Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » nous appelle à une grande vigilance en raison des nombreuses zones d’ombre de ses programmes.
Plusieurs points méritent notre attention.
Tout d’abord, la charge de la dette a littéralement explosé entre 2020 et 2023, enregistrant une hausse de 45, 5 %.
Les crédits de la mission sont parmi ceux qui augmentent le plus, en raison de l’inflation constante que nous subissons depuis quelques mois. Face à une hausse historique des taux d’intérêt, nous pouvons légitimement nous interroger sur vos prévisions de stabilité à l’horizon 2023.
Ensuite, les prêts garantis par l’État risquent fort d’être une bombe à retardement. En effet, la crise sanitaire, les conséquences économiques de la crise en Ukraine – crise de l’énergie ou de l’approvisionnement, coût des matières premières – et les tensions sur le marché du travail ont eu de fortes répercussions sur la trésorerie des entreprises.
Le risque est double : d’une part, une accélération du nombre de faillites, y compris d’entreprises parfaitement viables et productives et, d’autre part, une réduction de leurs dépenses d’investissement – c’est ce que les économistes qualifient généralement d’étranglement par la dette.
Les chiffres sont édifiants : parmi les quelque 700 000 entreprises ayant souscrit un PGE – pour plus de 148 milliards d’euros au total –, elles sont seulement 11 % à s’être acquittées de leur dette.
Les courbes actuelles laissent présager 37 000 défauts de paiement en 2022 – chiffre pour le moins inquiétant. Bien que le PLFR pour 2022 prévoie une baisse de 2 milliards d’euros des provisions pour les PGE, nous avons de sérieux doutes sur ce calibrage en 2023.
De la même manière, nous estimons urgent de mettre en place des mécanismes innovants pour éviter le défaut de paiement des créances aux entreprises dont la solvabilité à court terme est remise en question.
Par ailleurs, que penser de l’absence de prise en compte budgétaire de la dette covid ou de celle de SNCF Réseau parmi les crédits dévolus à la charge de la dette ? En toute logique, cela devrait pourtant être le cas.
Au regard de ces approximations, la question du désarmement fiscal de la France se pose avec d’autant plus d’acuité.
L’amortissement de ces dettes doit-il se faire sur le dos de tous les Français, en tablant sur une réduction de la dépense publique et en supprimant encore davantage de services publics ? Nous ne le pensons pas.
Bien au contraire, nous avons formulé des propositions pour davantage de justice fiscale et sociale : suppression de la flat tax, rétablissement de l’ISF, taxation des superprofits, rehaussement de la taxe sur le numérique…
Manifestement, les débats sur la première partie de ce PLF pour 2023 n’indiquent aucune remise en question de vos choix fiscaux. Vous refusez toujours de faire payer ceux qui le peuvent – les plus aisés, ceux qui s’enrichissent de la crise et de la situation économique du pays –, au détriment des plus vulnérables.
Ces choix, monsieur le ministre, fragilisent la situation financière de notre pays et accentuent le sentiment d’abandon qui gagne un peu plus chaque jour l’ensemble de nos concitoyens.
Cette fracture se manifeste dans l’accès aux services publics, car la dématérialisation est une facilité qui peut aussi isoler certains de nos concitoyens. Même s’il semble que ce soit le cap choisi, je rappelle que la dématérialisation ne peut se substituer à l’accueil du public, pour qui la fracture numérique constitue un handicap de tous les jours.
Enfin, l’analyse du programme 201, « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux », suscite tout de même quelques commentaires.
En volume, nous constatons une baisse de 31 % environ par rapport à l’exercice précédent. Cette baisse continue n’est pas une simple ligne comptable ; elle traduit, de manière indirecte, l’insidieuse atteinte à l’autonomie fiscale des collectivités.
En effet, cette diminution découle de la suppression progressive de la taxe d’habitation, d’une part, et de la réduction massive des impôts de production, d’autre part.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes loin de partager votre position dogmatique sur la baisse d’impôt, qui conduit à une injustice grandissante. D’ailleurs, au rythme où vont vos réformes, il est à craindre qu’il ne sera plus nécessaire d’étudier ce programme l’an prochain, car, sans impôts locaux, point de remboursement ou de dégrèvement !
Ce programme pose donc la question de l’autonomie fiscale de nos collectivités, celle du lien entre l’impôt local, le territoire et les habitants, et, au-delà, celle de la démocratie locale. Si ce débat n’est pas mené, plusieurs programmes budgétaires pourraient disparaître et, avec eux, une certaine idée de la décentralisation.