humains qui sont attendus dans les années à venir. À ce titre, 502 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 269 millions d’euros de crédits de paiement immobiliers sont prévus en 2023.

Ces crédits permettront en outre de poursuivre les opérations majeures engagées lors du quinquennat précédent – je pense notamment aux palais de justice de Lille, de l’île de la Cité et de Bayonne –, de poursuivre l’étude des projets de Cayenne, Cussey, Meaux, Moulins, Nancy, Nantes, Perpignan, et de lancer de nouvelles opérations immobilières comme à Argentan, Chartres, Colmar, Saint-Brieuc ou encore Verdun.

Cinquièmement, et enfin, permettez-moi de mettre en exergue certains efforts budgétaires.

L’enveloppe de crédits consacrée aux dépenses de frais de justice sera portée à 660 millions d’euros, soit une hausse de 12 millions d’euros.

Les crédits alloués aux investissements informatiques seront portés à 195 millions d’euros dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre du plan de transformation numérique du ministère.

Les crédits dédiés à l’aide juridictionnelle continueront de croître en 2023, pour atteindre 641 millions d’euros, soit une hausse de 26 millions d’euros en une année.

Parallèlement, l’aide aux victimes sera portée à 43 millions d’euros, soit une hausse de 7 %, et au sein de cette enveloppe, 16, 1 millions d’euros seront dédiés aux violences intrafamiliales, marquant un doublement de ce budget annuel, dont le montant s’élevait à mon arrivée à la Chancellerie en 2020 à 8 millions d’euros.

La justice est à la croisée des chemins. Délaissé pendant près de trois décennies, son budget fait l’objet, depuis cinq ans, d’un renforcement massif de près de 4, 7 milliards d’euros, traduction de la volonté claire du Président de la République et de la Première ministre, volonté qui est également la mienne, de considérer la justice comme ce qu’elle est : une institution qui fonde le pacte social.

En tant que parlementaires, il vous revient d’approuver ce renforcement de notre justice, ou bien, mais je pense que nul ne le souhaite, de bifurquer vers les réflexes des décennies passées – sous-dotations, effets d’affichage sans lendemain, court-termisme, « à-quoi-bonisme », etc.

Vous le savez, on ne répare pas trente ans d’abandon budgétaire, humain et politique en un claquement de doigts. La route est longue, bien sûr, mais j’espère que le Sénat, qui accorde à la justice une grande importance, à l’instar de ses commissions des lois et des finances, sera à nos côtés pour voter cette nouvelle hausse de 8 % et nous suivra sur le chemin de la restauration d’ampleur que nous menons.

Il s’agit de construire la justice de qualité que nous appelons tous de nos vœux – une justice rapide, efficace et proche de nos concitoyens –, pour ceux qui la font vivre, mais aussi pour l’ensemble de nos compatriotes, qu’elle sert.

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