Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 novembre 2022 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition de M. Christophe Béchu ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Christophe Béchu, ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Alors que le Sénat vient d'adopter très largement le projet de loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables, cette audition arrive à point nommé pour apprécier l'effort budgétaire et fiscal consenti par le Gouvernement en faveur de notre transition énergétique et, plus largement, écologique.

Car réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, cela suppose une action sans précédent dans plusieurs secteurs économiques essentiels : l'énergie, le logement et la mobilité. C'est aussi d'une conception plus durable, tout en étant réaliste, de la ville et de la ruralité et, plus largement, de l'urbanisation, dont nous avons besoin.

Notre commission ayant déjà entendu la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher à deux reprises, en juillet et en octobre derniers, sur la flambée des prix, les énergies renouvelables et la sécurité d'approvisionnement, je vous propose que nous axions votre audition sur les crédits liés à la rénovation énergétique, à la précarité énergétique, aux mutations sociales et territoriales, qui vous reviennent.

En 2020 et 2021, le Gouvernement a alloué à l'énergie 14 milliards d'euros sur les 110 milliards du Plan France relance et 12 milliards d'euros sur les 30 milliards du Plan France 2030. Ce sont des sommes considérables, qui ont vocation à soutenir la rénovation énergétique ou la mobilité propre. Or, cette année, les autorisations d'engagement sont inférieures de 25 % aux montants globaux annoncés : y a-t-il une difficulté d'exécution ?

Autre sujet majeur, le Gouvernement propose de créer un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de 1,5 milliard d'euros. Or, dans le même temps, il n'a prévu aucune autorisation d'engagement pour deux fonds existants, institués à l'initiative de notre commission, suite à la loi « Énergie-Climat » de 2019 : le premier vise les fermetures de centrales nucléaires et le second l'accompagnement social de leurs salariés. Qu'entendez-vous faire sur ces sujets ?

S'agissant de la rénovation énergétique, le projet de loi finances adopté par l'Assemblée nationale prévoit un ciblage du taux réduit de TVA à 5,5 % applicable, en supprimant l'éligibilité des travaux dits « indissociablement liés ». Or, ce taux réduit constitue très clairement le premier des leviers publics de la rénovation énergétique, puisqu'il atteint 4,5 milliards d'euros, soit trois fois plus que les crédits alloués à Ma Prime Rénov'. N'est-il pas inopportun de le remettre ainsi en cause ?

Pour ce qui concerne la conversion automobile, le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton, a reconnu les difficultés économiques, mais aussi sociales, du « tout électrique » d'ici 2035. Or, la prime à la conversion, dispositif de reprise des véhicules anciens, est moins usitée que le bonus automobile, dispositif de soutien aux véhicules neufs. De plus, les critères d'éligibilité à ces deux dispositifs sont de plus en plus excluant pour les véhicules thermiques ou hybrides. Ne faudrait-il pas revenir à davantage de pragmatisme ?

Ma deuxième série de questions porte sur la politique que vous conduisez.

Pour ce qui concerne les objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), vous n'êtes pas sans ignorer l'importance que ce sujet a pris dans les territoires et au Sénat au cours des derniers mois. Je ne vous poserai qu'une brève question à ce sujet, puisque vous serez prochainement entendu dans le cadre de la mission conjointe de contrôle constituée par le Sénat sur cette thématique lors d'une audition dédiée.

Lors de votre prise de fonctions au sein du Gouvernement, vous aviez laissé la porte ouverte - en tout cas, un peu entrebâillée... - pour des adaptations au cadre juridique de « ZAN », que nous savons désormais mal taillé par endroits. Nous avions pu échanger plusieurs fois à ce sujet. Mais nous constatons avec surprise que nous sommes maintenant en novembre 2022, que les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont déjà dû rendre leur travaux, que la révision des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) s'amorce et que, pourtant, nulle évolution notable du « ZAN » n'a pour l'instant été annoncée par le Gouvernement. Comment expliquez-vous cet état de fait, alors que le Parlement, les collectivités et l'ensemble des parties prenantes sont prêtes à dialoguer avec vous pour rendre la loi et les décrets plus efficaces ?

D'autre part, vous savez que le financement du « ZAN » sera le nerf de la guerre : sans moyens pour la réhabilitation du bâti, le recyclage des friches, la renaturation, et sans adaptations de la fiscalité, nous ne pourrons pas basculer vers un modèle du « ZAN » qui soit économiquement viable. À part une mesure relativement anecdotique concernant l'exonération de la taxe d'aménagement sur les sites dépollués et renaturés, et l'annonce du « fonds vert » aux contours pour l'instant assez flous, nous n'y voyons pas clair.

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