Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de la discussion du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui retrace la doctrine de l’État actionnaire, je souhaite particulièrement insister sur l’avenir du groupe EDF.
En effet, après une augmentation de 2, 6 milliards d’euros au mois d’avril 2022, justifiée par la situation financière très difficile de l’entreprise – situation due aux contraintes imposées par l’État à EDF d’un blocage des tarifs de l’électricité –, les crédits doivent désormais être employés pour financer la montée au capital du groupe EDF afin de parvenir à 100 % de détention par l’État par le rachat des parts des actionnaires minoritaires.
Alors que cette opération a un coût annoncé de 9, 7 milliards d’euros, le Parlement ne dispose pas d’informations précises sur les raisons d’une telle opération ni, monsieur le ministre, sur votre vision stratégique pour l’avenir de l’entreprise historique. Les documents budgétaires en notre possession sont incomplets, voire inexistants, et vous vous refusez toujours au débat.
Pourquoi cela, alors que de nombreuses interrogations, voire des zones d’ombre persistent ?
Hormis la volonté affichée de gérer les concessions hydroélectriques en quasi-régie afin d’éviter leur mise en concurrence, qu’attendez-vous d’une détention de 100 % du capital d’EDF ?
Avez-vous abandonné la réorganisation du groupe EDF, sur le modèle du projet Hercule ou grand EDF, impliquant le démantèlement de l’entreprise et la privatisation de ses activités les plus rentables, en particulier les énergies renouvelables ?
Sur ce dernier point, pourquoi les notes préparatoires à l’opération de montée au capital qui indiqueraient qu’elle permettrait « de préparer sur une base nouvelle les négociations – régulation du nucléaire et réorganisation du groupe – à venir avec l’ensemble des parties prenantes » ne sont-elles pas accessibles aux parlementaires ?
Allez-vous céder des actifs comme Dalkia ou ouvrir le capital d’Enedis ?
Dois-je rappeler qu’EDF est au cœur de notre système électrique ? Dès lors, il est impératif qu’il y ait le plus de transparence possible quant au futur statut du groupe, au devenir du mécanisme relatif à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et au financement du nouveau nucléaire, qui seront les grands sujets de l’année prochaine.
Face aux enjeux financiers de cette montée au capital, en pleine crise énergétique et d’approvisionnement, le Gouvernement ne peut faire l’économie d’une explication devant le Parlement.
Comme cela a été rappelé sur de nombreuses travées, l’absence de recours à une loi de nationalisation ne permet pas d’avoir un débat satisfaisant sur l’avenir de l’entreprise et, ainsi, sur l’emploi des deniers publics nécessaires pour mener à bien cette étatisation. Parce qu’EDF est une entreprise stratégique contribuant à la souveraineté énergétique du pays et parce qu’elle a en charge une mission d’intérêt général et de service public, nous pensons que sa disparition dans sa forme intégrée porte en germe un risque systémique.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes favorables à une nationalisation d’EDF. Nous sommes favorables à la reconstruction d’un grand service public de l’énergie qui regrouperait Engie et, pourquoi pas, TotalEnergies, un service public de l’énergie soustrait aux logiques concurrentielles du marché européen.
C’est pourquoi notre groupe rejettera les crédits de ce compte d’affectation spéciale. Nous voulons rappeler au Gouvernement la nécessité d’avoir un tel débat sur la stratégie d’EDF. Ce débat doit concerner le Parlement, en associant aussi les usagers et les salariés et syndicats du groupe.