Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances pour la mission « Culture » s’élève à plus de 3, 7 milliards d’euros, soit une progression dépassant 7 %. Celle-ci est supérieure à l’hypothèse d’inflation retenue voilà quelques semaines pour 2023 dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui devrait cependant rapidement être remise en cause si l’on observe le niveau d’inflation déjà constaté et les perspectives à court terme.
J’aborderai dans un premier temps le programme 131, « Création », dont la dotation, majorée de 10 %, dépasse 1 milliard d’euros. Cette progression des crédits peut être saluée en première analyse, dans un contexte de reprise délicate de l’activité culturelle. Cependant, elle ne lève pas toutes les inquiétudes de l’ensemble du secteur, confronté à un effet ciseaux entre, d’un côté, le redémarrage progressif, mais lent, de l’activité et, d’un autre, la hausse du coût des dépenses contraintes, notamment énergétiques.
Pour les opérateurs de l’État, ces surcoûts ne seront pas intégralement compensés par la loi de finances, ce qui devrait induire une réduction des marges artistiques de 30 % en 2023 et de 50 % en 2024. La fermeture de certains opérateurs à la rentrée 2023 est malheureusement une hypothèse crédible, faute de pouvoir produire certains spectacles.
De plus, la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 constitue une source supplémentaire d’anxiété, car la probabilité d’annulations de festivals et de concerts est renforcée, en raison du manque de forces de l’ordre et de sociétés privées pour en assurer la sécurité.
Je relève en outre que l’action du ministère dans le domaine de la création peut paraître brouillée. La multiplication des objectifs assignés – seize sous-actions pour les actions n° 01 et 02 – et le recours soutenu à la labellisation fragilisent en effet sa lisibilité. J’observe par ailleurs le caractère résiduel, pour ne pas dire marginal, qu’elle peut revêtir dans les territoires, où elle se résume à un financement complémentaire des politiques territoriales.
Pour conclure sur ce programme, je m’attarderai sur deux mesures.
La première porte sur la poursuite du programme de commande publique « Mondes nouveaux », mis en place dans le cadre du plan de relance. Ainsi, 10 millions d’euros seront dédiés à ce dispositif, qui vise notamment à faire entrer la culture dans des zones où elle n’est plus assez présente : les espaces ruraux, les périphéries urbaines ou encore les cœurs de ville dégradés. Il conviendra d’être vigilant sur la réalité de l’accompagnement des artistes, de la complémentarité du dispositif avec le « 1 % artistique » et sur le droit de suite que le ministère doit avoir sur les œuvres ainsi financées, notamment dans le domaine des arts visuels.
La deuxième mesure concerne les quelque 12, 7 millions d’euros qui abondent le soutien à l’emploi, dont 7 millions d’euros sont fléchés vers le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Cette progression des crédits s’inscrit dans une trajectoire haussière révélatrice d’une sous-budgétisation constante depuis 2019. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur la fiabilité de la prévision budgétaire pour 2023.
Je me concentrerai à présent sur le programme 175, « Patrimoines », qui devrait être doté de 1, 1 milliard d’euros en 2023, soit une progression de plus de 7 % par rapport à 2022.
Ce financement est complété par des soutiens hors budget, qui mobilisent nos concitoyens : les dons pour Notre-Dame de Paris, dont le montant, qui s’élève à 849 millions d’euros, devrait dépasser le coût des travaux, estimé à quelque 703 millions d’euros ; le loto du patrimoine, pour lequel le ministère dégèle la réserve de précaution chaque année. Ce jeu, comme l’augmentation prévue des crédits du fonds incitatif et partenarial, vient d’ailleurs compenser la tendance à la baisse des crédits déconcentrés.
Près de la moitié de la progression des crédits dédiés au programme 175 relèvent de mesures destinées à tenir compte de l’inflation et de la hausse des coûts. Sur les 37, 4 millions d’euros dédiés à cet objectif, deux tiers environ sont fléchés vers les opérateurs. La majoration des coûts est déjà constatée dans plusieurs chantiers encadrés par l’État.
En ce qui concerne les chantiers, justement, nous avons noté que l’année 2023 devrait être marquée par l’ouverture de la cité de la francophonie à Villers-Cotterêts. Le coût du chantier était initialement évalué à 185 millions d’euros, avant d’être porté à 209 millions d’euros. Sa réalisation n’a d’ailleurs été permise que par la mise en place du plan de relance.
Cette expérience coûteuse doit servir de point cardinal dans la réflexion à mener sur d’autres grandes opérations d’investissement. Je pense en particulier à l’aménagement du site de Clairvaux, doté de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2023, ce qui représente un début assez modeste – chacun pourra en convenir – au regard du coût global de l’opération.
Au-delà de la hausse des dépenses contraintes, nous relevons une hausse importante des prix d’acquisitions des œuvres les plus importantes qui ont vocation à enrichir les collections publiques. Les prix d’adjudication dans les ventes aux enchères s’établissent désormais très régulièrement à des niveaux quatre à dix fois supérieurs, voire davantage à ceux des estimations.
Enfin, si la reprise de la fréquentation des établissements recevant du public dédiés au patrimoine a été plus importante que prévu en 2022, l’horizon ne semble pas pour autant totalement dégagé en raison de plusieurs incertitudes : l’effet de l’inflation sur les dépenses culturelles, l’absence de retour de certaines clientèles, notamment les touristes chinois, et la perspective de leur fermeture le temps des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.
Mon collègue rapporteur spécial Didier Rambaud présentera dans quelques instants les crédits des programmes 224 et 361.