Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » sont examinés dans un contexte bien particulier, où il nous faut respecter un savant jeu d’équilibriste entre la maîtrise des dépenses, d’une part, et l’indispensable soutien aux politiques de l’emploi, d’autre part.
Le présent budget accompagne une situation de l’emploi globalement favorable, la France connaissant un recul du taux de chômage à 7, 4 % actuellement.
Cependant, nous sommes toujours mal classés au sein de l’Union européenne. Surtout, la croissance ne pourra que reculer en 2023 sous les effets conjugués de l’inflation et des problèmes énergétiques, ce qui devrait se répercuter sur le marché du travail.
La promesse présidentielle de parvenir au plein emploi sous ce quinquennat semble donc malheureusement assez illusoire.
Comme l’ont souligné nos rapporteurs, les crédits de la mission évoluent à la hausse, mais cette dernière est à relativiser, car elle s’explique surtout par la réintégration dans son périmètre de dispositifs portés en 2021 et en 2022 par le plan de relance, notamment les aides à l’apprentissage et à l’activité partielle.
En tenant compte des lois de finances rectificatives votées en 2022, les budgets de cette année et de l’année prochaine seraient même très proches, contrairement au message diffusé par le Gouvernement.
Concernant les réformes envisagées, je formulerai plusieurs réserves et interrogations.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réforme du service public de l’emploi, avec la création d’un nouvel organisme, France Travail. Il s’agit de simplifier les parcours, en mettant en commun les informations et stratégies d’accompagnement, notamment avec un point d’entrée unique dans le service public de l’emploi.
Les différents acteurs qui ont été auditionnés au Sénat ont exprimé leurs réserves, estimant le projet de loi très flou. Ils ne disposent d’aucun élément précis sur son périmètre et son contenu.
Une concertation a été engagée, mais elle manque de transparence dans ses objectifs et n’associe pas le Parlement. Nous veillerons donc avec une extrême vigilance à ce que cette nouvelle structure ne se transforme pas en usine à gaz et ne soumette pas les différents opérateurs à des contraintes inappropriées.
Vous avez annoncé par ailleurs une expérimentation concernant les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), qui dépend précisément de la création de France Travail. L’organisme sera chargé de mettre en place un contrôle et un accompagnement renforcés.
Nous sommes favorables à un suivi qui soit enfin efficace. La Cour des comptes vient en effet de pointer les défaillances du dispositif d’accompagnement en matière de retour à l’emploi : la moitié des allocataires du RSA le sont encore au bout de quatre ans et 29 % d’entre eux après sept ans.
Un budget de 20 millions d’euros est prévu pour le lancement de l’expérimentation dans une dizaine de territoires pilotes pendant douze mois. On peut se demander si l’expérimentation, puis sa généralisation pourront se conduire à moyens constants sur le terrain.
À l’image de nos rapporteurs, je souhaiterais faire part de notre inquiétude concernant France Compétences, structure créée en 2018 pour réformer la formation professionnelle.
France Compétences a bénéficié de transferts de trésorerie exceptionnels dans les deux lois de finances rectificatives de cette année. Malgré un apport s’élevant à 4 milliards d’euros, son déficit pourrait atteindre 3, 4 milliards d’euros en 2022. La Cour des comptes s’alarme ainsi d’une « impasse financière ».
Ce déficit est clairement lié à la réforme du financement de l’apprentissage sous le précédent quinquennat. Depuis 2020, les CFA sont financés par les entreprises en fonction du nombre de contrats signés et l’État s’est substitué aux régions pour compléter le financement.
La multiplication des contrats d’apprentissage fait basculer France Compétences dans le rouge.
Les crédits que nous sommes une nouvelle fois invités à voter pour rééquilibrer ses comptes interrogent sur le fonctionnement et la pertinence de la structure. Notre groupe soutiendra donc l’amendement de la rapporteure de la commission des affaires sociales Frédérique Puissat, dont nous saluons la qualité du travail, visant à réguler les dépenses de France Compétences.
De même, nous suivrons son avis éclairé pour dégager des économies sur les crédits affectés au plan d’investissement dans les compétences. En effet, ce dernier, qui doit prendre fin l’année prochaine, n’a pas démontré son utilité en matière d’insertion et de formation professionnelle.
L’économie totale ainsi réalisée serait de 800 millions d’euros. Ces mesures sont pleinement cohérentes avec notre préoccupation de maîtrise des dépenses publiques de l’État.
S’agissant enfin de la relance de l’apprentissage, je me réjouis que la dynamique se poursuive, avec une hausse de 38 % du nombre de contrats entre 2020 et 2021. Le Gouvernement prévoit la signature de plus de 800 000 contrats cette année, ce qui contribue à améliorer l’emploi des jeunes.
Ce succès est dû, en partie, aux aides qui ont été versées dans le cadre de la crise sanitaire. Je m’interroge donc sur l’éventuelle suppression, le 31 décembre prochain, de l’aide à l’embauche d’apprentis de plus de 18 ans.
Cette aide exceptionnelle contribue à relancer l’attractivité de nombreux métiers. Je pense notamment à la filière agricole, où 40 % des agriculteurs ont plus de 55 ans et partiront à la retraite d’ici à 2030, alors que seul un départ sur trois est remplacé. Les petites structures agricoles ne pourront plus recruter d’apprentis sans cette aide à l’embauche, qui couvre la première année de salaire.
À la veille des concertations qui seront menées avec les partenaires sociaux, je tenais à rappeler cette situation et souhaiterais connaître, madame, monsieur les ministres, votre sentiment sur ce point.
Le groupe Les Républicains votera ce budget en augmentation, avec les mesures d’économies que nous avons indiquées. Notre groupe souhaite que l’examen de la loi de finances permette de faire bouger les lignes tracées par le Gouvernement.
Nous visons ainsi un budget maîtrisé, tenant compte des difficultés actuelles, mais protégeant notre pays d’une dette devenant abyssale. Protéger les Français et leurs emplois passe aussi et surtout par cette discipline.