Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la promesse du Gouvernement de « réarmement de l’État territorial » trouve une traduction budgétaire d’une ampleur très limitée. En effet, les effectifs de l’administration territoriale de l’État augmenteront en 2023 de 48 ETP, soit une hausse de seulement 0, 16 %. Peut-être s’agit-il de l’amorce d’un changement de paradigme, mais, en tout état de cause, c’est une avancée bien limitée au regard des enjeux considérables de la mission.
Je souhaite aborder, dans un premier temps, les grands enjeux de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.
Les préfets sont au cœur de la réforme, singulièrement les préfets de région, qui peuvent, en fonction des priorités locales et nationales, redéployer jusqu’à 2 000 équivalents temps plein par an entre diverses missions budgétaires.
Outre la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (AGTE), les mouvements concernent les missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Écologie, développement et mobilité durables », « Culture », « Travail et emploi », « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Économie ».
Alors que le bilan des redéploiements devait faire l’objet d’un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative, aucun amendement n’a été déposé avant la réunion de la commission mixte paritaire. Cette situation nuit à l’information du Parlement au sujet des priorités mises en œuvre dans les territoires.
Par ailleurs, les secrétariats généraux communs départementaux rencontrent d’importantes difficultés. Manifestement, cette réforme n’a pas été suffisamment anticipée.
Les chantiers de convergence doivent impérativement s’accélérer dans le périmètre de l’administration territoriale de l’État, pour que ces services puissent fonctionner dans de bonnes conditions.
Dans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale, la Cour des comptes dresse des constats que je partage entièrement. Elle considère ainsi que les suppressions de postes de ces dernières années « n’ont pas été réalistes » au sein des préfectures, qui « ne fonctionnent qu’au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ».
La Cour des comptes fait également le constat que « le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) de 2016 a été conçu pour adapter les missions aux réductions d’effectifs et non l’inverse ». Et elle poursuit : « En dix ans, le programme a réalisé un schéma d’emplois […] cumulé de -4 748 équivalents temps plein, soit plus de 16 % des emplois de 2010. » Au rythme du réarmement annoncé pour 2023, il nous faudrait un siècle pour parvenir à la situation de 2010…
Le ministère de l’intérieur a également mis en place un document stratégique, Missions prioritaires des préfectures 2022-2025. Ce document porte mal son nom, puisque, loin de prioriser certaines missions par rapport à d’autres, il se contente de reprendre l’ensemble des missions des préfectures.
Il est donc nécessaire que l’État clarifie son discours : ou bien les préfectures doivent prioriser leurs missions et, à ce titre, les missions les moins importantes auront vocation à abonder, en moyens et en emplois, les missions prioritaires ; ou bien aucune mission ne peut perdre d’emploi – c’est d’ailleurs mon avis – et il faut conforter en urgence les effectifs et les moyens des préfectures.
Par ailleurs, depuis plusieurs mois, les délais d’obtention des cartes nationales d’identité et des passeports atteignent des délais inacceptables. À la fin du mois de mai dernier, une personne souhaitant obtenir un passeport ne pouvait en moyenne espérer en disposer avant la mi-septembre.
Si le Gouvernement a augmenté la dotation titres sécurisés à destination des communes, l’augmentation du nombre de dispositifs de recueil ne me semble pas en phase avec l’évolution des demandes de titres.
Concernant l’accueil des publics étrangers en préfecture, dont on ne connaît que trop les nombreuses difficultés, des renforts en contractuels sont prévus jusqu’en 2024. Ce choix regrettable du Gouvernement de recourir une fois de plus aux vacataires laisse penser qu’il ne s’agit que de renforts ponctuels, alors que la priorité devrait être de consolider les services et de fidéliser des compétences.
Pour conclure, je souhaite évoquer la situation des intervenants sociaux dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie. Vous en conviendrez sans doute, madame la ministre, ils jouent un rôle majeur pour l’accueil des victimes en situation de fragilité : femmes victimes de violences intrafamiliales, personnes en situation de handicap, etc.
J’appelle de toute urgence à clarifier le régime de financement de ces intervenants, alors que l’État se désengage au détriment des associations et surtout des départements. En la matière, je souhaite que l’État suive au minimum les recommandations d’un rapport de l’inspection générale de l’administration, en stabilisant ses financements à hauteur de 33 % de prise en charge par le fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Au regard de ces considérations, la commission a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission.