Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 28 novembre 2022 à 10h00
Loi de finances pour 2023 — Travail et emploi

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, avec plus de 20 milliards d’euros, la mission « Travail et emploi » est, après la mission « Écologie, développement et mobilité durables », celle qui connaît la progression la plus forte par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Cependant, compte tenu du volume très important de crédits supplémentaires provenant, en 2021 et en 2022, de collectifs budgétaires, du plan de relance et de fonds de concours, nous serons en réalité dans des ordres de grandeur comparables à ceux qu’on a pu constater ces deux dernières années.

Ces mouvements en cours d’exercice et les écarts considérables entre crédits votés et exécutés ont notablement brouillé la lisibilité du budget de l’emploi et de la formation professionnelle depuis deux ans. Nous espérons nous prononcer aujourd’hui sur des bases plus conformes à ce que sera réellement l’impact de ce budget en 2023.

J’évoquerai plus particulièrement le volet de la mission relatif à la politique de l’emploi.

Tout d’abord, je voudrais dire que les moyens très importants consacrés depuis 2020 à la politique portée par cette mission ont certainement joué un rôle dans l’amélioration de la situation de l’emploi ; je pense notamment à l’apprentissage, la hausse du nombre de contrats d’apprentissage représentant près de la moitié de la baisse du nombre de chômeurs.

La dépense budgétaire s’est alourdie, mais d’autres dépenses ont diminué, et l’assurance chômage n’est plus en déficit.

En ce qui concerne la mission, le recul du chômage entraîne une nette diminution des dépenses d’allocations prises en charge par l’État, de l’ordre de 500 millions d’euros. Inversement, la progression de l’emploi majore de près de 700 millions d’euros la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations. Cette dépense atteint 5 milliards d’euros, soit un quart du budget total de la mission.

S’agissant des actions en faveur de publics spécifiques, le budget destiné aux entreprises adaptées poursuit sa progression. Le contrôle effectué par Emmanuel Capus pour la commission des finances montre que plusieurs freins subsistent au développement de ce type d’emplois. L’expérimentation de nouvelles formes d’insertion dans l’emploi des personnes handicapées n’a pas encore donné les résultats escomptés.

Les dotations pour l’insertion par l’activité économique (IAE) sont maintenues au niveau de 2022, ce qui aura pour effet de diminuer le nombre d’emplois finançables. Elles ont certes notablement augmenté depuis trois ans, mais cette stabilisation pose question, car les rémunérations des bénéficiaires de l’IAE, indexées sur le Smic, vont augmenter. À crédits égaux, il pourrait donc y avoir moins de bénéficiaires. Les acteurs de l’IAE manquent de visibilité sur la répartition territoriale de l’enveloppe entre les différents types de structures, alors que le coût des contrats sera plus élevé qu’en 2022.

Les actions en faveur de l’accompagnement renforcé des jeunes vers l’emploi prennent, quant à elles, une part accrue dans le budget de la mission, avec le contrat d’engagement jeune (CEJ) mis en place depuis le 1er mars dernier, dont la dotation atteint 1 milliard d’euros.

Ce dispositif a été introduit dans des conditions critiquables, sans évaluation préalable, au cours de l’examen du PLF pour 2022. Le recul manque pour en effectuer une évaluation approfondie, mais les premiers éléments recueillis sont plutôt encourageants.

Sa montée en charge, pour atteindre un objectif de 300 000 contrats conclus cette année, concerne essentiellement les missions locales, sur lesquelles repose en majorité cet accompagnement intensif des jeunes présentant, selon l’expression pudique de rigueur, des « besoins périphériques importants ». L’État apporte aux missions locales un soutien sensiblement supérieur à celui dont elles bénéficiaient il y a trois ou quatre ans.

Les conditions d’orientation des jeunes, soit vers Pôle emploi, soit vers les missions locales, ont été clarifiées, et il semble que le CEJ ait même permis d’améliorer les échanges entre les deux opérateurs, qui agissaient jusqu’à présent de manière trop cloisonnée.

La gestion du dispositif pourrait toutefois induire une charge administrative assez lourde, au détriment des tâches d’accompagnement, notamment pour satisfaire aux conditions d’activité minimale. Il y a sans doute matière à simplifier dans ce domaine.

De même, il faudra veiller à ce que le CEJ s’articule au mieux avec des structures comme les écoles de la deuxième chance ou l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Épide).

En résumé, le CEJ me paraît améliorer le dispositif de la garantie jeunes et mérite d’être consolidé.

J’ai mentionné Pôle emploi. La subvention de l’État avait baissé jusqu’en 2021. Elle a été stabilisée en 2022 et augmente de 136 millions d’euros en 2023, mais, dans le même temps, les crédits attribués au titre de la mission « Plan de relance » ne sont pas reconduits.

Le plafond d’emplois de Pôle emploi, en très légère baisse, sera globalement maintenu en 2023 au même niveau que ces deux dernières années. Ses moyens ont été renforcés pour le CEJ, l’accompagnement des chômeurs de très longue durée et le plan de réduction des tensions de recrutement.

Toutefois, les évolutions de Pôle emploi au-delà de 2023 sont suspendues aux résultats des travaux lancés sur France Travail. Le Gouvernement, monsieur le ministre, s’est défendu de vouloir fusionner ou refondre l’organisation des acteurs du service public de l’emploi. Pour autant, à ce jour, vous n’avez pas indiqué en quoi consisterait cette réforme, vous contentant de préciser ce qu’elle ne serait pas.

À mon sens, l’enjeu porte sur une réelle coordination des acteurs de terrain, pour mieux identifier les personnes nécessitant un accompagnement, mieux orienter, mieux partager les données et assurer un meilleur suivi. Je ne sais pas, à ce stade, si France Travail répondra réellement à ce besoin.

Je relève que les prévisions indicatives pour les dépenses de fonctionnement du programme « Accès et retour à l’emploi », constituées à près de 90 % de la subvention à Pôle emploi, marquent une diminution de 11 % en 2024 et de 12 % en 2025.

Le recul du chômage ne doit pas masquer la persistance d’un nombre encore bien trop important de personnes très éloignées de l’emploi, notamment parmi les jeunes. C’est pour ces publics que les besoins d’accompagnement sont les plus élevés. L’effort en leur direction doit être maintenu, et même renforcé.

En matière d’apprentissage et de formation professionnelle, je souhaite également qu’une attention prioritaire soit portée à ceux qui ont le moins de facilité à s’insérer sur le marché du travail ou à accéder aux formations.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur cette mission, dont les crédits sont confortés dans ce projet de budget. La commission des finances, qui a suivi les recommandations formulées par Emmanuel Capus et moi-même, vous en propose l’adoption.

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