Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 16 octobre 2010 à 22h00
Réforme des retraites — Article 25 quater

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Les termes de l’article L. 4644-1 que le projet de loi prévoit d’insérer dans le code du travail est la transposition de l’article 7 de la directive du 12 juin 1989 de la Commission européenne. Or cette transposition ne constitue pas une avancée de notre droit.

Encore une fois, nous assistons à une transposition a minima permettant non seulement de figer notre droit social, mais aussi de le faire reculer. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le droit européen sert de paravent à des opérations de ce genre.

La plus récente des manipulations est consécutive aux arrêts Laval, Viking et Rüffert légitimant le dumping salarial européen. Vous vous souvenez certainement de l’affaire concernant des salariés originaires des pays baltes, détachés en Suède, qui travaillaient pour des entreprises suédoises dans le cadre d’une prestation de services. À la suite d’un recours des syndicats suédois, cette situation a été déclarée parfaitement conforme au droit européen.

Si je cite cette affaire, ce n’est pas par hasard. C’est que la question des rapports entre, d’une part, la liberté du commerce et la libre concurrence et, d’autre part, les droits sociaux des travailleurs en Europe a été mise en avant à cette occasion. Et il est apparu clairement, une fois de plus, que les droits sociaux ne doivent pas entraver la libre concurrence.

Des membres du Parlement européen, y compris à droite, ont protesté. Il a été rappelé que les acquis sociaux doivent être préservés et que les dispositions du traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être appliquées.

Il a aussi été rappelé que le principe de subsidiarité donne compétence aux États membres pour le droit du travail.

Si j’ai cité cette affaire, qui a connu quelque retentissement, c’est pour en arriver là, vous le comprenez aisément.

Pourquoi cette timidité dans l’application du principe de subsidiarité ?

Pourquoi le Gouvernement, si décidé par ailleurs dans d’autres domaines, comme on a pu le voir cet été en matière d’expulsions, choisit-il ici d’intégrer dans notre droit une disposition si étrange ?

Les très grandes entreprises, surtout celles dont l’activité entraîne des risques chimiques et technologiques, ont depuis toujours leurs propres services de sécurité, dont les missions et les compétences sont clairement définies.

Mais, en dehors de ces cas, notre législation prévoit, pour les entreprises de plus de 50 salariés, l’existence de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Or 17 % seulement des entreprises concernées en disposent.

Un gouvernement soucieux de la sécurité et de la santé des travailleurs ne devrait-il pas, tout simplement et naturellement, proposer au Parlement d’abaisser le seuil de constitution des CHSCT à 20 salariés, comme nous l’avons déjà proposé à l’occasion d’autres débats ?

Alors que le Gouvernement a le droit, en application du droit européen, d’adopter en France une législation plus favorable aux travailleurs, il choisit de transposer cette disposition étrange.

Quels salariés accepteront d’être désignés ? À quel titre le seront-ils ? Sur la base de quelle compétence ? Leur responsabilité ne risque-t-elle pas d’être engagée en cas d’accident ou de sinistre sanitaire ?

Les représentants du patronat ont trouvé là un énième moyen de se défausser de leur responsabilité sur les questions de santé et de sécurité des salariés et du seul risque existant pour eux, celui d’être condamnés pour faute inexcusable.

Vous montrez aux Français un aspect unilatéralement déformé de l’Europe, dans le seul intérêt des employeurs les moins respectueux de leurs salariés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion