La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 41 et 41 bis).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent leur inexorable baisse, malheureusement liée à la démographie.
L’année 2023 se caractérise par une réduction particulièrement marquée de 161 millions d’euros, les crédits tombant à 1, 9 milliard d’euros. Celle-ci est due à la diminution du nombre des bénéficiaires de pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant, combinée à une revalorisation limitée de ces pensions. Si l’année 2023 se démarque par une revalorisation de droit commun qui doit s’élever à 4 %, cette revalorisation reste inférieure à l’inflation de 2022 qu’elle a pour objet de compenser.
Cependant, cette approche globale cache un certain nombre d’éléments, qu’il faut également souligner.
L’année 2022 a vu un renforcement particulièrement important de l’effort de la Nation envers les harkis et autres rapatriés, ce qui est un témoignage de respect et de reconnaissance. Les crédits qui leur sont dédiés ont été multipliés par quatre entre l’exécution 2021 et la prévision 2023.
Les actions qui ne sont pas liées aux rentes versées aux anciens combattants sont globalement en hausse. C’est notamment le cas des crédits dédiés à la politique de la pierre, soit l’entretien des tombes de morts pour la France, les nécropoles nationales et les hauts lieux de la mémoire nationale, du fait de la forte dimension immobilière de ces actions.
De plus, l’année 2023 ne prévoit plus de prélèvement sur la trésorerie, dont le niveau est désormais faible, de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), opérateur principal de la mission sur lequel j’ai réalisé cette année un contrôle budgétaire. À ce titre, je remercie les membres et les fonctionnaires de la commission des finances, ainsi que les services du ministère des armées de leur coopération et collaboration. À ce moment de mon propos, je veux également mentionner l’Institution nationale des Invalides, qui est également un opérateur majeur.
Enfin, le gain pour les finances publiques lié aux baisses de crédits de la mission est largement symbolique. L’article 3 quinquies, qui étend le bénéfice de la demi-part fiscale des veuves d’anciens combattants, représentait un coût de 130 millions d’euros lorsqu’il abaissait la condition d’âge de décès de l’époux à 60 ans. Or, en votant des amendements identiques du Gouvernement, de la commission des affaires sociales et de plusieurs de nos collègues, nous avons fait le choix de supprimer totalement la condition d’âge de décès de l’époux ancien combattant. Quel est le chiffrage du dispositif qui résulte de l’adoption de ces amendements, madame la secrétaire d’État ?
La baisse de 160 millions d’euros en crédits sera donc compensée par le renforcement des dépenses fiscales sur la mission. Là encore, il s’agit d’exprimer notre respect et notre reconnaissance à l’égard de valeurs hautement symboliques pour l’ensemble du monde combattant.
Ainsi, s’il est possible de regretter la revalorisation toujours inférieure à l’inflation des rentes viagères, la baisse globale des crédits ne doit pas non plus cacher les efforts budgétaires consentis pour les harkis et autres rapatriés, ainsi que ceux qui sont consentis pour les veuves d’anciens combattants.
En tant qu’élus, nous sommes tous dévoués et impliqués dans nos territoires pour œuvrer en faveur du devoir de mémoire, ce qui passe par une coopération avec l’éducation nationale. Jocelyne Guidez préside le groupe d’études Monde combattant et mémoire. Là encore, c’est une marque de reconnaissance et de respect pour l’ensemble des associations de mémoire, véritables porte-drapeaux qui s’engagent fortement pour la mémoire, en cherchant notamment à impliquer les jeunes.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter les crédits de la mission.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré la baisse de 7, 4 % des crédits de la mission, en raison d’une diminution des bénéficiaires des prestations servies aux anciens combattants, le budget prévu pour 2023 permettra de revaloriser de 3, 5 % les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant.
Après une revalorisation exceptionnelle de 7 % en 2022, je salue la décision du Gouvernement de répercuter dès 2023 la hausse de la rémunération des fonctionnaires sur le point de pension militaire d’invalidité (PMI), alors que les règles de calcul auraient conduit à n’en tenir compte qu’en 2024. Compte tenu de l’inflation, cette revalorisation, qui représentera un coût de 41 millions d’euros, demeure toutefois insuffisante pour soutenir les pensionnés. Nous devrons donc être attentifs à ce que les pensions servies aux anciens combattants ne subissent pas le même décrochage que celui qui a été constaté entre 2005 et 2021. Sur ce point, je vous fais confiance, madame la secrétaire d’État.
Je salue l’adoption, en première partie du projet de loi de finances, de l’amendement de la commission des affaires sociales tendant à accorder une demi-part fiscale aux conjoints survivants de plus de 74 ans, quel que soit l’âge du décès de l’ancien combattant. Cette mesure de justice renforcera le soutien de la Nation aux familles d’anciens combattants. Je sais aussi que cela a été votre combat, madame la secrétaire d’État.
Je m’interroge toutefois sur l’âge à partir duquel le conjoint survivant d’un ancien combattant peut bénéficier de cette demi-part. Le fait qu’il doive attendre l’âge de 74 ans ne me paraît pas justifié, cet âge ne correspondant à aucune autre ouverture de droit. Il pourrait être envisagé d’accorder cette demi-part dès 67 ans, soit l’âge du taux plein pour la retraite. Je sais que cela a un coût, mais il faudra y revenir. Je n’ai pas déposé d’amendement, car je pense qu’une décision préalable s’impose. Nous devrons donc poursuivre nos travaux sur ce dispositif, afin d’en évaluer les effets et de le rendre, à terme, plus juste pour l’ensemble des familles de combattants.
Soulignons que l’augmentation de 3, 8 millions d’euros de la subvention versée à l’ONACVG permettra de financer la pérennisation des maisons Athos, qui offrent un accompagnement très utile aux blessés psychiques et à leurs familles. Sur ce point, je tiens à remercier le Gouvernement, puisqu’une maison supplémentaire va être construite.
Le maintien à 25 millions d’euros de la dotation d’action sociale de l’ONACVG, malgré la baisse du nombre d’anciens combattants, permettra à l’Office de soutenir ses ressortissants en difficulté et d’accompagner les pupilles de la Nation et les victimes du terrorisme.
Les moyens consacrés aux liens entre les armées et la jeunesse et à la mémoire progresseront pour assurer le financement des journées de défense et de citoyenneté, l’entretien de sépultures de guerre et de hauts lieux de la mémoire nationale, ainsi que de commémorations liées au quatre-vingtième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, les moyens alloués à la jeunesse et à la mémoire devraient progresser bien plus significativement.
Il me paraît nécessaire que le budget consacré au monde combattant soit à terme sanctuarisé et que les actions en faveur du lien entre les armées et la Nation et en faveur de la mémoire combattante soient renforcées.
Les nouvelles générations de combattants, dont les besoins évoluent, devront être accompagnées par l’ONACVG. En outre, l’Office pourrait renforcer les liens entre les armées et la Nation, en valorisant l’engagement citoyen en faveur du monde combattant et en soutenant davantage la transmission de la mémoire. Notre cohésion nationale en dépend, alors que les témoins des grands conflits qui ont marqué notre pays disparaissent progressivement.
Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à adopter les crédits de la mission. Je salue mon collègue de la commission des finances Marc Laménie, avec lequel je travaille en bonne intelligence sur ces sujets. Madame la secrétaire d’État, je salue également nos discussions et échanges. C’est ensemble que nous irons beaucoup plus loin.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER.
Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure d’examiner le budget relatif à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et, plus encore, à l’heure où la guerre est aux portes de l’Europe, je veux rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour que nous soyons libres.
Si les derniers résultats électoraux inquiètent, le groupe CRCE fait le vœu de construire une société progressiste et humaniste.
Mes chers collègues, alors que les anciens combattants étaient de nouveau dotés d’une ministre déléguée, le Gouvernement a décidé de redonner la prérogative des anciens combattants à un secrétariat d’État. Si cela peut apparaître comme un détail, nous sommes convaincus qu’un ministère en tant que tel demeurera utile tant que les contentieux ne seront pas totalement réglés ; c’est le souhait des associations d’anciens combattants.
À la lecture du rapport budgétaire relatif à cette mission, nous constatons une nouvelle baisse du budget : elle atteint 154 millions d’euros pour 2023, soit une diminution de 7, 4 % par rapport à 2022. Une fois encore, cette baisse de crédits est justifiée par la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite me faire le porte-voix des associations pour vous dire qu’il suffirait de garder un budget constant d’une année sur l’autre pour satisfaire pleinement les revendications du monde combattant.
Toutefois, je veux noter deux avancées majeures.
La première avancée concerne les harkis, avec une augmentation de 3 millions d’euros de leur dotation portant sur le droit à réparation du fait des préjudices subis en raison de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
La seconde était certainement la plus attendue. Je veux bien entendu parler de l’octroi du bénéfice de la demi-part fiscale pour les veuves, quel que soit l’âge de décès de l’époux. Il s’agissait d’une discrimination par l’âge contraire à nos principes constitutionnels.
Nous nous félicitons donc de ces deux mesures.
En revanche, au rayon des insuffisances et manques, plusieurs constats s’imposent.
La valeur du point de PMI s’établira au 1er janvier 2023 à 15, 58 euros contre 15, 05 euros en 2022. En tout état de cause, cette augmentation de seulement 3, 52 % est largement inférieure à l’évolution des prix à la consommation. La retraite du combattant basée sur 52 points passera donc à 807, 48 euros, contre 782, 60 euros, soit 25, 48 euros de plus par an.
Dans ces conditions, un rattrapage du retard constaté sur la valeur du point de PMI serait une bonne mesure. Comme vous le savez, mes chers collègues, la valeur du point de PMI est indexée non sur l’inflation, mais sur l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État. Sans même revenir sur le passé et l’érosion du pouvoir d’achat des anciens combattants résultant d’une inflation et d’un gel quasi total de l’indice entre 2012 et 2018, la situation apparaît préoccupante.
Madame la secrétaire d’État, il est impératif de rattraper le retard rapidement, y compris en mettant sur pied un calendrier de rattrapage.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le travail de nos rapporteurs, Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances, et Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, dont je souligne tout particulièrement le sérieux et la qualité d’analyse.
Mes chers collègues, nous avons la lourde tâche, dans le cadre d’un projet de loi de finances, d’exprimer par des mesures fiscales et l’allocation de moyens, notre reconnaissance de l’inestimable sacrifice du sang versé au service de la patrie et à l’égard de celles et de ceux qui, victimes ou persécutés, doivent être indemnisés.
Disons-le, la trajectoire proposée par le Gouvernement et par vous-même, madame la secrétaire d’État, est acceptable, voire encourageante.
Ce que nous disent les chiffres, c’est que le nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et des prestations octroyées aux anciens combattants est en baisse du fait de l’érosion démographique, parce que la guerre, les guerres françaises, s’éloignent. Mais le devoir de mémoire n’en est que plus urgent.
Ce que nous disent les Français et les associations, c’est que le devoir de mémoire ne doit oublier personne et être le plus juste possible, y compris dans les moyens alloués.
Aussi, nous observons que la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est à un point de bascule dont nous devons avoir conscience.
Les demandes de financement de cette mission seront étendues d’année en année, alors que, paradoxalement, les guerres s’éloignent. Cette évolution s’explique par l’élargissement du champ de la reconnaissance qu’une nation doit à ses combattants, à leurs familles et aux victimes, et des moyens que l’État doit mettre en place pour instaurer du lien entre son armée et son peuple.
De plus, l’évolution des définitions que nous déterminerons – par exemple, ce que signifie « être victime » ou être « mort pour la France » –, celle du champ d’application de ce que nous appelons la mémoire ou les mémoires ou encore celle du nombre de jours fériés auront des conséquences notables sur les budgets à venir de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Pour la première fois cette année, nous décidons que le parcours de soins au sein du service de santé des armées des maisons Athos prendra aussi en compte les blessures psychiques, y compris en accompagnant les familles de militaires souffrant de ces troubles : nous faisons évoluer la définition et la reconnaissance de ce qu’est une blessure.
De même, la reconnaissance des préjudices subis par les harkis, supplétifs et rapatriés témoigne du fait que l’État prend en compte ces questions de manière de plus en plus précise. Je salue d’ailleurs l’action du Gouvernement à ce sujet, car, en un an, les moyens de la politique de reconnaissance et de réparation en faveur des harkis ont presque été quadruplés. Le montant moyen attribué par bénéficiaire est de 8 784 euros. Que de chemin parcouru, madame la secrétaire d’État !
L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre voit le montant de sa subvention pour charges de service public augmenter de 3, 8 millions d’euros pour 2023. Il pourra ainsi soutenir le travail de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, mais aussi appliquer la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
Il voit aussi sa dotation d’action sociale de 25 millions d’euros préservée. Celle-ci est essentielle, afin de verser des aides financières aux anciens combattants, à leurs conjoints survivants, mais aussi de soutenir les pupilles de la Nation. L’Office doit avoir les moyens d’élargir et de développer ses actions destinées à promouvoir les liens entre armée et Nation en valorisant l’engagement citoyen auprès de nos armées.
Je salue les augmentations du budget relatives au lien entre l’armée et la jeunesse, par le soutien au service militaire volontaire, le financement de la Journée défense et citoyenneté (JDC), de la promotion du lien entre armée et jeunesse, des classes de défense et des cadets de la défense. Les crédits alloués progressent de 4 % en 2023 et dépassent les 24 millions d’euros.
Les crédits de la politique mémorielle progressent de 17, 2 % par rapport à 2022. Leur montant était alors de 17, 85 millions d’euros, en légère hausse déjà, mais insuffisant. En ce domaine, quels crédits le Gouvernement aurait-il demandés pour 2023 s’il n’y avait pas l’inflation ?
Les crédits en faveur des anciens combattants, les pensions militaires d’invalidité et les retraites de combattants constituent l’essentiel du budget alloué à la mission.
Le nombre des bénéficiaires de la retraite du combattant, âgés de 85 ans en moyenne, devrait baisser de 7 % en 2023. Cette diminution permet notamment à l’État de financer différemment les pensions militaires d’invalidité et de revoir sa politique en matière d’octroi des demi-parts.
Nous devons reconnaître que le Gouvernement a fait deux choix essentiels. D’abord, il a répercuté la hausse de 3, 5 % du point d’indice de la fonction publique en juillet 2022 sur le point PMI de janvier 2023, et non 2024. Ces 41 millions d’euros supplémentaires permettront de mieux soutenir les anciens combattants face à la hausse des prix. Ensuite, il a octroyé une demi-part supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Je remercie la rapporteure pour avis Jocelyne Guidez d’avoir déposé un amendement visant à faire en sorte que cette demi-part fiscale supplémentaire soit accordée aux conjoints survivants, quel que soit leur âge. Je soutiens une telle évolution.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Union Centriste votera pour l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, une réalité s’impose : celle de la disparition des anciennes générations du feu.
Corrélativement, les crédits de paiement demandés en 2023 pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont en baisse de 7, 4 %.
S’il est normal que le budget de l’État accompagne la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions et prestations prévues pour les anciens combattants, nous devons veiller à ce qu’il continue à proposer un haut niveau de réparation, corollaire de notre haut niveau de reconnaissance. Les dispositifs de cette mission relèvent non pas de l’ordre du soutien, mais de celui du devoir, un devoir moral intangible envers tous ceux et toutes celles qui ont consenti des sacrifices au profit du destin collectif de la France.
Je suis donc convaincue que les marges budgétaires dégagées mécaniquement par le paramètre démographique doivent être l’occasion de renforcer et de compléter les mesures existantes.
Dans cette perspective, je me réjouis des avancées contenues dans le projet de loi de finances pour 2023.
Je pense notamment à la revalorisation des pensions militaires d’invalidité au 1er janvier 2023. Le calcul de la valeur du point PMI, effectué en fonction de l’indice d’ensemble des traitements de la fonction publique d’État et mis en œuvre en 2005 se révèle non satisfaisant en période de forte inflation. Je salue donc la décision prise par le Gouvernement de répercuter dès le 1er janvier 2023 la revalorisation de droit commun de 4 % du point d’indice. Nous devrons toutefois rester vigilants face à un niveau d’inflation sans cesse révisé à la hausse pour l’année prochaine.
Dans ce contexte, l’extension de l’octroi d’une demi-part fiscale aux conjoints survivants d’anciens combattants sera également de nature à soutenir le pouvoir d’achat de ses bénéficiaires. Lors de l’examen des articles de la première partie, nous avons décidé ici d’améliorer le dispositif proposé par nos collègues députés. La suppression de la condition d’âge de décès de l’époux ancien combattant pour le bénéfice par sa veuve d’une demi-part fiscale à ses 74 ans est pour nous une mesure d’équité, qui était très attendue par le monde combattant. Nous souhaitons qu’elle soit conservée par le Gouvernement.
La mission met également en œuvre les dispositifs issus de la loi du 23 février 2022, par laquelle la France reconnaît les conditions d’accueil et de vie indignes des harkis et de leurs familles, rapatriés d’Algérie après les accords d’Évian de 1962. Mais la question reste ouverte s’agissant des personnes qui ont vécu de façon tout aussi indigne en dehors des camps et des hameaux de forestage. Je compte sur le premier rapport de la commission dite Bockel, attendu au printemps 2023, pour nous apporter un éclairage sur la justesse des critères retenus dans cette loi.
Au sein de la mission, les moyens du programme 158, entièrement consacré à l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, accompagnent la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires. C’est normal, mais, aux côtés de la politique de réparation, il est fondamental de poursuivre les actions en faveur de la mémoire. Je suis fière d’avoir représenté le Sénat à Auschwitz le 7 novembre dernier, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de la tragique nuit de Cristal, qui a réuni des délégations parlementaires du monde entier.
La résurgence d’un antisémitisme banalisé et dangereux doit nous conduire à être particulièrement soucieux du devoir de transmission aux jeunes générations, notamment sur ce qu’ont représenté la déportation et les camps de la mort : l’ignominie absolue.
Au fil du temps, les témoins ou les ayants droit des grands conflits disparaissent. Il nous appartient donc de conforter la politique de mémoire. Malheureusement, celle-ci concentre seulement 1, 1 % des ressources du programme 169.
De « Ceux de 14 », comme les avait qualifiés Maurice Genevois, à nos soldats en opérations extérieures (Opex), sans oublier nos valeureux combattants de l’ombre, que l’année 2023 mettra à l’honneur autour de la figure de Jean Moulin, aucune des victimes de la guerre ne doit être oubliée dans le champ de nos actions. La mémoire doit s’entretenir.
Le groupe RDSE votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
« Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va, car il ne sait pas où il est. En ce sens, le passé est la rampe de lancement vers l’avenir. » Cette citation résume assez bien la mission budgétaire que nous examinons à présent, mais aussi, et surtout les enjeux qui la sous-tendent.
Plus que jamais, à l’heure où ce qui nous rassemble semble se réduire à une portion congrue tant les tensions qui agitent notre société oubliant ses repères sont importantes et diverses, faire vivre notre mémoire collective revêt une importance toute particulière. Se souvenir de notre histoire, avec lucidité, mais sans fausse honte, avec orgueil, mais sans méchanceté, se souvenir de ceux qui ont combattu, parfois jusqu’au sacrifice ultime, est fondamental. Nous le voyons dans les communes de France : commémoration après commémoration, cette flamme doit être entretenue et transmise aux générations suivantes.
Si la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits constamment baisser, l’année 2023 se démarque par l’ampleur de la baisse. Comme l’ont rappelé les rapporteurs, deux caps symboliques sont franchis cette année : les crédits de la mission sont désormais inférieurs à 2 milliards d’euros et, pour la première fois, le montant consacré par l’État à la retraite du combattant est inférieur à celui qui est consacré à la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, principal crédit d’impôt en faveur des anciens combattants. Je salue ici l’amendement de la rapporteure pour avis, adopté en première partie, qui élargit encore le dispositif.
Ainsi, les crédits affectés aux pensions viagères, la retraite du combattant et les PMI poursuivent leur inexorable baisse, encore renforcée par l’inflation. La revalorisation exceptionnelle au 1er janvier 2022 du point PMI n’a pas atteint son objectif, qui était de rattraper l’effet de l’inflation entre 2018 et 2021, à cause d’une hypothèse d’inflation trop faible pour 2021, d’autant moins que le point d’indice, indexé sur les rémunérations publiques, décroche face à l’inflation depuis 2012.
De même, la revalorisation de droit commun de 4 %, qui doit avoir lieu au 1er janvier 2023, est inférieure à l’inflation de l’année 2022.
Les crédits des autres actions sont au contraire en hausse, surtout, mais pas uniquement, en raison de l’inflation. C’est le cas du budget de la JDC, en légère hausse de 1 million d’euros, car la cohorte 2023 est plus nombreuse que les précédentes. Bien que l’année 2023 marque un retour à la normale pour le fonctionnement de la JDC, le coût moyen par jeune devrait rester stable par rapport à 2022. Les crédits du service militaire volontaire sont stables. Dans un cas comme dans l’autre, ces augmentations sont peu significatives, car plus des trois quarts des crédits effectivement utilisés pour ces dispositifs n’apparaissent pas dans cette mission, puisqu’ils relèvent de la mission « Défense », du Fonds social européen et des budgets des collectivités territoriales.
Pour résumer, les dotations de la mission sont installées sur une trajectoire fortement descendante. Le PLF pour 2023, bien qu’il comprenne quelques revalorisations liées à l’inflation, n’inverse pas la tendance. Celles-ci, en effet, ne font que limiter l’incidence sur le budget de la réduction de la population des bénéficiaires des rentes viagères, réduction inexorable au vu de l’âge très avancé d’une majorité d’entre eux. On le voit aussi bien pour les actions relevant du programme 169 que pour celles qui relèvent du programme 158. Les rapporteurs ont donc appelé à l’adoption des crédits de la mission, ce à quoi mon groupe souscrit.
Qu’il me soit permis de rappeler pour autant que nous examinons les crédits de cette mission à quelques encablures du bruit des bombes et des cris qui résonnent en Ukraine, sur un continent ayant déjà connu tant de guerres et de souffrances. Cela appelle deux observations.
L’un des enseignements de la guerre en Ukraine est l’importance fondamentale des forces morales de la Nation. Une réflexion est engagée dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire sur le rôle et le redimensionnement des réserves. Il serait intéressant qu’en parallèle, notamment dans le cadre de la généralisation annoncée du service national universel, une réflexion plus poussée soit menée sur les moyens et les outils les plus efficaces pour ancrer et renforcer le lien entre les armées et la jeunesse. Force est de reconnaître en effet qu’il fait encore trop largement défaut, alors qu’il est la première brique du lien entre les armées et la Nation, dont on redécouvre aujourd’hui le caractère fondamental. La baisse tendancielle des crédits de la mission, causée par la démographie déclinante des bénéficiaires des différentes allocations de reconnaissance de la Nation, pourrait permettre de dégager des marges de manœuvre supplémentaires à cette fin.
L’autre enseignement est la faiblesse du nombre d’armes opérationnelles, et des munitions correspondantes, dont dispose l’armée française. Nous l’avons vu avec l’envoi des canons Caesar. Or son budget, dont l’importance est justifiée par l’ampleur des menaces, est souvent entamé par des dépenses qui ne devraient pas lui être directement imputées, comme celles qui sont afférentes à la JDC ou au service militaire volontaire. Cet arrangement budgétaire m’apparaît néfaste d’abord en termes de lisibilité, mais aussi, et surtout, car ces crédits sont indispensables à notre armée. Par souci de clarté et de sincérité sur les moyens effectivement attribués à la défense nationale, les crédits mobilisés pour ces deux dispositifs, s’ils restaient opérés par le ministère des armées, devraient relever intégralement de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Ainsi, renforcer les moyens et les outils consacrés à la jeunesse et à la politique de mémoire grâce des crédits stables, et, surtout, sortir certaines dépenses du budget de la mission « Défense » me semblent être des pistes à explorer.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, reconnaissance de la Nation en faveur du monde combattant, transmission de la mémoire, renforcement du lien entre l’armée et la Nation, indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale : les objectifs de cette mission nous obligent, et l’examen de ces crédits nous invite à une certaine solennité.
D’ailleurs, faire la liste des programmes de cette mission ne suffit pas en dire toute l’importance, car l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est le soutien que l’État apporte à tous les hommes et toutes les femmes qui sont prêts à donner leur vie pour la Nation.
Les crédits de cette mission financent principalement des pensions et des prestations destinées aux anciens combattants. Ils évoluent donc en fonction du nombre de bénéficiaires. Parce que le nombre des anciens combattants diminue pour des raisons démographiques, ces crédits baissent encore cette année, de plus de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, et s’établissent à 1, 9 milliard d’euros pour 2023.
Je tiens néanmoins à saluer un certain nombre d’avancées.
La dotation créée par la loi de février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie est portée à 60 millions d’euros, ce qui constitue une augmentation de plus de 33 % par rapport à 2022.
Les crédits consacrés à la politique de la mémoire augmentent de 3 millions d’euros. Cette hausse permettra de financer des travaux de restauration nécessaires pour préserver notre patrimoine mémoriel. Je me réjouis de cet effort important : conserver ces lieux de transmission en bel état, c’est soigner la mémoire que nous livrons aux générations futures.
Je me félicite également la progression des moyens consacrés aux opérateurs accompagnant les combattants et les blessés de guerre. Cette progression est, certes, légère, mais elle est réelle.
Pour l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, cette augmentation est la bienvenue. Elle permettra de supporter la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, d’assurer le fonctionnement de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, ainsi que de financer la pérennisation des maisons Athos, un dispositif expérimental de grande valeur qui procure un soutien aux blessés psychologiques désarmés. Je me réjouis que leur accompagnement soit ainsi renforcé.
Sur l’ensemble des crédits de la mission, seuls ceux qui sont liés aux allocations viagères connaissent une baisse en 2023. Mais cette baisse est, là encore, principalement liée à la démographie des bénéficiaires. Pour le reste, tous les crédits des autres actions sont en hausse. Aussi ce budget nous semble-t-il répondre aux attentes des anciens combattants. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc ces crédits.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits diminuer, comme chaque année, mais plus que chaque année. Cela s’explique bien entendu par la diminution du nombre de bénéficiaires. Mais, justement, il faudrait légèrement accroître leur nombre, car certains harkis attendent toujours de bénéficier de ces crédits : vingt-deux supplétifs de statut civil de droit commun attendent toujours une aide, de 4 150 euros seulement !
Cette question se pose chaque année. Et, chaque année, le Gouvernement avance un certain nombre d’arguments contestables. La mesure ne serait pas applicable faute de base juridique, impossible à prendre, car rétroactive, ou bien parce que les avis du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) seraient défavorables.
Pourtant, les amendements parlementaires fournissent une base juridique à cette extension. Pourtant, la jurisprudence du Conseil d’État relative à la désignation explicite ou implicite des bénéficiaires d’une mesure adoptée par le Parlement est en leur faveur. Pourtant enfin, le Conseil d’État et la CEDH n’ont pas rendu de tels jugements.
Nous parlons de quelques dizaines de milliers d’euros… D’ailleurs, ce que demandent ces hommes, ce n’est pas une aumône ou le suivi social que le ministère des armées met en place ; c’est la reconnaissance.
Nous remercions donc le rapporteur spécial Marc Laménie d’avoir déposé un amendement en ce sens. Pour lui donner plus de force, nous nous sommes permis d’en déposer un identique. Nous invitons ainsi le Gouvernement à lever le gage et à conserver l’amendement lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Sinon, ces personnes vont peu à peu disparaître sans jamais avoir été reconnues par l’État.
En 2019, le Parlement a élargi aux veuves de plus de 74 ans le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire, à la condition que leur mari décédé soit lui-même titulaire de la carte du combattant ou d’une retraite du combattant. Quid des veuves de moins de 74 ans ? L’effet de seuil crée une rupture d’égalité malvenue. Le Sénat l’a corrigée par amendement lors de l’examen de la première partie. Nous nous en félicitons.
Là encore, nous invitons le Gouvernement à conserver cet ajout lors du débat à l’Assemblée nationale.
Nous nous interrogeons aussi sur les crédits de la JDC, qui n’augmentent que de 1 million d’euros, alors que l’année 2023 doit marquer le retour à la normale après trois années de pandémie. La dépense par participant devrait rester la même qu’en 2022, où la JDC a le plus souvent été réduite de moitié. Comment, avec un tel budget, organiser correctement cette journée, où les jeunes Françaises et Français doivent découvrir les enjeux géopolitiques qui conduisent la France à développer un appareil de défense, apprendre à connaître les caractéristiques de ce dernier, effectuer des tests de langue française, apprendre les gestes de premiers secours et suivre une formation de sécurité routière ?
Alors que les derniers poilus se sont éteints, tout comme les derniers Compagnons de la Libération, la question de la transmission de la mémoire des guerres mondiales et, plus largement, de la mémoire du XXe siècle devient de plus en plus prégnante. L’État ne remplacera évidemment jamais la transmission qui pouvait s’opérer par les témoins directs du siècle passé. Néanmoins, il est temps d’envisager une nouvelle ambition en matière de politique mémorielle, tournée vers les jeunes générations.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera les crédits de la mission, modifiés, je l’espère, par l’amendement de notre rapporteur spécial.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où la guerre fait rage à l’est de l’Europe, dans un mélange de nouvelles technologies et de guerre de position qui nous rappelle les pires moments de la Première Guerre mondiale, à l’heure où d’aucuns s’interrogent sur la nécessité de sacrifier un peu des dividendes tirés de soixante-dix années de paix pour défendre notre liberté et nos valeurs fondatrices, à l’heure où les derniers combattants de la Seconde Guerre mondiale s’éteignent comme, avant eux, leurs aînés de la Première Guerre mondiale, le travail de mémoire n’est décidément pas un luxe. Notre société est en effet emportée par l’immédiateté et l’hypertrophie du présent, au détriment du regard méthodique sur notre passé et de la volonté de se projeter dans un futur qu’on tend à juger trop incertain.
Le travail de mémoire ne se résume pas aux commémorations le temps d’une journée avant de retourner dès le lendemain aux affaires courantes. Quand les repères s’affaiblissent et l’avenir paraît menaçant, il est indispensable de savoir d’où nous venons pour savoir où nous voulons aller ensemble.
Nous saluons, dans le cadre de ce débat budgétaire, l’augmentation de 20 % des montants qui seront consacrés à la mémoire l’an prochain. Les années 2023 et 2024 marqueront en effet des anniversaires particulièrement importants. Cet effort budgétaire est bienvenu.
Puisque nous parlons de la Seconde Guerre mondiale, je veux ici vous remercier, madame la secrétaire d’État, de votre présence le 19 août dernier à Dieppe, à l’occasion du 80e anniversaire du raid allié de 1942, qui vit malheureusement la mort et la déportation de milliers de jeunes Canadiens, souvent engagés volontaires et venus sur notre continent, comme déjà leurs aînés en 1914, pour défendre notre liberté et nos valeurs communes.
Le prix du sang payé par nos concitoyens ne doit jamais être oublié. Il ne faut pas non plus oublier le sang versé par nos alliés et tous les peuples du monde entier qui se sont battus à nos côtés, parfois en lieu et place de nos propres troupes. C’est avec ces briques mémorielles du passé que nous solidifions au long cours nos relations avec des nations qui ont si activement contribué à notre histoire et à notre liberté.
J’étais à Ottawa au début de ce mois pour assister à la projection, au Musée canadien de la guerre, du documentaire de Laurent Mathieu sur la mémoire du raid de Dieppe. Il s’agit d’un travail exigeant, très apprécié de nos amis canadiens, et j’ai pu mesurer combien ce type d’engagement mémoriel, cette reconnaissance collective d’un événement trop oublié, concourt à la qualité des relations entre nos deux pays. Le travail de mémoire consolide le présent et devient ainsi un travail commun d’échafaudage de l’avenir.
À ce sujet, je formulerai deux vœux, madame la secrétaire d’État. Le 17 mai 2024, cela fera quatre-vingts ans que Félix Éboué, troisième des Compagnons de la Libération, nous aura quittés. Panthéonisé depuis 1949, il demeure trop méconnu par nombre de nos concitoyens. Même la place qui porte son nom, ici à Paris, continue, avec la complicité involontaire de la RATP, à être couramment appelée place Daumesnil. Faire connaître à nouveau l’engagement exceptionnel de Félix Éboué dans la France Libre serait, je le crois, reconnaître aussi l’apport immarcescible de la Guyane à notre pays.
Mme Victoire Jasmin applaudit.
Je pense aussi à la diaspora indienne, discrète, qui compte quelque 200 000 personnes en métropole et bien davantage dans nos territoires d’outre-mer. Durant la Première Guerre mondiale, ils furent plus d’un million à s’engager aux côtés des Alliés et plus de 120 000 combattirent dans l’est de la France. Là encore, leurs descendants se battent pour leur mémoire. Il y va de notre honneur de ne pas les oublier.
Le groupe RDPI votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un immense respect pour ceux qui se sont battus ou qui se battent encore pour la France que j’interviens au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur les crédits de la mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Cette mission budgétaire se veut la traduction financière de la solidarité et de la reconnaissance de la Nation envers les militaires et les anciens combattants en raison de leurs engagements ou de leurs sacrifices. Passerelle entre la société civile et le monde combattant, elle est également l’occasion de créer des liens intergénérationnels fondamentaux pour le devoir de mémoire et la cohésion sociale.
Cette mission s’articule depuis le PLF pour 2022 autour de deux programmes complémentaires : le programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », et le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ». Elle est marquée par une réduction tendancielle des crédits, liée à la diminution démographique du nombre d’anciens combattants.
Cependant, pour l’année 2023, la baisse est d’une ampleur sans précédent. En effet, les crédits passeront en dessous de la barre des 2 milliards d’euros, avec une diminution de 161 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 154 millions d’euros en crédits de paiement. Ces baisses ont lieu malgré une revalorisation de 4 % du point PMI au 1er janvier 2023.
Si la diminution des crédits de la mission peut se justifier par le cycle naturel de la démographie, en ces temps de crises, il aurait été souhaitable que les marges de manœuvre ainsi libérées bénéficient à des mesures de revalorisation des pensions, notamment pour compenser l’inflation. De fait, année après année, les crédits consentis aux anciens combattants ne cessent de s’amoindrir.
Certaines avancées sont toutefois à saluer dans le cadre de la discussion budgétaire.
Je pense par exemple à la décision du Gouvernement de répercuter dès le 1er janvier 2023 la revalorisation du point d’indice de la fonction publique sur celle du point PMI, afin d’atténuer partiellement les effets de l’inflation pour les anciens combattants.
Autre point positif, la pérennisation des maisons Athos, pour renforcer l’accompagnement des militaires blessés psychologiquement et de leurs familles, en complément des autres programmes de réhabilitation psychosociale.
Mais la bonne nouvelle est surtout le vote de la commission des affaires sociales pour l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire aux conjoints survivants de plus de 74 ans, quel que soit l’âge de décès de l’ancien combattant. Grâce à notre collègue Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis, la commission a reconnu à l’unanimité qu’il était nécessaire de voter cette mesure.
De même, nous saluons l’article 41, qui lève le critère temporel auquel est soumis le droit à pension des victimes de terrorisme. Ce droit n’est plus lié à la date de l’acte de terrorisme dont ces personnes ont été victimes.
À ce titre, je salue une nouvelle fois le caporal Loïc Liber, seule victime survivante du terroriste Mohammed Merah, aujourd’hui tétraplégique et encore aux Invalides.
En dépit de ces avancées, le monde combattant formule, en raison de la crise sociale et financière que nous subissons actuellement, des demandes de revalorisation du pouvoir d’achat. Madame la secrétaire d’État, ces requêtes sont légitimes, et j’espère sincèrement que vous allez faire un geste en ce sens.
Je pense notamment à une proposition dont il faudrait à tout le moins étudier la faisabilité : que le bénéfice de la demi-part fiscale soit ouvert dès 65 ans au combattant ou à sa veuve.
L’évolution de l’appellation « retraite du combattant » en « allocation de reconnaissance du combattant » est également souhaitée.
La valeur du point PMI reste nettement insuffisante, au regard des préconisations de la commission tripartite, pour rattraper le retard accumulé et compenser le niveau d’inflation de 2022. Les élus de notre groupe souhaitent avoir l’assurance que ladite commission sera de nouveau appelée à se réunir au premier trimestre 2023 pour étudier cette question.
En parallèle, le nombre de points de retraite du combattant stagne, depuis 2017, à 52. Je tiens à rappeler que le passage de 48 à 50, puis à 52 points est l’une des mesures fortes des gouvernements de François Hollande. Il serait souhaitable que le nombre de points soit porté à 60 au cours de cette mandature, à raison de deux points par an dès 2024.
Je conclus mon propos en insistant sur d’autres revendications, plus anciennes, qui auraient tout lieu d’être satisfaites. M. Gattolin vient d’y faire allusion : il s’agit de notre devoir de mémoire envers les combattants originaires des régions d’outre-mer, dont de nombreux jeunes s’engagent encore dans nos armées.
M. André Gattolin acquiesce.
Mes chers collègues, nous devons notamment saluer tous les dissidents d’outre-mer qui ont rejoint les Forces françaises libres (FFL) du général de Gaulle. §Ces combattants ont été mis en lumière par la cinéaste Euzhan Palcy, qui vient d’ailleurs de recevoir un Oscar. Elle est récompensée aux États-Unis, alors que, pour l’heure, la France ignore encore l’histoire de ces dissidents.
Je tiens à mettre en lumière le travail d’une autre Martiniquaise, Arlette Pacquit, qui a consacré un film à la guerre d’Indochine et à tous ceux qui y ont pris part, y compris les plus méconnus ; ils ont beaucoup souffert.
Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous allez contribuer à faire connaître cette histoire, la vraie histoire.
En espérant que ces diverses pistes de réflexion seront prochainement étudiées par le Gouvernement, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain émettent un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » tels qu’ils figurent dans le projet de loi de finances pour 2023 !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le premier budget que j’ai l’honneur de présenter et de défendre au Parlement ; je le fais avec émotion et fierté.
Ce budget, celui du monde combattant, de la mémoire et du lien entre les armées et la Nation, est celui de la reconnaissance et de la transmission : reconnaissance de l’engagement au service de la France, des Françaises et des Français ; transmission des valeurs républicaines, de la culture de défense et des forces morales.
Représentants de la Nation, vous êtes à l’écoute des anciens combattants, qui sont très présents dans vos territoires, et vous entretenez des relations étroites avec eux. Je vous sais, comme moi, attachés aux enjeux de ce budget.
C’est aussi pour entretenir et enrichir cette proximité que j’ai entamé et que je poursuis un dialogue nourri et fructueux avec les associations d’anciens combattants : il est inconcevable que mon action, que je veux ambitieuse et déterminée, ne soit pas menée de concert avec elles.
J’ai reçu les associations nationales et, depuis le 4 juillet dernier, je vais à leur rencontre à chacun de mes déplacements.
Je me suis fixé pour objectifs de préserver et d’améliorer les droits du monde combattant, de consolider la reconnaissance de la Nation à son égard et de nous assurer que les dispositifs existants sont pleinement déployés et perfectionnés, lorsque cela paraît nécessaire.
Tout d’abord, le budget que je vous présente aujourd’hui garantit et même augmente les droits du monde combattant. Il est doté de 1, 8 milliard d’euros au titre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Le Gouvernement poursuit ainsi l’effort consistant à limiter l’évolution des crédits à due proportion de la diminution du nombre de bénéficiaires de la dette viagère tout en conservant au même niveau les crédits de solidarité.
Dans cet esprit, j’ai proposé à la Mme la Première ministre d’accélérer la revalorisation du point d’indice de pension militaire d’invalidité pour répercuter dès le 1er janvier 2023, et non en 2024, l’effet de la revalorisation des traitements des fonctionnaires décidée par le Gouvernement le 1er juillet dernier.
Comme je l’ai annoncé lors de mon audition devant le groupe d’études Monde combattant et mémoire de votre assemblée, Mme la Première ministre a arbitré en faveur de cette proposition. Le Conseil d’État étudiera cette semaine le décret destiné à introduire ladite modification dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.
La demi-part fiscale des conjoints survivants constitue un sujet majeur pour le monde combattant
J’ai travaillé en lien étroit avec le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, pour atteindre une mesure plus juste, plus solidaire et plus sociale, qui marque notre profonde reconnaissance envers le monde combattant. À ce titre, je tiens à saluer l’adoption par votre assemblée, le 18 novembre dernier, de l’amendement gouvernemental et de trois amendements similaires, dont celui de la présidente du groupe d’études Monde combattant et mémoire, Jocelyne Guidez.
Ces votes vont nous permettre d’accorder dès 2023 la demi-part fiscale supplémentaire à toutes les veuves âgées de plus de 74 ans, quel que soit l’âge de décès de l’ancien combattant. Cette demande était formulée de manière récurrente par les associations d’anciens combattants depuis plusieurs années. Nous pouvons toutes et tous nous féliciter de cet acquis à l’égard de celles et ceux qui se sont battus pour la Nation.
Ce budget contient encore d’autres mesures nouvelles qui traduisent mon ambition pour le monde combattant.
La première d’entre elles concerne les blessés psychiques, les « sans blessures apparentes », comme on les désigne parfois.
L’expérimentation par l’armée de terre des maisons Athos est pérennisée. Ces structures seront désormais financées par la présente mission. Il en existe trois aujourd’hui, dont deux vont être installées dans des locaux plus adaptés, et la construction d’une quatrième sera lancée cette année.
Par ailleurs, nous allons étendre la période de prise en compte de la qualité de victime d’acte de terrorisme. Les victimes d’attentats survenus avant 1982 en bénéficieront désormais. Les dizaines de blessés de l’attentat de la synagogue de la rue Copernic en 1980 sont par exemple concernés. Une enveloppe de 1 million d’euros y est consacrée.
Enfin, 2, 4 millions d’euros supplémentaires seront dédiés à l’entretien et à la rénovation du patrimoine mémoriel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une attention toute particulière sera accordée aux harkis et à leur famille. Vous savez combien je suis attaché à ce sujet. Il est de notre devoir que la Nation connaisse pleinement les anciens combattants qu’ils furent et qu’ils reçoivent réparation des préjudices qu’ils ont subis. Ce quinquennat est l’occasion de poursuivre les avancées significatives amorcées en leur faveur à la fin du mandat précédent.
La dotation pour le financement du droit à la réparation prévue par la loi du 23 février 2022 sera augmentée de plus de 30 %. Elle sera ainsi portée à 60 millions d’euros, contre 46 millions d’euros en 2022.
En outre, j’ai demandé que l’on renforce les moyens humains et matériels prévus pour l’instruction des dossiers concernant les harkis, notamment afin de solder en 2023 les dossiers déposés au titre du fonds de solidarité et dont l’instruction est complexe. Dès le mois de janvier 2023, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre mobilisera six agents supplémentaires pour cette mission.
Aucune de ces démarches ne pourrait être concrétisée sans une consolidation des opérateurs du ministère des armées chargés du monde combattant : pour préserver leur action, leurs moyens sont donc reconduits.
Pour ce qui concerne l’ONACVG, le contrat d’objectifs et de performance (COP) est en application.
Le maillage départemental de cet office est un sujet qui a beaucoup inquiété le monde combattant. Souvenons-nous que, pendant l’épidémie de covid-19, les services départementaux de l’ONACVG ont maintenu un lien constant et précieux avec l’ensemble de leurs ressortissants, dont certains sont particulièrement fragiles et isolés. Je les en remercie à cette tribune.
À l’heure où le Gouvernement entend renforcer l’accès aux services publics de proximité, ce maillage ne saurait être remis en cause : le sujet est donc clos.
Grâce au budget que je vous présente, la subvention de fonctionnement de l’ONAC augmente de 3, 8 millions d’euros pour atteindre 60, 2 millions d’euros. De plus, nous maintenons le budget d’action sociale de cet office à un niveau élevé – il est de 25 millions d’euros –, gage de sa capacité à accompagner ses ressortissants les plus fragiles, qu’ils soient anciens combattants ou orphelins de guerre.
En parallèle, la subvention de fonctionnement de l’Institution nationale des Invalides (INI) progresse de 700 000 euros pour atteindre 13, 7 millions d’euros.
Enfin, la subvention de l’Ordre national de la Libération est en légère hausse. Le Gouvernement la porte à 1, 74 million d’euros pour prendre en compte le coût de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
En 2023, le ministère des armées restera en pointe du travail de mémoire et de valorisation culturelle.
Nous confirmons notre politique de hausse du budget consacré à la mémoire, qui atteint presque 21 millions d’euros.
Le patrimoine mémoriel placé sous la responsabilité du ministère des armées est extrêmement riche : c’est tout un pan de notre histoire nationale. Il fera l’objet d’une attention renforcée, à hauteur de 10, 37 millions d’euros en 2023 : ces crédits affichent une augmentation de 28 % par rapport à 2022.
Un budget de 1, 5 million d’euros sera par ailleurs consacré aux commémorations, qu’il s’agisse des douze journées nationales ou des célébrations liées aux thématiques mémorielles, largement dédiées l’année prochaine au quatre-vingtième anniversaire de plusieurs grands épisodes de la Seconde Guerre mondiale.
Je souhaite également que l’année 2023 mette davantage en valeur les combattants en opérations extérieures, cette quatrième génération du feu. À cet égard, j’ai la volonté de travailler avec l’ensemble des acteurs pour mieux faire connaître le monument aux opérations extérieures installé dans le parc André-Citroën à Paris.
Ambitieuse et volontariste, la politique culturelle du ministère des armées prend de nombreuses formes. Elle fait de ce dernier le deuxième acteur culturel de l’État et touche tous les domaines de ce secteur, qui va du patrimoine immobilier à la bande dessinée.
Une directive culturelle triennale, couvrant la période 2021-2023, guide la mise en œuvre de cette politique. Ses objectifs sont non seulement de conserver et de valoriser l’important patrimoine culturel du ministère des armées – bâtiments historiques, musées, archives et bibliothèques –, mais aussi d’intensifier la recherche historique, notamment en soutenant de jeunes chercheurs par le biais d’allocations de thèse ou de contrats doctoraux.
Ces différents leviers renforcent le lien entre les armées et la Nation. Ils soutiennent les vocations comme l’engagement des militaires et favorisent le recrutement. En cela, la politique culturelle du ministère des armées développe les forces morales de notre pays en s’adressant à nos concitoyens et appuie activement la politique de défense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis au travail.
Ce budget ouvre un mandat qui perpétuera un haut niveau d’ambition au service du monde combattant, de la mémoire et du lien armées-Nation-jeunesse.
Ce budget est donc aussi celui de la résilience de la Nation, enjeu fondamental en cette année, qui a vu réapparaître un conflit de haute intensité sur notre continent.
L’augmentation des moyens et les choix stratégiques que je vous présente aujourd’hui sont les outils nécessaires pour impulser un élan nouveau à la politique de soutien au monde combattant et de transmission de la mémoire que j’entends mener, à l’avenir, dans un dialogue permanent avec les associations, avec les territoires et avec les élus.
Sachez compter sur moi !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Vincent Éblé applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
Dont titre 2
1 441 930
1 441 930
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-5 est présenté par M. Laménie, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-566 est présenté par M. Gontard, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-5.
Mes chers collègues, cet amendement, que je présente au nom de la commission des finances, tend à assurer l’indemnisation de vingt-deux supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie qui se sont vu refuser l’allocation de reconnaissance sur le fondement d’une disposition législative déclarée, depuis, anticonstitutionnelle. Il s’agit, certes, d’un sujet relativement ancien, mais les intéressés méritent eux aussi respect, reconnaissance et réparation.
L’ONAC-VG a déjà pris contact avec ces personnes en tant qu’opérateur du programme 169 : le mouvement de crédits que nous vous proposons conduirait à lui confier une somme de 92 920 euros pour indemniser ces vingt-deux personnes, ce qui représente 4 195 euros par rapatrié.
Cette demande d’indemnisation est relayée par les associations de rapatriés. Je précise enfin que trois de ces personnes sont malheureusement déjà décédées.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° II-566.
Ces deux amendements identiques visent à traiter la situation d’anciens membres des forces supplétives de statut civil de droit commun.
Vous le savez, les gouvernements successifs ont voulu réserver l’allocation de reconnaissance aux anciens supplétifs de droit local, dont les conditions de rapatriement furent extrêmement dures. Au cours des dernières années, ces critères d’éligibilité ont été consolidés juridiquement. J’ajoute qu’ils ont été validés par le Conseil constitutionnel en 2013.
Pour ce qui concerne les supplétifs de droit commun ici évoqués, toutes les demandes ont été identifiées. Toutes les situations nécessitant une intervention ont d’ores et déjà été traitées via l’action sociale de l’ONACVG.
Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, avait en effet demandé aux offices départementaux de l’ONACVG de contacter toutes les personnes qui lui avaient été signalées, afin qu’elles puissent, dans la mesure du possible, bénéficier des dispositifs d’aide de l’office.
Les vingt-six anciens supplétifs de statut civil de droit commun signalés à l’époque ont donc bien été contactés. Au total, trois d’entre eux étaient décédés ; six n’avaient pas souhaité donner suite aux sollicitations ; sept n’avaient pas exprimé de besoin particulier, l’un d’eux ayant déménagé et ne répondant plus aux courriers qui lui étaient adressés ; six n’étaient pas d’anciens combattants, mais n’en étaient pas moins accompagnés par l’ONACVG, qui poursuit d’ailleurs ce soutien actif ; et les quatre derniers avaient reçu une aide pour un montant global de 9 800 euros. Une seule nouvelle demande est apparue en 2020, mais elle a été finalement retirée par l’intéressé. Aucune demande supplémentaire n’a été enregistrée en 2021.
Dans ces conditions, ces deux amendements me semblent satisfaits. Je prie donc leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Madame la secrétaire d’État, j’entends bien vos arguments. Toutefois – Mme Poncet-Monge et les membres de son groupe ne me contrediront sans doute pas –, nos attentes restent entières. Voilà pourquoi je maintiens l’amendement de la commission.
Monsieur le rapporteur spécial, vous connaissez mon engagement pour les harkis ; vous savez que j’ai été rapporteure de la loi du 23 février 2022. Croyez-moi : si l’objectif n’était pas déjà atteint, je me serais engagée à ce qu’il le soit.
D’ailleurs, si cela peut vous assurer, je vous signale que les membres de mon cabinet sont à votre disposition. Vous pourrez faire le point directement avec eux.
Notre amendement a avant tout pour objet de renforcer celui de M. le rapporteur spécial.
Madame la secrétaire d’État, à vous entendre, nous ne parlons que d’une série de cas individuels qu’il suffirait d’examiner un par un. Mais, pour notre part, nous avons été sollicités par une association d’anciens combattants : c’est une personne morale qui défend ces vingt-deux personnes. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous fournir ses coordonnées. Ainsi pourrez-vous écrire à ses membres que leurs revendications sont satisfaites.
Mon intervention s’inscrit dans le droit fil des propos de Mme Poncet-Monge et de M. Laménie.
Madame la secrétaire d’État, je prends note de votre réponse. Toutefois, j’ai rencontré les représentants de plusieurs associations, notamment au cours de différentes auditions organisées au Sénat. Je vous assure qu’ils ne tiennent pas le même langage que vous.
Peut-être faudrait-il répondre directement à ces associations pour qu’elles informent leurs adhérents. Pour l’heure, quoi qu’il en soit, mieux vaut à mon sens que ces amendements soient votés.
Monsieur le rapporteur spécial, vous le savez, je suis ce dossier depuis plusieurs années et je connais bien l’association dont il s’agit, ainsi que son délégué national, M. Amorich : dès qu’il peut harponner quelqu’un, il le fait !
Cela étant, comme le souligne Mme Jasmin, il faut bel et bien écrire aux associations concernées : à l’évidence, nous sommes face à un problème de communication. Nous avons toujours travaillé en bonne intelligence avec Mme Darrieussecq, et je ne crois pas une seconde qu’elle nous ait menés en bateau.
Prenons garde : le même amendement risque d’être déposé par d’autres parlementaires l’année prochaine, …
… sur l’initiative de la même personne. La priorité me semble bel et bien être de résoudre ce problème de communication.
Mme la secrétaire d’État l’a rappelé : ceux qui devaient être indemnisés l’ont été et, parmi les autres, certains ne le voulaient pas. J’ajoute qu’à ma connaissance, cette demande n’est formulée que par une seule association, et même par une seule personne.
Mme Darrieussecq m’avait communiqué les noms des personnes indemnisées, de celles qui n’ont rien demandé et des trois ou quatre personnes qui ne pouvaient pas prétendre au dispositif. Je ne suis pas en mesure de vous les citer en séance, car il s’agit d’informations confidentielles. Mais je peux vous fournir les noms des intéressés, car je dispose du dossier complet.
Voilà pourquoi, tout en saluant la qualité du travail que nous accomplissons ensemble dans une parfaite entente, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Avant tout, je tiens à saluer Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants ; j’ai eu l’occasion d’aller avec elle à Verdun comme dans d’autres lieux de mémoire, et je souligne son engagement personnel sur ces sujets.
Nous, élus et notamment anciens maires, quand nous parlons des anciens combattants, nous pensons souvent aux vétérans des grandes guerres. Cela étant, je ne voudrais pas que l’on oublie les anciens combattants des Opex. Ces soldats nous adressent en effet beaucoup de demandes d’intervention. Ils veulent notamment savoir s’ils pourront bénéficier du statut d’ancien combattant.
La France a laissé des morts et beaucoup de blessés sur ces théâtres d’opérations. L’examen de la présente mission budgétaire me permet d’attirer l’attention du Gouvernement sur ces soldats qui, sur plusieurs continents, continuent de nous représenter en défendant nos libertés et nos valeurs. Il ne faut les oublier ni maintenant ni dans l’avenir. Le budget que nous allons voter aujourd’hui est aussi le garant de la reconnaissance qui leur sera réservée demain.
Monsieur Cambon, je tiens à vous rassurer : pourra être reconnu ancien combattant tout soldat qui aura passé 120 jours au combat, y compris en opération extérieure. Dès lors, les intéressés auront droit à la carte du combattant et à tous les avantages associés au statut d’ancien combattant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour en revenir à aux amendements identiques, j’ai été moi-même députée et j’ai vu des amendements similaires revenir à l’Assemblée nationale au cours des cinq années précédentes : ils sont toujours déposés à la demande de M. Amorich.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous le répète : nous ne pouvons pas vous donner toutes les informations dans cet hémicycle, mais les conseillers de mon cabinet sont à votre disposition pour vous fournir les explications nécessaires, en particulier pour ce qui concerne les quatre personnes n’ayant pas droit à ces dispositions, puisqu’elles ne sont pas reconnues anciens combattants.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-5 et II-566.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les articles 41 et 41 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
L’article L. 113-13 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, quelle que soit la date de l’acte de terrorisme dont elles ont été victimes » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
Adopté.
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions dans lesquelles l’État, au travers de son opérateur, l’Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
L’amendement n° II-6, présenté par M. Laménie, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
L’article 41 bis prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur les conditions dans lesquelles l’État, au travers de son opérateur, l’ONACVG, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
Or cette information est déjà rendue publique par cet office, via son rapport annuel, et il serait toujours loisible aux parlementaires de demander tout complément d’information par le biais des questionnaires budgétaires.
Aussi, nous proposons de revenir sur cette demande de rapport en supprimant l’article.
Cela étant, la commission des finances reste fidèle à son esprit d’ouverture. Un autre amendement ayant été déposé sur l’article 41 bis, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement à cet égard.
Monsieur le rapporteur spécial, votre amendement tend à supprimer l’article 41 bis, qui prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur les conditions dans lesquelles l’État, via l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
Comme vous le savez, cet article résulte d’un amendement parlementaire que le Gouvernement a accepté d’inclure dans le texte considéré comme adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, en vertu de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Vous faites référence au rapport annuel de l’ONACVG. Mais, parmi tous les pupilles de la Nation, ce document ne distingue pas les orphelins de guerre dans les bilans globaux des interventions. Le rapport que le Gouvernement a accepté de remettre au Parlement apportera donc une information complémentaire. Il permettra d’éclairer les parlementaires sur un sujet qui nourrit des demandes récurrentes depuis plusieurs années. À mon sens, nous pouvons tous souscrire à un tel objectif.
De plus, par le biais de courriers, de questions écrites ou encore d’amendements, l’on m’interroge très souvent quant aux conditions d’accompagnement par l’État des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre. Il me paraît donc nécessaire de mesurer l’efficacité du dispositif. J’y insiste, c’est précisément ce que permet le rapport demandé à l’Assemblée nationale.
En conséquence, je vous propose de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Madame la secrétaire d’État, nous restons bien entendu ouverts à la discussion, d’autant qu’il y a un autre amendement ensuite.
Nous en sommes tous conscients ici : tous les sujets sont importants et méritent notre respect. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour remercier toutes les personnes présentes dans cet hémicycle pour l’examen de cette mission, à la valeur hautement symbolique.
Sous l’autorité de M. le rapporteur général, et tout en saluant M. Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que M. Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui nous font l’honneur de leur présence et que je remercie de leur soutien, je retire cet amendement, madame la présidente.
Le Gouvernement ferait bien de s’inspirer de la bienveillance de M. le rapporteur spécial !
L’amendement n° II-6 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez eu raison de retirer votre amendement.
En revanche, madame la secrétaire d’État, ce rapport, il faut que nous l’ayons. Si nous avons tendance à supprimer les demandes de rapport au Sénat, c’est parce qu’en général, nous ne les recevons jamais… Or beaucoup de questions nous sont posées sur le sujet. J’ai notamment été interpellée sur le fait que les fils d’anciens combattants disparus sont des pupilles de la Nation, alors que les fils de résistants décédés ou tués lors d’une opération ne sont pas considérés comme tels.
Un véritable travail reste à accomplir en la matière. Encore faut-il que le rapport nous soit remis.
L’amendement n° II-565 rectifié, présenté par Mme Schillinger, MM. Haye, Gattolin, Hassani, Iacovelli, Lévrier, Rambaud, Patient, Rohfritsch, Dagbert, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, M. Dennemont, Mmes Duranton et Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Marchand et Mohamed Soilihi, Mme Phinera-Horth, MM. Richard, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport prévoit un chapitre consacré à la situation spécifique des orphelins des incorporés de force pendant l’occupation des territoires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
La parole est à M. André Gattolin.
Monsieur le rapporteur spécial, je salue votre décision ; je connais votre intérêt approfondi pour les questions mémorielles.
Ce n’est pas une demande de rapport pour le plaisir. Il s’agit de préciser, de dénombrer.
La situation évolue. Les survivants de la Seconde Guerre mondiale sont en train de disparaître. Une nouvelle génération d’anciens combattants apparaît, avec, par conséquent, de nouveaux pupilles de la Nation. Il est donc important d’avoir un état des lieux et une mesure permanente.
C’est d’ailleurs le sens de l’amendement que je présente avec certains collègues alsaciens de mon groupe. Nous proposons de consacrer un chapitre aux « malgré-nous » au sein du rapport demandé au Gouvernement.
Le grand historien Pascal Ory, spécialiste de la période, explique que l’occupation allemande de l’Alsace et de la Moselle, entre 1939 et 1945, a été si violente qu’elle a, paradoxalement, davantage contribué à la pleine intégration de cette région au sein de la pleine culture et intégrité nationales françaises que des siècles de tentatives en ce sens.
Ainsi, plus de 113 000 Alsaciens et 31 000 Mosellans ont été enrôlés de force de 1939 à 1945, surtout à partir de 1942. Il est indispensable, à la suite de la reconnaissance engagée par le général de Gaulle en 1963, des malgré-nous – ces personnes forcées de combattre contre la France dans l’armée de l’Allemagne nazie –, de reconnaître pleinement leurs droits et de connaître leur nombre exact.
Tel est le sens de cette demande d’ajout, qui rendra ce rapport encore plus utile.
Je vous invite donc à approuver notre amendement n° II-565 rectifié.
Comme nous pouvons évoluer positivement, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Avis évidemment favorable.
Il manquait dans ce rapport des précisions sur les orphelins des habitants des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle incorporés de force par l’armée allemande. Ces derniers peuvent se voir attribuer la qualité de pupille de la Nation si la mention « Mort pour la France » a été apposée sur l’acte de décès de leur parent.
En outre, leur sort spécifique justifie qu’une attention distincte soit portée à leur situation.
Il paraît donc pleinement justifié de leur consacrer un chapitre dans le rapport sur les conditions dans lesquelles l’État, au travers de son opérateur, l’Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 41 bis est adopté.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d ’ État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir adopté ce budget si important pour nos anciens combattants, au regard du sacrifice qu’ils ont accompli pour la Nation.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 41 quater et 41 quinquies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances pour la mission « Culture » s’élève à plus de 3, 7 milliards d’euros, soit une progression dépassant 7 %. Celle-ci est supérieure à l’hypothèse d’inflation retenue voilà quelques semaines pour 2023 dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui devrait cependant rapidement être remise en cause si l’on observe le niveau d’inflation déjà constaté et les perspectives à court terme.
J’aborderai dans un premier temps le programme 131, « Création », dont la dotation, majorée de 10 %, dépasse 1 milliard d’euros. Cette progression des crédits peut être saluée en première analyse, dans un contexte de reprise délicate de l’activité culturelle. Cependant, elle ne lève pas toutes les inquiétudes de l’ensemble du secteur, confronté à un effet ciseaux entre, d’un côté, le redémarrage progressif, mais lent, de l’activité et, d’un autre, la hausse du coût des dépenses contraintes, notamment énergétiques.
Pour les opérateurs de l’État, ces surcoûts ne seront pas intégralement compensés par la loi de finances, ce qui devrait induire une réduction des marges artistiques de 30 % en 2023 et de 50 % en 2024. La fermeture de certains opérateurs à la rentrée 2023 est malheureusement une hypothèse crédible, faute de pouvoir produire certains spectacles.
De plus, la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 constitue une source supplémentaire d’anxiété, car la probabilité d’annulations de festivals et de concerts est renforcée, en raison du manque de forces de l’ordre et de sociétés privées pour en assurer la sécurité.
Je relève en outre que l’action du ministère dans le domaine de la création peut paraître brouillée. La multiplication des objectifs assignés – seize sous-actions pour les actions n° 01 et 02 – et le recours soutenu à la labellisation fragilisent en effet sa lisibilité. J’observe par ailleurs le caractère résiduel, pour ne pas dire marginal, qu’elle peut revêtir dans les territoires, où elle se résume à un financement complémentaire des politiques territoriales.
Pour conclure sur ce programme, je m’attarderai sur deux mesures.
La première porte sur la poursuite du programme de commande publique « Mondes nouveaux », mis en place dans le cadre du plan de relance. Ainsi, 10 millions d’euros seront dédiés à ce dispositif, qui vise notamment à faire entrer la culture dans des zones où elle n’est plus assez présente : les espaces ruraux, les périphéries urbaines ou encore les cœurs de ville dégradés. Il conviendra d’être vigilant sur la réalité de l’accompagnement des artistes, de la complémentarité du dispositif avec le « 1 % artistique » et sur le droit de suite que le ministère doit avoir sur les œuvres ainsi financées, notamment dans le domaine des arts visuels.
La deuxième mesure concerne les quelque 12, 7 millions d’euros qui abondent le soutien à l’emploi, dont 7 millions d’euros sont fléchés vers le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Cette progression des crédits s’inscrit dans une trajectoire haussière révélatrice d’une sous-budgétisation constante depuis 2019. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur la fiabilité de la prévision budgétaire pour 2023.
Je me concentrerai à présent sur le programme 175, « Patrimoines », qui devrait être doté de 1, 1 milliard d’euros en 2023, soit une progression de plus de 7 % par rapport à 2022.
Ce financement est complété par des soutiens hors budget, qui mobilisent nos concitoyens : les dons pour Notre-Dame de Paris, dont le montant, qui s’élève à 849 millions d’euros, devrait dépasser le coût des travaux, estimé à quelque 703 millions d’euros ; le loto du patrimoine, pour lequel le ministère dégèle la réserve de précaution chaque année. Ce jeu, comme l’augmentation prévue des crédits du fonds incitatif et partenarial, vient d’ailleurs compenser la tendance à la baisse des crédits déconcentrés.
Près de la moitié de la progression des crédits dédiés au programme 175 relèvent de mesures destinées à tenir compte de l’inflation et de la hausse des coûts. Sur les 37, 4 millions d’euros dédiés à cet objectif, deux tiers environ sont fléchés vers les opérateurs. La majoration des coûts est déjà constatée dans plusieurs chantiers encadrés par l’État.
En ce qui concerne les chantiers, justement, nous avons noté que l’année 2023 devrait être marquée par l’ouverture de la cité de la francophonie à Villers-Cotterêts. Le coût du chantier était initialement évalué à 185 millions d’euros, avant d’être porté à 209 millions d’euros. Sa réalisation n’a d’ailleurs été permise que par la mise en place du plan de relance.
Cette expérience coûteuse doit servir de point cardinal dans la réflexion à mener sur d’autres grandes opérations d’investissement. Je pense en particulier à l’aménagement du site de Clairvaux, doté de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2023, ce qui représente un début assez modeste – chacun pourra en convenir – au regard du coût global de l’opération.
Au-delà de la hausse des dépenses contraintes, nous relevons une hausse importante des prix d’acquisitions des œuvres les plus importantes qui ont vocation à enrichir les collections publiques. Les prix d’adjudication dans les ventes aux enchères s’établissent désormais très régulièrement à des niveaux quatre à dix fois supérieurs, voire davantage à ceux des estimations.
Enfin, si la reprise de la fréquentation des établissements recevant du public dédiés au patrimoine a été plus importante que prévu en 2022, l’horizon ne semble pas pour autant totalement dégagé en raison de plusieurs incertitudes : l’effet de l’inflation sur les dépenses culturelles, l’absence de retour de certaines clientèles, notamment les touristes chinois, et la perspective de leur fermeture le temps des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.
Mon collègue rapporteur spécial Didier Rambaud présentera dans quelques instants les crédits des programmes 224 et 361.
Applaudissements sur des travées du groupe SER et au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.
M. Julien Bargeton applaudit.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une majoration de la dotation du programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », d’environ 6, 5 % en crédits de paiement en plus par rapport à 2022. Les crédits devraient ainsi atteindre environ 800 millions d’euros.
Les moyens financiers dédiés aux établissements d’enseignement supérieur culturel et à l’insertion professionnelle devraient progresser de 32 millions d’euros en crédits de paiement, afin de répondre à quatre objectifs : la réévaluation des bourses sur critères sociaux ; le renforcement des subventions de fonctionnement et d’investissement des écoles d’art et d’architecture ; la mise en œuvre des grands projets d’investissements de ces mêmes écoles ; enfin, le soutien aux établissements territoriaux d’enseignement supérieur, qui cible notamment le statut des enseignants au sein de ces écoles.
Une question demeure sur la dynamique baissière du taux d’insertion professionnelle des étudiants issus du domaine du spectacle vivant. Afin de répondre à ce défi, il convient de mettre en place un véritable accompagnement, en déclinant le modèle du Jeune Théâtre national (JTN), associé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et au Théâtre national de Strasbourg, qui organise des rencontres et des auditions, prend en charge une partie des jeunes artistes engagés à la suite de celles-ci, programme des maquettes de premiers spectacles et élabore un annuaire des artistes issus des onze écoles nationales d’art dramatique.
Par ailleurs, 13 millions d’euros sont fléchés vers des investissements structurants au sein des écoles de la création et du patrimoine. Cet apport doit être salué. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de rappeler l’importance des restes à payer des chantiers couverts par le programme 361.
J’en viens maintenant à un dispositif auquel je suis attaché : le pass Culture. Déployé dans toute la France depuis mai 2021 et étendu en 2022 aux jeunes de 15 ans et plus, ainsi qu’aux élèves à partir de la quatrième, le pass Culture sera ouvert aux jeunes de sixième et cinquième en 2023.
De plus, quelque 208, 5 millions d’euros sont prévus en 2023 pour financer le dispositif, qui est aujourd’hui, rappelons-le, le deuxième opérateur du ministère de la culture, après la Bibliothèque nationale de France. Plus de 2, 1 millions de jeunes sont actuellement inscrits sur l’application, et 14 millions de réservations de produits culturels ont été opérées via le pass, pour un montant total de 235 millions d’euros. Concrètement, 87 % des jeunes concernés ont acquis un bien culturel par cet intermédiaire.
Le pass Culture est un dispositif qui, à mes yeux, est pertinent, et je continuerai de le soutenir !
Madame la ministre, je reste toutefois attentif à sa mise en œuvre, comme vous le savez, pour que son efficacité puisse être améliorée. Le pass ne peut pas se résumer à une simple plateforme d’achats de biens et de services ; il doit être éditorialisé en vue de mettre en place un véritable parcours culturel.
Lors des prochains mois, nous allons vérifier avec mon collègue Vincent Éblé que le pass ne sert pas au financement d’achats liés au parcours scolaire. Nous allons également veiller à ce qu’il contribue à faire évoluer les pratiques culturelles. L’accent pourrait ainsi être mis sur l’accès au spectacle vivant, par exemple.
J’en profite également pour tordre le cou à quelques rumeurs qui circulent actuellement : non, le pass Culture n’est pas éligible aux parcs de loisirs !
Pour en revenir aux pistes d’amélioration du pass Culture, nous devons, je le crois, renforcer l’accès des jeunes non scolarisés à celui-ci. Seuls 3, 7 % des inscrits sur l’application ont déclaré ne pas être scolarisés. Or ce ratio est plus faible que le taux de jeunes non scolarisés par rapport l’ensemble de la population visée.
N’oublions pas les zones rurales et périurbaines, où l’offre culturelle n’est – hélas ! – pas la même et où des questions liées à la mobilité se posent ; j’ai eu l’occasion de vous le dire.
En tout état de cause, le pass Culture ne doit pas résumer l’effort de l’État en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Autrement dit, la montée en charge budgétaire de l’application ne doit pas s’effectuer au détriment des moyens qui lui sont traditionnellement dédiés. Nous ne pouvons que déplorer le fait que les indicateurs rattachés au programme mettent d’ailleurs en avant une réduction de la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d’une action d’éducation artistique et culturelle, ainsi qu’une baisse de l’effort en faveur des territoires prioritaires.
Je reviendrai enfin sur le programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture », qui devrait être doté d’environ 810 millions d’euros en 2023. À l’instar de l’exercice précédent, la masse salariale du ministère devrait croître en 2023 et ainsi atteindre 516 millions d’euros. Il convient de noter que 67 % de cette progression résulte de mesures catégorielles, comme le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel, qui doit permettre de renforcer l’attractivité du ministère de la culture et d’éviter des vacances de postes prolongées.
Le projet immobilier Camus, lancé en 2019, qui prévoit la rénovation des locaux et l’aménagement de nouveaux bureaux au sein du ministère de la culture, devrait, en 2023, passer de sept à trois sites. Initialement établi à 36, 6 millions d’euros, le budget prévisionnel, après avoir été actualisé en 2022, est désormais porté à 55, 43 millions d’euros.
Pour l’exercice 2023, la dotation numérique du ministère devrait continuer de progresser : 26, 52 millions d’euros seront ainsi dédiés au renforcement de la transformation numérique et de la cybersécurité et à la mise en place d’outils permettant de renforcer et de fiabiliser le suivi économique de l’activité des secteurs qu’il subventionne, en ciblant notamment la fréquentation au sein des opérateurs ou la dynamique du spectacle vivant.
La mise en place de ces systèmes d’information devrait contribuer à faciliter la gestion des crédits dédiés aux établissements subventionnés et permettre une meilleure prévision budgétaire.
Cela étant, compte tenu des moyens supplémentaires dédiés à la culture, que je souligne une nouvelle fois, la commission des finances a décidé d’approuver les crédits de la mission « Culture ».
M. Julien Bargeton applaudit.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le monde du patrimoine appréhendait le niveau des crédits en 2023 après les aides exceptionnelles dont il a bénéficié pendant la crise sanitaire. Nous sommes satisfaits de constater que l’État maintient son effort, tant ce secteur nécessite des investissements qui s’accommodent mal d’un financement par à-coups.
Le niveau de l’inflation reste néanmoins un motif d’inquiétude, tant pour les musées que pour la poursuite des chantiers de restauration, car le budget pour 2023 n’en compense que partiellement les effets.
À cet égard, la commission de la culture regrette que les crédits destinés à la restauration des monuments historiques ou à la rénovation des équipements patrimoniaux des collectivités territoriales ne soient pas revalorisés, à l’exception du fonds incitatif et partenarial. Compte tenu de l’effet ciseaux auquel les collectivités sont confrontées et des problèmes d’ingénierie qu’elles rencontrent, il aurait été utile qu’elles soient davantage accompagnées.
Madame la ministre, nous souhaitons vous interpeller sur la situation préoccupante des effectifs des services déconcentrés chargés du patrimoine. Elle ne leur permet plus d’assurer correctement leur mission de conseil et d’expertise auprès des collectivités territoriales et des propriétaires privés. Il est urgent de recruter et de revaloriser l’attractivité de ces postes.
Nous sommes également préoccupés par le faible niveau des crédits alloués à l’architecture et aux sites patrimoniaux remarquables (SPR) face aux enjeux de régénération des centres anciens et de transition écologique et énergétique.
Il ne faudrait pas que le patrimoine soit la victime collatérale de ces politiques, faute d’avoir vu suffisamment tôt à quel point il constituait un levier aussi bien pour la revitalisation que pour la sobriété énergétique. Nous sommes convaincus que la réhabilitation du bâti ancien, constitue, sur le plan du développement durable, l’avenir de la construction.
Madame la ministre, parmi vos priorités figure à juste titre la transition énergétique de votre ministère. Si nous saluons les efforts destinés à améliorer les performances des bâtiments des opérateurs, nous pensons que votre action doit aller plus loin, dans la mesure où il est aujourd’hui avéré que la transition telle qu’elle est amorcée va affecter la pérennité de tout le patrimoine dont votre ministère est pourtant chargé d’assurer la préservation.
Madame la ministre, les dispositions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, vont entraîner ni plus ni moins la disparition des caractéristiques architecturales françaises, car ni les nouvelles modalités de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) ni les solutions de rénovation thermique préconisées ne sont adaptées au bâti d’avant 1948.
Sans vouloir soustraire le patrimoine aux impératifs de transition écologique, nous sollicitons votre intervention pour que les travaux de rénovation énergétique ne se traduisent ni par la perte du patrimoine ni par celle du savoir-faire de notre pays et encore moins par un gaspillage d’argent public.
Il est urgent d’engager un travail interministériel pour mieux concilier la préservation du bâti ancien et la transition écologique.
Nous avons identifié dans notre avis budgétaire plusieurs leviers d’action. Madame la ministre, nous espérons vraiment pouvoir compter sur votre engagement pour les mettre en œuvre très rapidement, car de nombreuses maisons, partout en France, ont déjà fait les frais de ce malentendu réglementaire.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la nouvelle progression des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » constitue évidemment un réel soulagement.
Madame la ministre, nous vous remercions d’être parvenue à convaincre l’ensemble du Gouvernement que le secteur culturel devait rester une priorité en 2023.
Le secteur de la création a encore besoin d’être accompagné. Si les collectivités publiques l’ont très largement soutenu pendant la crise sanitaire, sa situation demeure fragile. Il faut dire qu’il est affecté depuis sept ans par des crises successives : d’abord, les attentats de 2015 ; ensuite, la pandémie de covid-19 ; enfin, la hausse des prix de l’énergie.
Malheureusement, aucune de ces crises n’est encore véritablement surmontée : la vague d’attentats s’est traduite par un relèvement durable et considérable des coûts de sécurité des établissements ; les effets de la crise sanitaire restent encore très tangibles, aussi bien en matière de fréquentation que de recrutement, avec une véritable crise des vocations observable dans l’ensemble des différents emplois. À cela s’ajoutent les changements profonds des comportements des publics, qui mettent de plus en plus à mal les modèles économiques traditionnels des établissements publics comme privés.
Dans ce contexte, nous comprenons que la crise énergétique et l’inflation généralisée cristallisent les inquiétudes, puisqu’elles affectent non seulement les dépenses des établissements, mais également leurs recettes. Les Français réduisent leurs dépenses de loisirs, le mécénat est en baisse et les collectivités territoriales sont tentées de réduire leurs engagements financiers pour compenser la hausse de leurs dépenses.
Pour faire face à ces difficultés, nous vous savons gré d’avoir choisi de faire porter la priorité en 2023 sur l’emploi et sur le renforcement des marges artistiques des établissements. Leurs marges de manœuvre sont effectivement réduites et la hausse de leurs tarifs ou encore la révision à la baisse de leur programmation auraient des effets désastreux tant sur la fréquentation que sur la création.
Il reste néanmoins désormais à accompagner cet effort financier par un renforcement du dialogue entre votre ministère, les acteurs culturels et les collectivités territoriales. Il s’agit d’un besoin essentiel pour ce secteur, qui doit disposer de visibilité très en amont du fait des contraintes de leurs programmations. C’est vrai aussi pour les crédits d’impôt ; nous aurons l’occasion d’en débattre. L’affaire des possibles annulations de festivals en 2024 du fait des jeux Olympiques aurait pu être évitée si des concertations préalables étaient intervenues.
La commission de la culture est convaincue que le soutien à la création, à l’éducation artistique et culturelle et aux établissements d’enseignement passe par un meilleur dialogue et par le développement de nouvelles modalités de contractualisation avec les collectivités territoriales.
Nous avons ainsi émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Laurent Lafon applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Sonia de La Provôté.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une longue période chahutée que le monde de la culture traverse depuis trois ans. Si quelques éclaircies ont pu parcourir son ciel, les nuages s’amoncellent de nouveau et, avec eux, leur cortège d’inquiétudes.
En 2020, commençaient la crise sanitaire, les confinements, les restrictions et la cruelle sanction de ne pas faire partie des « essentiels ». Depuis, et parce qu’il a fallu qu’elle nous manque pour que cela soit enfin compris, la culture est considérée comme un bien vital.
Or la guerre aux portes de l’Europe, l’inflation, la crise climatique, le retour prudent et différent des publics, nous oblige à anticiper, de crainte que, de nouveau, des pans entiers de la vie culturelle nous quittent.
Les budgets examinés aujourd’hui sont pleinement concernés par ces crises, et nous saluons ici, le réel effort budgétaire accompli, madame la ministre. C’est un marqueur de la reconnaissance du rôle majeur joué par la culture dans cette bien rude période. Néanmoins, des inquiétudes demeurent, pour aujourd’hui comme pour demain. Comme cela a été souligné par nos deux rapporteures, Sylvie Robert et Sabine Drexler, nous savons tous que cette situation nécessitera à coup sûr un suivi budgétaire attentif pour réagir à temps via des projets de loi de finances rectificative.
De grands défis attendent votre ministère en 2023, qui affecteront aussi bien le programme 175, « Patrimoines », que le programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et le programme 131, « Création ».
Le principal défi est celui de la hausse de l’inflation et du coût de l’énergie. L’hypothèse de +4, 3 % est déjà caduque et la hausse des crédits, de 7 % pour le programme 361, de 7 % pour le programme 175 et de 10 % pour le programme 131, devrait en être atténuée d’autant.
Le soutien aux opérateurs est en progression. Mais l’estimation du surcoût énergétique le rend déjà bien insuffisant. Pour les établissements d’enseignement supérieur d’art, les conservatoires ou les écoles d’architecture, le constat est le même. En matière de patrimoine, en plus de ce surcoût, il faut faire face à une forte hausse du prix des matières premières utilisées dans les chantiers.
La réalité rattrape vite les établissements et les structures culturels. Elle s’impose à leurs arbitrages budgétaires et met ainsi en péril la programmation artistique, les horaires et les durées d’ouverture, le calendrier des créations, les tarifs et les délais des chantiers ; des annulations, des reports et des fermetures sont envisagés. À ces mesures extrêmes devra répondre un soutien extrême.
Par ailleurs, s’agissant du volet relatif aux ressources humaines, on constate, sur le terrain, le manque criant, au sein des festivals et des établissements culturels, de métiers – techniques, administratifs ou artistiques – indispensables à leur fonctionnement. Dans l’enseignement, le constat est le même. Les écoles d’architecture ont besoin de moyens supplémentaires, car des formations initiales et continues devront être mises en place pour répondre aux défis de la mise aux normes énergétiques.
Dans les directions régionales des affaires culturelles (Drac), le déficit d’attractivité est mis en exergue. Ainsi, des postes sont vacants dans le secteur du patrimoine. Par exemple, sur douze postes ouverts à la sortie de l’école de Chaillot, seuls quatre sont pourvus. Le recours aux contractuels ne pallie pas les manques.
À cette crise de la ressource en matière de professionnels s’ajoute celle qui est liée au coût des revalorisations salariales dues à l’inflation. Le ministère fait un réel effort pour compenser, quel que soit le secteur. Mais tout l’écosystème culturel, dans sa très grande diversité de statuts et de métiers, n’en bénéficiera pas : les collectivités et les acteurs privés sont eux aussi concernés. Les arbitrages ne vont pas toujours vers la compensation, et l’offre culturelle dans sa diversité en est fragilisée.
Outre ces deux sujets, madame la ministre, trois autres nous alertent.
Le premier concerne l’éducation artistique et culturelle et le rôle du pass Culture.
En ces temps où les choix budgétaires sont complexes, on ne peut que s’étonner du montant de ce dispositif, qui représente 25 % du programme 361. Cela détonne singulièrement avec la sobriété budgétaire qui s’impose aux acteurs de la culture ! La société par actions simplifiée (SAS) pass Culture ne connaît pas la crise…
Ensuite, si la part collective est une avancée pour faciliter l’accès à des actions culturelles dans les établissements scolaires du second degré, elle interroge sur son usage et sa mise en œuvre.
En matière d’éducation artistique et culturelle (EAC), le pass a une logique d’offre, à laquelle les établissements répondent : on crée la demande alors que l’EAC est avant tout un projet, une médiation vers la culture. C’est pourtant cette médiation, entre enseignants, élèves, structures, créateurs et collectivités, construite dans le temps, qui fait la réussite de l’EAC.
La labellisation proposée tend à exclure certaines actions ou artistes et à diminuer les interactions avec les collectivités. La simplification à l’extrême du process de commande confine à une ubérisation de l’EAC.
Nous ne souhaitons pas que celle-ci se résume au pass Culture, la transformant en un système d’achat dans une boutique d’actions, d’artistes et d’événements.
Le deuxième point concerne les festivals.
Ces derniers subissent une difficile loi des séries : la crise sanitaire, la crise énergétique, les surcoûts de programmation, la crise climatique, et maintenant la menace d’annulation ou de décalage liés aux jeux Olympiques (JO). À tout cela s’ajoute le retour hésitant du public.
Le « fonds festivals » ne suffira pas. Les organisateurs attendent enfin la nomination d’un référent au ministère et de référents dans les Drac. Ils entendent être défendus lors de tous les arbitrages à rendre qui les concernent.
Si les festivals les plus grands et les plus solides parviennent, non sans difficultés, à tenir, tous les autres sont en danger. Or, par leur nombre, leur diversité et leur présence dans tous les territoires, ils sont des moteurs de la vie culturelle, singulièrement durant la période estivale.
Les JO sont évidemment un rendez-vous exceptionnel et une fierté pour notre pays, mais les festivals ne doivent pas en être la victime désignée à cause d’un manque de moyens logistiques ou de compétences phagocytées par ce grand événement.
Enfin, le troisième point concerne la situation du patrimoine, confronté à l’arrivée du DPE. Si la transition écologique et l’amélioration énergétique du bâti sont des nécessités, cela ne doit ni nuire au patrimoine ni détériorer la qualité de nos communes.
En écho à l’intervention de notre rapporteur pour avis Sabine Drexler, je ne peux que vous alerter sur ce qui se passe en ce moment. Le DPE suit des règles inadaptées au bâti conçu avant 1949 ; il est lui-même délétère. Nul besoin d’être spécialiste pour comprendre que l’isolation par l’extérieur sur un bâti ancien en pierre ou un torchis, par exemple, est une erreur technique ! C’est aussi une faute vis-à-vis de l’identité de nos villes et villages, car cela efface les particularismes locaux et nuit à la qualité du cadre de vie.
Il y a donc urgence à faire évoluer les critères vers du bon sens. La machine à défigurer par un enlaidissement systémique est en marche.
Pour conclure, madame la ministre, vous l’avez compris : dans ces moments où tout confine à l’urgence, où il est nécessaire de faire des choix et de dégager des priorités, où le temps du dialogue est vite raccourci, voire inexistant, le ministère de la culture doit être fort. Sa voix doit être entendue et ses propositions retenues, que son interlocuteur soit un autre ministère, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) ou encore l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Trop nombreuses sont les annonces ou décisions où la culture et le patrimoine sont concernés et où le sentiment est pourtant donné que le ministère n’est que peu consulté !
Madame la ministre, le groupe UC votera favorablement ce budget, mais, parce que nous soutenons ardemment la culture et le patrimoine, et parce que l’essentiel est bien là, il veut témoigner ici de sa vigilance et de ses inquiétudes.
Préservons la poésie de notre pays ! Le patrimoine et les paysages en sont l’écrin ; la culture est l’air que l’on y respire.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, défendre le budget de la culture pourrait seulement consister à relever ses externalités positives sur l’économie, en particulier touristique, et son rôle social. En réalité, l’État doit se comporter en promoteur, sans attendre l’exacte contrepartie comptable de son investissement.
Notre pays a la responsabilité de soutenir la culture, qui fait tout simplement partie de notre système de valeurs républicaines. Elle nous oblige. Elle est l’expression de la liberté, selon une formule kantienne. En cela, si j’ose dire, la culture est, par essence, essentielle.
À ce titre, elle a d’ailleurs trouvé sa place dans le plan de relance, qui a permis à nos acteurs et aux institutions du monde culturel de traverser la crise liée à la pandémie de covid-19.
Je salue cet effort et sa pérennisation à travers le programme de commandes publiques « Mondes nouveaux », qui se poursuivra avec un premier soutien de 10 millions d’euros en 2023 en direction du spectacle vivant et des arts visuels.
J’en profite pour rappeler que notre amendement de bonification du crédit d’impôt pour le spectacle vivant a été adopté en première partie du projet de loi de finances. Nous espérons qu’il survivra à la navette parlementaire, madame la ministre.
En attendant, mes chers collègues, la culture devra affronter d’autres difficultés. Je pense bien entendu au coût de l’énergie, ainsi qu’à la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui pourrait les contraindre à sacrifier les activités culturelles.
En outre, la question des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est un sujet d’inquiétude, madame la ministre. Le monde culturel attend des réponses, car certains de ses acteurs ont besoin de se projeter dans le temps, pour des raisons évidentes de programmation.
Pour faire face à tout cela, le projet de loi de finances pour 2023 affiche une progression globale d’environ 7 % des crédits de la mission « Culture ». C’est un effort significatif, mais l’action publique doit respecter l’objectif d’équité. La culture, c’est pour tous et sur tous les territoires.
À cet égard, je souhaite tout d’abord évoquer la question du patrimoine, qui est un levier essentiel du dynamisme local et, surtout, un marqueur fort de l’identité de nos villes, départements ou régions. Les crédits du programme 175 augmenteront de 7, 5 % en 2023. C’est une bonne chose, mais ce programme ne reflète pas l’ensemble de l’effort de l’État en faveur du patrimoine.
J’ajoute qu’il est fortement concentré sur les monuments historiques et les musées. Par conséquent, il n’est pas inutile de souligner l’action très volontaire des collectivités locales. Selon la Cour des comptes, ces dernières investissent en moyenne chaque année, 650 millions d’euros en direction du patrimoine, avec un regard appuyé sur le petit patrimoine de proximité, qui est aussi essentiel.
Mais tous les moyens réunis, y compris ceux de la fondation du patrimoine et de la mission Bern, dont le fameux loto, suffiront-ils à couvrir les défis auxquels est confronté notre patrimoine ?
Le renchérissement des chantiers de restauration et la nécessité d’accélérer la transition énergétique sont deux enjeux imminents. Le premier va clairement oblitérer une partie de la hausse des crédits budgétaires.
J’en viens à la transition énergétique. Il convient d’éviter de renvoyer dos à dos patrimoine et développement durable. Dans les deux cas, il s’agit de conserver notre héritage.
Aujourd’hui, nous disposons des outils technologiques pour concilier les mesures de protection du patrimoine et les objectifs du développement durable.
Il faudra évidemment bien former les architectes. Pour cela, les moyens déconcentrés de l’État destinés au patrimoine doivent être à la hauteur. Or ils sont actuellement très contraints.
Je souhaite à présent aborder la démocratisation de la culture.
L’égal accès à la culture est un objectif de la politique publique du ministère, à travers le programme 361.
Dans ce cadre, le pass Culture focalise beaucoup l’attention, pour ne pas dire les crédits, puisqu’il absorbe jusqu’à 25 % du programme. Je me réjouis de sa montée en puissance et de son ouverture à de nouvelles classes d’âge. Mais je m’interroge également sur le fait que le spectacle vivant et les musées recueillent une bien moindre attention.
Il y a donc un effort à faire pour inciter les jeunes à plus de diversité dans leurs pratiques culturelles. Il faut, comme l’avait rappelé André Malraux en 1966, « faire ce que la IIIe République avait réalisé, dans sa volonté républicaine, pour l’enseignement ; il s’agit de faire en sorte que chaque enfant de France puisse avoir droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma, etc., comme il a droit à l’alphabet. »
Dans cette perspective, il me semblerait souhaitable que nous ne négligions pas les autres volets du programme, dont les actions plus traditionnelles d’éducation artistique et culturelle.
Mes chers collègues, je le répète, parce que la culture est au cœur de notre projet républicain, elle doit toujours être soutenue. Le groupe RDSE approuvera donc les crédits de la mission.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi de finances vient le temps des promesses. Celui de 2023 n’échappe pas à la règle.
Les moyens de la mission « Culture » sont abondés de 250 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 7, 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Il s’agit évidemment d’un motif de satisfaction, et nous aurions tort de considérer cet effort budgétaire comme négligeable. Mais est-il pour autant suffisant ? Je n’en suis pas certaine.
Tous ceux qui sont investis de la mission essentielle qui consiste à préserver le patrimoine, à favoriser l’acte de création et à promouvoir la culture pour tous s’alarment de l’augmentation exponentielle des coûts énergétiques. La filière du spectacle et le patrimoine sont particulièrement impactés.
Certes, l’État est intervenu puissamment, dans un passé récent, afin d’aider le monde de la culture à faire face aux conséquences de la crise sanitaire par un certain nombre de mesures transversales.
Le ministère de la culture a, pour sa part, apporté une réponse forte et singulière, qu’il faut saluer et qui se prolongera en 2023, afin notamment de permettre aux structures de surmonter les difficultés actuelles. Mais l’augmentation des crédits apparaît d’ores et déjà absorbée par l’inflation.
Chaque programme de la mission bénéficie d’un abondement par rapport à l’an dernier.
Le programme 175, consacré aux patrimoines, finance, comme vous le savez, les politiques de préservation et d’enrichissement du patrimoine culturel français.
Dans ce cadre est prévu l’accroissement des moyens alloués au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier, le renforcement du plan de sécurité des cathédrales, et un soutien renforcé à la politique d’archéologie préventive. Ce sont des propositions que nous pouvons approuver.
L’action de l’État se traduira également par un investissement accru dans la rénovation et la modernisation des établissements culturels, avec notamment l’augmentation de 3 millions d’euros de la subvention d’investissement du Centre des monuments nationaux (CMN) ou le renforcement des capacités d’investissement du musée d’Orsay, avec 1, 5 million d’euros supplémentaires. Je m’en réjouis à titre personnel.
La création, à travers le programme 131, bénéficie d’une attention particulière avec l’ambition de soutenir l’emploi artistique et les artistes auteurs. Près de 13 millions d’euros sont consacrés à cette action. Je veux aussi souligner le renforcement des moyens alloués aux opérateurs de la création et la poursuite des projets d’investissements ambitieux dans les institutions emblématiques de ce secteur, à hauteur de 13, 5 millions d’euros.
Enfin, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, qui doivent être au cœur de notre pacte républicain, bénéficient elles aussi d’un soutien renouvelé.
Le pass Culture a désormais trouvé son rythme de croisière, et il est essentiel que chaque jeune, collégien ou lycéen, puisse bénéficier d’une offre diversifiée sur l’ensemble du territoire. L’effort en faveur de ce dispositif ne doit cependant pas se traduire par la diminution concomitante des moyens alloués aux territoires prioritaires et à l’éducation artistique et culturelle. Or tel ne semble pas être le cas concernant cette dernière.
À ce jour, l’EAC recouvre des réalités très hétérogènes par les formes qu’elle revêt, la pluralité des acteurs impliqués et la diversité des territoires où elle se déploie. Parce qu’elle est indispensable à la démocratisation de la culture et renforce l’égalité des chances, elle doit être soutenue sans réserve.
Je suis par ailleurs heureuse de constater les efforts budgétaires destinés à améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur « Culture », son insertion dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.
Pour autant, des difficultés persistantes affectent la création.
Je pense au spectacle vivant privé, confronté à de fortes contraintes conjoncturelles, notamment la hausse généralisée des coûts, mais aussi des contraintes structurelles, avec des pénuries de main-d’œuvre récurrentes. Après deux années catastrophiques en termes d’activités et de recettes, l’année 2022 a été synonyme de reprise en demi-teinte.
L’équilibre économique des festivals est, quant à lui, particulièrement dégradé. C’est toute une filière qui s’interroge sur son avenir et son modèle de développement.
Dans ce contexte, il a été demandé, malheureusement sans succès, une prolongation du crédit d’impôt spectacle vivant.
Au-delà de ce crédit d’impôt, il sera judicieux et nécessaire de réfléchir au renforcement de la filière musicale et du Centre national de la musique (CNM). Cependant, je n’anticiperai pas sur les propositions que notre collègue Julien Bargeton pourrait être amené à formuler dans le cadre de la mission parlementaire que lui a confiée Mme la Première ministre.
Je ne veux pas conclure mon intervention sans exprimer un regret à propos des réserves du Gouvernement sur les crédits d’impôt destinés aux différentes filières de la culture, que j’ai défendus en séance voilà huit jours. En raison d’une orthodoxie budgétaire poussée à l’extrême, la plupart d’entre eux n’ont pu être prolongés, mettant à mal de nombreux acteurs.
Il s’agit d’un véritable sujet d’inquiétude, même si j’ai obtenu une avancée importante pour les éditeurs de services de vidéo à la demande. Avouez toutefois, madame la ministre, que c’est une bien maigre consolation !
Telles sont, brossées à grands traits, les réflexions que je souhaitais vous soumettre.
Compte tenu des mesures positives que comporte le budget de la mission « Culture », les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en sa faveur.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget du programme « Création » dépasse pour la première fois 1 milliard d’euros. C’est une excellente nouvelle, à l’image de la hausse de 7 % des crédits dédiés à la mission « Culture ». Les aides exceptionnelles arrivent à leur fin, mais plusieurs mesures fiscales sont pérennisées jusqu’à 2024, comme le crédit d’impôt pour les représentations théâtrales d’œuvres dramatiques.
La fréquentation moyenne des lieux de spectacle vivant et des arts visuels reste inférieure au niveau observé en 2019. Il est essentiel de consolider la reprise d’activité après la crise de la covid-19 et pendant la crise de l’énergie.
Je souligne les 10 millions d’euros destinés au dispositif « Mondes nouveaux », dont l’un des objectifs est de faciliter l’accès à la culture en milieu rural, ce qui nous importe à tous ici. Notre groupe est particulièrement attaché à la démocratisation de l’offre culturelle pour tous et partout.
Je rejoins en revanche les rapporteurs de la commission, qui alertent sur la multiplication des objectifs et des labels. Ce phénomène vient souvent brouiller l’action du ministère auprès des professionnels de la culture.
Nous devons également rester en alerte sur la possibilité d’annulations ou de reports de festivals et grands événements de la culture en 2024 du fait de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Les établissements publics dédiés au patrimoine nous alertent également sur leur probable fermeture pendant les jeux. Ces événements majeurs ne doivent pas causer une crispation de l’offre culturelle. Je sais que mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sont particulièrement mobilisés en ce sens.
Concernant les mesures en faveur de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, je souligne les 50 millions d’euros de mesures nouvelles, qui ciblent principalement la jeunesse. C’est une très bonne chose, car la jeunesse est notre priorité.
La revalorisation des subventions destinées aux écoles nationales est un point très positif : elle permettra de participer à la rénovation thermique des bâtiments. Il ne faut pas oublier les écoles d’art territoriales, qui nécessitent des mesures similaires. Les collectivités qui en sont les propriétaires n’ont en effet pas toujours les moyens d’engager d’importantes rénovations. C’est très important pour nos territoires, madame la ministre.
Je me réjouis de la progression du pass Culture, dont la dotation augmente de 9, 5 millions d’euros, pour atteindre 208, 5 millions d’euros pour 2023. Rien n’est plus précieux que d’offrir à nos jeunes les moyens d’assouvir leur curiosité en matière d’offre culturelle. Les élèves des classes de sixième et de cinquième, qui s’ajouteront à la liste des bénéficiaires en 2023, pourront en témoigner.
Le programme « Patrimoines » sera doté de 1, 10 milliard d’euros en crédits de paiement pour 2023, soit une augmentation de 7, 5 %. C’est considérable.
Parmi les derniers crédits de paiement qui restent du plan de relance, 10 millions d’euros sont destinés au plan cathédrales. Comme l’ont souligné les rapporteurs, le financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris provient quasi exclusivement du mécénat.
Cette situation, madame la ministre, m’amène à mentionner la reconversion du site de l’abbaye de Clairvaux, dans le département de l’Aube, dont je suis élue. Vous le savez, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé, et trois candidats ont été retenus ; ils sont encore en lice, dans le cadre d’un dialogue compétitif. L’État prend en charge une partie des travaux, avec 2 millions d’euros engagés dans le PLF pour 2023 pour restaurer le grand cloître, mais cet exemple nous appelle à réfléchir sur les moyens de mobiliser davantage les donateurs privés dans le cadre de la rénovation du patrimoine.
Aussi, j’ai défendu deux amendements concernant le financement de la culture dans le présent PLF ; ils n’ont malheureusement pas prospéré. Le premier visait à mobiliser l’épargne des Français par la création d’un livret C – C comme culture –, pour financer la création artistique et le patrimoine culturel en région. Le second tendait à lancer une souscription nationale, un peu sur le modèle de ce qui a été fait pour Notre-Dame, afin de soulager le coût des travaux engagés par l’État pour la reconversion de l’abbaye de Clairvaux. J’appelle de mes vœux une réflexion sur le sujet dans les prochains mois.
Enfin, je souligne l’urgence à soutenir la rénovation thermique des bâtiments du patrimoine, qui doivent bénéficier de l’engagement de l’État en faveur de la sobriété énergétique. Vous le savez, le coût de l’inaction en matière de transition écologique est astronomique. Et plus on attend, plus le coût est élevé. Les chantiers s’annoncent colossaux, mais essentiels.
Pour conclure, l’augmentation des crédits est bienvenue. Face aux défis, nombreux, j’appelle de mes vœux un engagement fort de la part du ministère de la culture, notamment pour réduire les inégalités territoriales en matière d’accès à l’offre culturelle et à la création. Nous devons également rester vigilants sur les conséquences de l’inflation et de la flambée des coûts de l’énergie sur les acteurs culturels les plus fragiles.
Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires accueille favorablement les crédits de la mission « Culture ».
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Culture » s’établit une nouvelle fois dans un contexte d’extrême fragilité d’un secteur en pleine convalescence.
La crise de la covid-19 a profondément bouleversé les pratiques et les fréquentations du public. Si les fermetures totales, les jauges et les débats entre activités essentielles et non essentielles sont aujourd’hui un mauvais souvenir, la fréquentation n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise. Elle a baissé de 15 % par rapport à 2019, que ce soit pour les musées ou les spectacles vivants ou les arts de la scène. Et ce chiffre n’est qu’une moyenne.
Des écosystèmes culturels déjà fragiles sont toujours en pleine incertitude. Les menaces que font peser les JO sur la saison culturelle 2024 n’aident pas à retrouver des perspectives rassurantes.
À cette situation déjà difficile est venue s’ajouter une autre crise, non plus sanitaire, mais énergétique et d’approvisionnement : l’explosion des coûts des factures d’électricité et de gaz, ainsi que des matériaux de construction impacte aussi très durement les équipements culturels et leurs opérateurs. Et là encore, les plus petits sont les plus exposés.
Face à cet état de crise multiple, il faut reconnaître que l’État a répondu présent. En témoignent les 2 milliards d’euros débloqués pour la culture durant le plan de relance, ainsi que les budgets successifs de la mission « Culture » à proprement parler, en constante augmentation. C’est d’ailleurs toujours le cas cette année, avec une augmentation de 7 % des crédits alloués.
Bien sûr, ce soutien est loin d’être parfait. On ne peut que regretter le fait que les efforts de relance soient plus importants sur le patrimoine que sur la création, l’absence de prise en compte de la relation systémique entre acteurs, surtout pour les petites structures associatives culturelles, ou encore la place de la rénovation énergétique, encore limitée dans les budgets.
Détaillons maintenant thème par thème les grandes composantes du budget.
J’évoquerai tout d’abord le patrimoine. Près de la moitié de l’augmentation du budget du programme 175 est due à la hausse des coûts et de l’inflation sur toute la chaîne de valeur culturelle. Il s’agit ainsi de financer des coûts en augmentation très forte pour les chantiers de plusieurs sites, comme les cathédrales de Soissons ou de Saint-Louis de Versailles, ainsi que des dépenses d’électricité, qui pourraient augmenter entre +128 % et +285 %, selon les estimations des rapporteurs.
Sur la création, l’effort, là aussi, est présent. Pour la première fois, le budget dépasse désormais la barre symbolique du milliard d’euros ; il faut le saluer. L’augmentation vise aussi bien à préserver les marges artistiques des opérateurs et des acteurs culturels face à l’inflation qu’à soutenir l’emploi via la revalorisation du Fonpeps, ou encore à financer plusieurs projets d’investissement et d’aménagement, comme ceux du Théâtre national de Chaillot ou de la Cité du Théâtre.
Vient enfin la transmission des savoirs, programme dont 25 % du budget est consacré au pass Culture, à hauteur de 208, 5 millions d’euros. Certes, cette politique du chèque, y compris dans la culture, n’est pas l’idéal. Le dispositif pourrait en effet être mieux ciblé, mieux accompagné. L’enveloppe pourrait aussi être plus importante. Mais tout ce qui concourt à l’éveil culturel de la jeunesse, à lui offrir un accès simple à la diversité culturelle du pays, même sans médiation, doit être salué.
Nous l’avons vu, dans chacun des programmes, la crise énergétique est une donnée majeure. Et puisque l’on parle de facture énergétique, il ne faut pas oublier les collectivités territoriales. Celles-ci représentent en effet 75 % de l’investissement public en direction de la culture : 9, 8 milliards d’euros en tout, contre 3, 5 milliards d’euros pour l’État. Or les directeurs des affaires culturelles des collectivités anticipent des cadrages budgétaires stricts pour l’exercice 2023 et redoutent une baisse du budget des collectivités dédié à la culture de 10 à 20 %. Cette situation fait craindre que le volet culturel ne soit une variable d’ajustement pour les collectivités si celles-ci ne sont pas suffisamment soutenues, en raison de la faible reprise du secteur et malgré les filets de sécurité et autres plans de soutien.
Voilà pourquoi nous vous proposerons par le biais d’un amendement de soutenir davantage les collectivités pour absorber l’augmentation des factures de leurs équipements culturels.
Nous ne nous contenterons pas de gérer la casse, puisque nous vous proposerons également d’aller plus loin dans la planification, ce que ne fait pas ce budget. Nous souhaitons l’émergence d’un fonds correctement doté pour enclencher enfin la rénovation énergétique des équipements culturels. Plusieurs acteurs culturels ont fait part de leur volonté de s’engager dans cette voie, et nous voyons, au-delà de l’aspect climatique, que la crise énergétique leur a donné raison. Nous soutiendrons naturellement leurs revendications.
Enfin, madame la ministre, je tiens ici à me faire le relais de plusieurs inquiétudes concernant la planification culturelle à long terme de l’État. Même s’il n’est formellement pas rattaché à cette mission, le plan France 2030 est aussi un levier stratégique culturel. Or on y voit beaucoup de références aux jetons non fongibles – les non fungible tokens (NFT) –, au métavers et à d’autres gadgets technoculturels qui, à l’heure où nous parlons, au-delà de l’effet bulle médiatique, se sont souvent révélés soit des arnaques grossières, soit des gouffres financiers sans fin, comme en témoigne aujourd’hui la situation de Meta, la firme mère de Facebook.
Madame la ministre, il y a mieux à faire, ne serait-ce que pour la musique. Nous en parlerons tout à l’heure, mais le soutien au CNM doit être renforcé, que ce soit par le biais d’une fiscalité affectée plus diversifiée ou par un soutien de l’État renforcé. Nous attendons ainsi les conclusions de la mission confiée à notre collègue Julien Bargeton.
Le budget que nous examinons aujourd’hui est un budget de rémission, un budget qui tente encore de pallier les difficultés d’un secteur dont l’écosystème est riche dans notre pays, mais qui se révèle aussi d’une infinie fragilité.
Il lui manque le souffle d’une grande relance culturelle. Par conséquent, nous déterminerons notre vote sur les crédits de la mission en fonction des débats sur les amendements.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, applaudit.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget est inédit. Il connaît une hausse très forte, qui fait suite à de précédentes augmentations.
Les crédits de paiement s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros, soit une hausse record de 255 millions d’euros, presque 7, 5 %.
D’ailleurs, tous les crédits augmentent. Il n’y a pas de hausses d’un côté et de baisses de l’autre. La hausse est globale : +7, 6 % pour le patrimoine, +10 % pour la création – pour la première fois de l’existence de ce programme, et pour la première fois depuis que le ministère de la culture existe, l’enveloppe qui lui est allouée dépasse le milliard d’euros –, +6, 7 % pour la transmission et la démocratisation et +4, 7 % pour le soutien aux politiques transversales.
Cette hausse globale des crédits du ministère, qui concerne tous les secteurs, intervient alors même que, l’an dernier, les crédits étaient déjà en augmentation de 8 %. Nous nous réjouissons de cette hausse structurelle du budget du ministère de la culture.
Certes, il est vrai que cette augmentation s’inscrit dans un contexte d’inflation et de crise énergétique ; cela a été souligné par tous.
Certaines mesures ciblées visent à répondre à ces problèmes, notamment pour faire face au surcoût des chantiers. Ainsi, le chantier de la cathédrale de Soissons voit une augmentation de 20 % de ses crédits, et 13 millions d’euros supplémentaires sont alloués au château de Villers-Cotterêts. De fait, en raison de la hausse des coûts de l’énergie et de l’inflation, les chantiers culturels sont de plus en plus chers.
D’autres mesures visent le pouvoir d’achat des agents du ministère, qui bénéficieront de 15, 2 millions d’euros consacrés à la poursuite du plan de rattrapage indemnitaire en direction des corps de catégorie A+, à la mise en œuvre de la revalorisation de la rémunération des agents contractuels et à la mise en place d’un régime indemnitaire pour les enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d’architecture.
Marqué par une hausse globale et par des hausses pour faire face au contexte, le budget finance aussi des mesures innovantes.
Il en va ainsi de la deuxième phase de « Mondes nouveaux », programme novateur en direction des créateurs dans tous les champs de la création contemporaine – spectacle vivant, arts visuels, musique, design… –, qui recevra 10 millions d’euros supplémentaires en 2023.
Le plan finance également le plan d’action pour les métiers d’art, auquel 5, 5 millions et demi de plus sont accordés.
En outre, au-delà des crédits stricto sensu du ministère, le budget apporte son soutien à des dispositifs innovants et utiles pour le secteur culturel, comme le loto du patrimoine, qui a permis de lever 100 millions d’euros en quatre ans pour le patrimoine dit « de proximité. »
Cela permet la poursuite d’investissements dans des institutions emblématiques. Comme sénateur de Paris, je me dois de citer les 5 millions d’euros consacrés à la salle Jean Vilar du Théâtre national de Chaillot, les 2 millions d’euros affectés à l’extension et au réaménagement de l’Institut du monde arabe ou encore les 15 millions d’euros destinés au palais de la Cité. Bref, les grands chantiers, qui restent importants, se poursuivent et gagnent en ampleur en 2023 grâce à cet effort.
Le pass Culture a beaucoup été évoqué. Je ne peux toutefois que constater que ses crédits sont souvent ponctionnés pour gager certains amendements et assurer ainsi leur recevabilité financière.
La règle issue de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) impose un tel gage. Mais je regrette que ces crédits en particulier soient ciblés presque systématiquement. Il est vrai qu’ils ont été augmentés de 9, 5 millions d’euros par rapport à l’année dernière, parce que l’expérimentation menée a démontré que le dispositif fonctionnait.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes : en l’occurrence, 2, 1 millions de jeunes sont inscrits sur l’application et 14 millions de réservations de produits culturels ont été opérées par le biais du pass Culture, pour un montant total de 235 millions d’euros. Enfin, 87 % des jeunes concernés ont fait l’acquisition d’un bien culturel par ce moyen.
Cette expérimentation audacieuse est donc une réussite. Elle a évolué. Alors que beaucoup d’observateurs pariaient sur son échec, elle a rencontré son public. Pour l’année prochaine, la mesure est étendue pour toucher les élèves de cinquième et de sixième, et elle le sera encore à l’avenir.
L’accroissement de la part collective du dispositif va dans le bon sens, parce que celui-ci doit être accompagné d’une médiation culturelle.
« L’audace croît à l’expérience », écrivait William Butler Yeats, prix Nobel de littérature en 1923 ; je sais que vous aimez la poésie, madame la ministre. C’est l’alliance entre audace et expérience qui a permis le succès du pass Culture : l’audace pour le créer ; l’expérimentation pour tirer les enseignements de ses premiers pas et le faire évoluer. Il faut poursuivre ainsi.
En raison de leur augmentation globale, ainsi que des éléments précis que j’ai évoqués, notre groupe votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, le droit de participer à la vie culturelle est rarement considéré comme relevant de l’égalité. La crise sanitaire a pour avantage d’avoir mis en évidence ce qui est considéré comme essentiel et ce qui ne l’est pas.
Les crédits alloués à la mission « Culture » ont enregistré une hausse remarquable, et les priorités définies pour 2023 semblent être en phase avec les besoins du secteur. Reflètent-ils pour autant une politique ambitieuse ? Peut-être.
Madame la ministre, ces moyens supplémentaires sont les bienvenus, mais ils ne sont pas suffisants. Face à l’inflation et à la fin des aides liées au covid-19, l’effort doit être plus grand. La France est forte de sa richesse culturelle. Elle est reconnue pour cela dans le monde entier. Soyons à la hauteur. Il y a urgence, car les voyants sont au rouge.
L’inégalité face à cette reprise a de quoi nous inquiéter. Le secteur souffre d’un manque de visibilité, et nos festivals sont plus que jamais menacés par la crise énergétique. Les petites structures se demandent même si elles survivront à l’hiver. Pourquoi avoir promu le « quoi qu’il en coûte » si les fermetures définitives d’établissements surviennent en 2023 et peut-être en 2024 ?
La première source de financement de la culture en France n’est pas l’État ; ce sont bel et bien les collectivités territoriales. Or, on le sait, les budgets de la culture sont les premiers touchés. Il est donc plus que jamais nécessaire de soutenir nos territoires dans leurs pratiques culturelles. Oui au fonds d’innovation territoriale en 2022, même si sa conception ne répond toujours pas au renforcement de la contractualisation entre l’État et les collectivités que nous demandons.
Plusieurs mesures fiscales positives visant à favoriser la reprise d’activité sont annoncées. Outil phare de votre budget, le pass Culture verra ses crédits augmenter, afin d’être accessible dès la sixième. Il ne remplacera toutefois jamais une politique forte d’éducation et de sensibilisation à la culture. Son utilisation reste très inégale en fonction des territoires, et il profite encore trop aux industries culturelles. Il ne saurait se substituer à l’action de l’État.
Madame la ministre, vous avez fait de la jeunesse l’une de vos priorités, et nous vous en félicitons. Mais attention à l’inachevé ! La réforme des écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa), qui suscite l’inquiétude sur nos travées, en est un exemple, même si la modernisation de ces établissements est indispensable. Nous déplorons que les nouveaux moyens mis à disposition pour les bourses ne bénéficient qu’aux étudiants des écoles nationales, et pas à ceux des écoles territoriales.
Enfin, bien que l’année 2022 ait vu le retour des festivals à un format normal, leur avenir n’en est pas moins compromis. Dépenses énergétiques, inflation des montants des cachets, prestations extérieures, absence de personnels qualifiés, raréfaction des bénévoles, pénuries de matériel… la liste des difficultés qu’ils affrontent ne cesse de s’allonger. La réponse de l’État à ce constat se caractérise par un engagement modeste et une faible coordination avec les collectivités territoriales.
La dotation du fonds de soutien aux festivals ne sera pas revalorisée en 2023, au regard de l’inflation et du coût de l’énergie. C’est injuste. Pire, le ministre de l’intérieur a annoncé de possibles annulations et reports de festivals en 2024, en lien avec l’organisation des jeux Olympiques.
Sans concertation préalable avec les représentants des organisateurs, tels que le syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (Prodiss), le syndicat des musiques actuelles (SMA), le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), ou les festivals eux-mêmes, le Hellfest, les Vieilles Charrues, les Eurockéennes de Belfort, le festival d’Avignon et tous les autres, il est envisagé de changer les dates ou d’annuler certains événements.
Cette nouvelle a jeté le plus grand doute sur les perspectives qui se dessinent pour ces manifestations. L’inquiétude dans notre commission est très forte à ce sujet ; n’opposons pas le sport à la culture !
Madame la ministre, nous sommes à vos côtés pour que vous fassiez entendre raison au ministre de l’intérieur et encore plus à la Première ministre, afin que sport et culture ne soient pas incompatibles en 2024. Cela ne doit pas être l’un ou l’autre ; ce sont bien le sport et la culture en même temps.
La culture, vecteur d’émancipation et d’épanouissement, anime la vie des quartiers et évite des errements à certains de nos jeunes. C’est elle qui doit venir aux Français, et non l’inverse.
Malgré ces quelques remarques et réticences, que vous prendrez sûrement à votre compte
Mme la ministre sourit.
, et au vu de l’évolution positive des moyens mis en œuvre, mon groupe se prononcera en faveur de ces crédits.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre époque est celle de la crise de la médiation. Les élus de la République que nous sommes la vivent en permanence et sont ainsi troublés quand l’exécutif décide de consulter directement la Nation par l’intermédiaire de citoyens tirés au sort.
Ce déconstructionnisme social est aussi à l’œuvre dans le domaine culturel, et le pass Culture en est l’un des symptômes. Il participe de l’illusion qu’un jeune peut être, sans médiation, l’acteur de sa propre formation culturelle. Réduit à sa fonction de consommateur, il est toutefois douteux qu’il puisse s’extraire de son habitus social pour mettre à profit toutes les potentialités émancipatrices de la culture.
La médiation culturelle telle qu’elle avait été pensée par André Malraux aux origines du ministère de la culture reposait sur le principe que l’accès à la culture était entravé par des déterminismes sociaux et géographiques et qu’il fallait, pour les dépasser, « aller au-devant de ceux qui ne savent pas encore que l’offre culturelle leur est accessible ».
En s’affranchissant de leur condition sociale culturelle, les citoyens pouvaient jouir du droit constitutionnel de « l’égal accès de l’enfant et de l’adulte » à la culture. Pensée comme une œuvre de libération, la médiation devait s’exercer au plus près des publics, par une étroite collaboration avec les collectivités et les acteurs privés.
D’abord portée par l’essor des maisons de la culture, cette politique doit maintenant être reconsidérée pour s’adapter aux nouveaux usages. Ainsi, l’enquête réalisée en 2008 sur les pratiques culturelles en France a montré que le téléphone était devenu le premier terminal culturel nomade, et donc la porte d’entrée principale vers de nombreux univers culturels.
L’efficacité technique de cet outil et sa large diffusion dans la population ont apporté beaucoup de bénéfices. Elles expliquent par exemple la progression spectaculaire de l’écoute musicale journalière, qui a doublé en dix ans. Elle était de 9 % en 1973, et elle est actuellement proche de 60 %.
Néanmoins, cette banalisation des supports audio cache une socialisation de leurs usages. Les modules en baladodiffusion sont ainsi beaucoup plus suivis par les diplômés de l’enseignement supérieur que par les autres.
À l’inverse, l’utilisation de l’outil numérique semble préjudiciable à d’autres pratiques culturelles, sans doute parce que ces dernières exigent une participation plus active. C’est le cas de la lecture de livres, qui est en déclin constant, ou de la visite de musées et de monuments historiques.
Je doute que le pass Culture puisse contribuer à inverser de telles évolutions. Pour les musées et les monuments, la visite scolaire serait sans aucun doute plus efficace pour rapprocher les jeunes publics d’un patrimoine qui leur est de plus en plus étranger.
À mon sens, la crise actuelle du cinéma trouve certaines de ses causes dans cette particularisation de la pratique et dans la perte d’une culture cinématographique ouverte à la diversité de ses formes d’expression. Avec une certaine nostalgie, je me demande par quoi ont été remplacés les ciné-clubs des lycées d’antan.
En 2023, le budget de la culture connaîtra une hausse absolument indéniable. Néanmoins, on peut s’interroger sur sa contribution à la nécessaire adaptation des politiques publiques aux évolutions multiples des pratiques. La crise pandémique a montré la fragilité du modèle économique des grands établissements, fondé sur l’illusion que ceux-ci pourraient trouver leur équilibre sans dotation du ministère.
L’indispensable régénérescence de la médiation culturelle oblige à questionner les modalités de la participation de tous les opérateurs du ministère à une politique nationale qui se donnerait pour suprême dessein de rapprocher tous les publics de la culture.
Autrement dit, en termes plus techniques, quelle est la capacité de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle de votre ministère à influer sur les multiples politiques sectorielles mises en œuvre par des agences autonomes et financées par des taxes affectées ?
Depuis plusieurs années, la commission de la culture du Sénat alerte les ministres successifs sur la nécessité de rendre du sens au principe du droit d’accès à la culture. L’évolution des pratiques culturelles fait de cette refondation une impérieuse nécessité.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de Céline Boulay-Espéronnier, empêchée au dernier moment. Je souhaite interpeller le Gouvernement sur trois sujets différents.
Le premier est la fréquentation des lieux culturels. Nous ne connaissons pas l’automne prometteur que vous annonciez au mois de juin, et le bilan actuel est très contrasté. Certains acteurs se sont bien redressés ; d’autres prennent de plein fouet les nouveaux modes de consommation et les nouvelles approches numériques, après la dure période de la pandémie.
Pour ne rien arranger, le ministre de l’intérieur a récemment annoncé l’annulation de toutes les manifestations culturelles de 2024, en marge des jeux Olympiques.
Comment avons-nous pu en arriver à une mesure si radicale ? Quelles garanties pouvez-vous donner aux organisateurs de manifestations culturelles pour 2024 ? Madame la ministre, il faut les défendre. Vous devez vous tenir à leurs côtés pour leur donner les moyens de faire face à ces défis et les assister alors qu’ils s’engagent dans une transformation stratégique durable.
Votre projet de budget prend-il vraiment en compte le fléchage nécessaire des crédits alloués pour répondre à la diversité de ces situations ? On peut parfois en douter, d’autant qu’à ces évolutions structurelles s’ajoutent les conséquences de la crise de l’énergie et de l’inflation, qui amputent et amputeront les budgets des organisateurs comme ceux des publics et, surtout, des plus fragiles d’entre eux.
Je regrette donc vivement que vos crédits ne soient pas mieux fléchés en fonction de cette diversité. Au-delà de leur hausse, je déplore que l’on ne perçoive pas une inflexion des actions pour aider les acteurs de la culture à amorcer ces mutations nécessaires. Il importe pourtant de les aider à mener à bien cette transformation.
Le deuxième sujet sur lequel j’appelle votre attention est le patrimoine. J’ai compris que vous n’aviez guère apprécié mon commentaire sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts.
Mme la ministre sourit.
Entendons-nous bien : la réhabilitation du bâtiment n’est pas en question, mais vous ne pouvez pas m’empêcher de penser que le projet culturel est arrivé après la décision présidentielle concernant le programme, légitime, de réhabilitation. J’ai eu le sentiment qu’il fallait remplir une case et que ce projet culturel n’était pas au cœur du chantier. Le rapporteur spécial Vincent Éblé a dit le reste quant aux dépassements budgétaires.
Par ailleurs, notre commission est attachée au rôle des architectes des Bâtiments de France (ABF). Il est souhaitable que, dans notre pays, le déploiement nécessaire des énergies renouvelables (EnR) ne nous conduise pas aux mêmes erreurs en termes de défiguration des patrimoines et des paysages que celles que nous avons pu connaître lors du déploiement d’autres réseaux. Il convient donc de préserver le rôle, la mission et la présence sur le terrain de ces agents.
Comme l’a très bien dit notre rapporteur pour avis Sabine Drexler, ce réseau exceptionnel ne doit-il pas être renforcé face à l’ampleur de la tâche qui l’attend ? Sa réduction génère des lenteurs et des prises de décisions parfois peu argumentées. Cela contribue sur le terrain à susciter des tensions avec les maires et à remettre en cause la pertinence même de l’expertise et de la raison d’être des ABF. J’en appelle à votre vigilance à ce sujet.
Je forme le vœu que l’excellent rapport de nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias retienne l’attention du Gouvernement. Une partie de notre patrimoine ecclésial est menacée et il est urgent d’entreprendre un travail partenarial avec les autorités religieuses, les communes et l’État. L’acceptabilité de futurs financements publics communaux et départementaux est à ce prix, et c’est une condition de la préservation de ce patrimoine.
De même, nous regrettons qu’une politique adaptée en matière de rénovation énergétique du patrimoine historique n’émerge pas de ce budget, comme l’a souligné notre rapporteur.
Enfin, le troisième sujet est le pass Culture. Sa montée en charge camoufle mal une discrimination sociale préoccupante. Ce dispositif profite-t-il vraiment à ceux qui en ont le plus besoin ? Ne serait-il pas nécessaire d’y introduire des conditions de ressources ? Ne devrions-nous pas relativiser son succès, au vu des inscriptions groupées pratiquées dans certaines écoles ?
Tels sont les éléments que je souhaitais souligner à propos des crédits de l’une des deux missions qui relèvent de votre ministère. Ceux-ci sont en hausse, il faut le saluer, comme l’a fait Sylvie Robert, notre rapporteure pour avis.
Je termine par un coup de chapeau au dialogue que vous souhaitez instaurer avec la Haute Assemblée, y compris sur le sujet sensible des restitutions et de la préservation des collections nationales. Vous trouverez ici une assemblée intransigeante sur les principes et ouverte sur les modalités.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés et les incertitudes de la période actuelle n’épargnent aucun secteur, dont celui du patrimoine.
La crise sanitaire avait été l’occasion d’apporter des réponses justes, notamment en matière de soutien public aux activités les plus fragilisées. Le plan de relance a permis à la fois d’accroître fortement les crédits alloués au patrimoine et d’engendrer une dynamique générale dont les activités du secteur bénéficieront encore en 2023.
Aussi, nous saluons l’augmentation des crédits du programme 175 au même rythme que la hausse de ceux de l’ensemble de la mission, soit +7 % par rapport à l’an dernier.
Néanmoins, cette croissance doit être relativisée, car ces crédits ne seront plus complétés par ceux du plan de relance, qui avait permis de dégager 227 millions d’euros supplémentaires pour le patrimoine. Cette année, les 77 millions d’euros en plus ne compenseront que partiellement ce montant.
Cette situation fait donc naître des inquiétudes quant à la capacité de ce budget à accompagner les acteurs du patrimoine, qui vont devoir faire face à l’inflation et à l’explosion des tarifs de l’énergie, mais aussi à la poursuite de la dynamique d’investissement liée au plan de relance.
L’envolée des prix de l’énergie va continuer à peser fortement en 2023 sur l’équilibre financier de structures telles que les musées et les monuments. Parallèlement, de nombreuses collectivités, notamment les plus petites d’entre elles, ne placeront peut-être pas le patrimoine parmi leurs priorités. Elles auront besoin d’un soutien plus affirmé de l’État pour assurer la sauvegarde et l’entretien des sites dont elles ont la charge.
Lors de chaque projet de loi de finances, nous défendons une répartition plus équilibrée des crédits sur les territoires. Cette année, nous notons avec satisfaction que l’augmentation des crédits en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques, hors grands projets, profite essentiellement aux moyens déconcentrés mis à disposition des Drac pour la restauration de monuments historiques appartenant à l’État.
Parallèlement, les moyens du fonds incitatif et partenarial (FIP) destiné aux monuments historiques situés dans des collectivités à faibles ressources ont été renforcés de 2 millions d’euros.
Nous souhaitons toutefois appeler votre attention sur le mode de répartition de l’enveloppe de crédits locaux entre les différents projets. Il semble que les grosses opérations, consommant parfois plus de 50 % du total, soient favorisées. Or un tel choix se fait nécessairement au détriment d’autres projets de dimension plus restreinte. Ainsi, peu de travaux d’entretien des monuments sont réalisés, et les communes les moins sensibilisées au patrimoine ne sont pas encouragées à déposer des dossiers.
Les moyens humains des services déconcentrés de l’État – services départementaux, Drac et directions des affaires culturelles (DAC) – constituent un autre point de vigilance. Une baisse du nombre d’agents qualifiés s’accompagne forcément d’une baisse du soutien apporté aux petites collectivités.
En outre, nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois que les crédits relatifs à l’architecture et aux espaces protégés stagnent. Qu’il s’agisse de reconquête des centres-villes ou de transition énergétique de l’habitat ancien, le dispositif « site patrimonial remarquable » est un outil très efficace, dont votre ministère devrait se saisir pleinement.
Je termine avec les crédits en faveur de l’action Patrimoine archéologique, qui dénotent un soutien continu de l’archéologie préventive et des missions de service public réalisées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et les services d’archéologie des collectivités territoriales. Pour autant, le surcroît d’activité d’aménagement qui fait suite au plan de relance nécessite des fonds supplémentaires, afin de traiter les demandes sans allonger les délais des chantiers.
Enfin, nous saluons les augmentations des crédits à destination des centres de conservation et d’études (CCE) et des fouilles archéologiques programmées, en partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les universités.
Pour conclure, si ce budget vient à l’appui des actions de valorisation et de protection du patrimoine, nous émettons quelques réserves quant à sa capacité à répondre totalement aux difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, malgré deux années difficiles, l’accès à la culture et le soutien au patrimoine doivent pouvoir rebondir.
Ce budget intervient après les actions menées dans le cadre du plan de relance, dans le contexte d’une reprise timide et de pratiques culturelles qui changent ; le mécénat diminue, et certaines aides de nos régions aussi.
Si nous saluons la hausse des crédits, nous craignons que celle-ci ne soit neutralisée par l’inflation, ce qui nous conduit à une certaine déception. Les surcoûts annoncés seront rédhibitoires et éloigneront certains publics de l’accès à la culture.
Si nous nous réjouissons évidemment l’augmentation des crédits du programme « Patrimoines », il nous semble nécessaire de réfléchir à une démarche plus ambitieuse en matière de rénovations et de réhabilitations dans nos territoires.
Voilà quelques mois, mon collègue Olivier Paccaud et moi-même avions rappelé l’importance des patrimoines privé et local : les crédits doivent aussi bénéficier à ces projets de proximité. L’innovation culturelle se fait dans les territoires ; c’est une clé pour la reprise et pour le soutien à la vie locale. Voilà un vrai signal !
Il faut ainsi encourager toutes les solutions qui permettent aux citoyens de financer des projets. Le loto du patrimoine en a été une, mais il ne saurait être l’unique. Les circuits courts peuvent aussi fonctionner dans ce domaine ; il faut donc permettre un financement direct. Les services de l’État doivent parler aux acteurs locaux sans filtre et appuyer les projets de nos collectivités.
Nous saluons la prise en compte de la crise énergétique, mais il importe aussi de constater la majoration des coûts dans les chantiers.
L’avenir de la culture, c’est d’abord la question de son accès. La reprise des entrées dans les musées est un signe positif, mais des incertitudes pèsent sur leur fréquentation et sur leurs amplitudes d’ouverture.
Les mêmes incertitudes concernent la jeunesse, ce qui me conduit à évoquer le pass Culture et la question de la création et de la découverte du patrimoine. Ce dispositif est une aide appréciable, mais la médaille a son revers : on se rapproche fâcheusement de la politique du carnet de chèques.
Le pass Culture profite à tous, mais il avantage les initiés, ceux qui savent déjà ce qu’ils vont faire. Un jeune qui aime les livres et les musées sait de quelle manière il va l’utiliser, mais un autre ne saura que faire de cette aide. Il s’agit donc d’une démarche qui confirme plus qu’elle ne suscite les initiatives culturelles.
En matière d’éducation artistique, on ne peut que déplorer une baisse des fonds. Une démarche coconstruite avec l’éducation nationale serait, à mon sens, plus judicieuse qu’une addition de crédits.
Les festivals ont bien résisté, malgré deux années rudes. Comme les acteurs du secteur l’ont indiqué, ils ont été les premiers à fermer et les derniers à ouvrir. Après ces deux années, les publics sont globalement restés fidèles – tant mieux ! –, même si nous déplorons la disparition de certains festivals. L’offre est toujours abondante. Mais pour combien de temps encore ?
À peine sommes-nous sortis de cette crise que de nouvelles difficultés se font jour, malgré un heureux événement : l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Sans opposer le sport à la culture, sans créer de rivalité entre les manifestations, nous regrettons un manque de visibilité et une absence de dialogue entre tous les partenaires concernés.
Les festivals sont tributaires d’aléas de toutes sortes, dont la répétition pose question. Il a été envisagé de réfléchir à un système d’assurance qui prendrait en compte les risques non seulement artistiques, mais aussi climatiques. Peut-être est-ce une piste à explorer.
Sans opposer le risque à la protection, comment se lancer durablement si les perspectives sont sombres ? Sans cette assurance, dans tous les sens du terme, le danger est que les festivals fassent les frais de la loi du marché. Quid des bénévoles et de l’engagement des collectivités territoriales si ce manque de visibilité s’installait ? Un festival se prépare au moins deux ans à l’avance.
Soutenons nos festivals, qui ne doivent pas faire les frais de ces nouvelles contraintes. Nous regrettons toujours l’absence de référent festival à l’échelon national comme régional, alors qu’il s’agit d’un sujet brûlant pour l’orientation des politiques culturelles et pour la défense de l’accès à la culture sur tout le territoire.
Quelle place voulons-nous donner à la culture dans notre société ? Soyons ambitieux et inventifs.
Nous voterons les crédits de la mission « Culture », malgré certaines insuffisances et de nombreuses réserves. Nous comptons sur vous pour gagner les arbitrages nécessaires !
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis, applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, cher Laurent Lafon, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers Vincent Éblé et Didier Rambaud, mesdames les rapporteures pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour évoquer le budget du ministère de la culture, dont les crédits connaissent une hausse quasi historique.
Je tiens avant tout à vous remercier des échanges constructifs et très précis que nous avons eus au fil des derniers mois, en commission ou lors de nos rendez-vous bilatéraux ; ce sont des moments toujours très utiles. Je salue également la qualité de vos rapports, qui sont des sources d’inspiration pour nos travaux au quotidien.
Vous l’avez tous dit, le monde de la culture vient de traverser deux ans de pandémie, dont nous ressentons encore les effets, mais il reste plus résilient et plus fort que dans de nombreux pays, y compris parmi nos voisins européens.
Une telle résistance s’explique par les aides déployées par l’État pendant la crise, ainsi que par la capacité d’innovation permanente et de lien entre les publics et les lieux culturels que l’ensemble de l’écosystème a su maintenir.
Bien avant cette crise sanitaire, une autre révolution est venue affecter le monde de la culture depuis au moins vingt ans : la révolution numérique, porteuse à la fois d’opportunités et de menaces pour la création et pour les auteurs. La crise sanitaire est venue accélérer ces mutations déjà en germe. Elle a amplifié la puissance des géants du numérique et a souligné les inégalités sociales de l’accès à la culture.
Les études décennales du ministère de la culture offrent un outil très précieux pour observer les évolutions structurelles ; l’enquête sur les pratiques culturelles des Français a montré le creusement d’une fracture générationnelle, précipitée par la pandémie, mais qui était présente bien avant elle. On pourrait la résumer ainsi : aux plus âgés, une culture de sortie vers les musées, les spectacles, etc. ; aux plus jeunes, une culture que l’on pourrait dire « de salon », c’est-à-dire appuyée sur une addiction aux écrans qui se développe, sans se limiter à la jeunesse. C’est vraiment à toute la population qu’il nous faut donner et redonner envie de culture en chair et en os.
Telle est en tout cas l’ambition que je porte au ministère de la culture. C’est la raison pour laquelle ce budget est historiquement haut, puisque les crédits de la mission « Culture » pour 2023 s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros, en hausse de 7, 4 % par rapport à l’an passé.
Au-delà de ces crédits, le ministère disposera de crédits d’un montant de 704 millions d’euros au titre de la mission « Médias, livre et industries culturelles » – nous y reviendrons –, de 3, 8 milliards d’euros consacrés à l’audiovisuel public, de 769 millions d’euros de taxes affectées et de près de 2 milliards d’euros de dépenses fiscales.
Chère Laure Darcos, j’ai bien entendu vos inquiétudes concernant la pérennité de certains crédits d’impôt. Le Gouvernement souhaite mener une évaluation précise de ces derniers avant de rediscuter de leur éventuelle prorogation. Quoi qu’il en soit, soyez assurée que nous serons très vigilants.
En additionnant ces différentes enveloppes, ce sont au total 11 milliards d’euros de financements dont le ministère de la culture aura la responsabilité. Ces crédits nous permettront de mener la politique culturelle ambitieuse que nous portons pour notre pays.
Le budget que je vous présente se veut un budget de résilience et d’action.
C’est un budget de résilience, car comme l’ont indiqué les différents orateurs, nous sommes encore en convalescence post-pandémie, et nous devons accompagner l’ensemble des secteurs culturels pour faire face à ce défi.
Parmi les défis du présent, il y a aussi la crise énergétique ; ce point a également été largement évoqué par les précédents orateurs. Nous en avons fait une priorité de ce budget, puisque 56 millions d’euros sont débloqués pour répondre aux besoins immédiats résultant du contexte énergétique que nous connaissons.
Ce budget est ensuite un budget d’action pour préparer l’avenir. Dans le cadre de la priorité donnée à la transition écologique et à la sobriété énergétique, il permet en effet d’investir à plus long terme dans des travaux significatifs visant à améliorer les performances énergétiques, notamment l’isolation thermique des bâtiments culturels.
Le budget d’investissement de la mission « Culture » s’élève en 2023 à 627 millions d’euros, soit une augmentation de 70 millions d’euros. Les travaux du musée d’Orsay, du Théâtre national de Chaillot, des écoles d’architecture de Limoges et de Lille contribueront à améliorer la performance énergétique de ces bâtiments et, partant, à réduire à terme leurs factures d’énergie.
Nous engageons ainsi le gigantesque chantier de décarbonation de la culture, que j’ai placé au cœur de mes priorités. Celui-ci – je vous rejoins sur ce point, monsieur Brisson – doit être mené de manière à concilier la préservation et la valorisation du patrimoine et le développement des énergies renouvelables. Mon ministère travaille par exemple en ce moment même à une instruction visant à concilier – c’est tout à fait possible – l’intégration des panneaux photovoltaïques et la préservation du patrimoine.
Je vous présenterai ce budget en concentrant mon propos autour de cinq grandes orientations qui me tiennent à cœur : l’éducation artistique, la souveraineté, le patrimoine, l’emploi et l’international.
Je remercie les différents orateurs qui ont évoqué l’éducation artistique. Je me félicite que nous nous rejoignions sur ce premier enjeu crucial qu’est la sensibilisation des jeunes générations dès le plus jeune âge à toutes les possibilités d’émancipation, de développement de l’esprit critique et de la confiance en soi que permet la culture.
Dans le budget pour 2023, 14 millions d’euros supplémentaires sont dédiés à cette priorité, dont 4 millions d’euros pour l’éducation artistique hors pass Culture, et 9, 5 millions pour le pass Culture, que vous avez largement évoqué.
Je souhaite insister sur le fait que, depuis quelques mois, il s’agit d’un nouveau pass Culture, plus collectif et plus participatif. Les professeurs de collège disposent de 25 euros par élève pour organiser des sorties scolaires. Le spectacle vivant, notamment le théâtre, est d’ailleurs le plus souvent choisi, ce qui n’était pas le cas lorsque le pass était individuel.
Par ailleurs, 2, 2 millions de jeunes sont inscrits au pass Culture, ce qui leur permet de bénéficier de la part individuelle de ce dispositif. C’est colossal.
Il ne s’agit pas que d’une plateforme d’achat ; je vous rejoins sur ce point, cher Didier Rambaud. C’est un outil qui vise à faire participer les jeunes, à les engager et à en faire, non pas uniquement des consommateurs, cher monsieur Ouzoulias, mais des protagonistes.
À l’époque de Malraux, internet et les smartphones n’existaient pas. Il va de soi que l’enjeu de la médiation est au cœur de nos politiques. Mais le pass Culture répond aux usages des jeunes, qui, comme les adultes, possèdent tous un smartphone. Compte tenu de l’addiction que suscitent ces machines, c’est par le biais de celles-ci que nous devons atteindre les jeunes.
Bien au-delà du simple clic d’achat, le pass Culture a permis de développer des parcours, un cercle d’ambassadeurs, il est l’occasion d’expériences. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements si vous le souhaitez.
Enfin – et je m’en félicite –, le pass Culture devient de plus en plus européen. L’Espagne, où je me suis rendue au mois de septembre, a lancé son Bono cultural, et l’Allemagne, où je me suis rendue voilà trois jours, un Kulturpass dont l’inspiration revendiquée est le modèle français. Plus nous serons nombreux à porter un tel dispositif, plus les jeunes Européens seront reliés par cette nouvelle ambition culturelle.
La deuxième orientation qui me tient à cœur est la souveraineté culturelle, tant dans le monde physique, où il faut soutenir la création, les métiers d’art, la langue française, la création avec le programme Mondes nouveaux, que dans le monde numérique.
Au-delà de ce budget, le plan France 2030 permet de financer des studios de tournage, des formations nouvelles, des expériences immersives en lien avec les expériences physiques et sur ce que sera plus tard le métavers, mais dans une approche française, c’est-à-dire une approche sensorielle et soucieuse – j’y suis très attachée – de la liberté d’expression et de création.
Je vous remercie, cher Julien Bargeton, d’avoir insisté sur le plan de soutien aux métiers d’art. Celui-ci, qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir, est amorcé dans ce budget pour 2023 au travers de l’augmentation du soutien apporté aux fleurons de nos manufactures que sont la Manufacture nationale de Sèvres et le Mobilier national.
Nous portons également une ambition pour la langue française. Ce budget inclut un financement dédié à l’ouverture au printemps 2023 de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, où je me suis rendue samedi dernier pour faire le point sur le chantier et échanger avec les élus. Je vous remercie d’avoir rappelé votre attachement à ce projet, monsieur Brisson.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Permettez-moi toutefois de préciser que, dès le 17 mars 2017, le Président de la République Emmanuel Macron, alors candidat, avait déclaré lors d’un discours à Reims que le projet de rénovation de ce château serait dédié à la langue française, compte tenu de l’histoire du château, où a été édictée l’ordonnance de Villers-Cotterêts, et de l’histoire de la commune, où est né Alexandre Dumas.
Le patrimoine est la troisième orientation que je souhaite évoquer. En 2023, un budget historique de plus d’un milliard d’euros lui est consacré. Ces crédits permettront notamment de financer la restauration et la sécurisation des cathédrales – vous avez été nombreux à évoquer la nécessité d’effectuer ces travaux –, le soutien aux monuments historiques dans tous les territoires, des projets emblématiques en région, comme la reconversion de l’ancienne abbaye de Clairvaux – 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement y sont alloués, chère Vanina Paoli-Gagin –, un effort en faveur des dispositifs d’accompagnement des collectivités territoriales, notamment le fameux FIP, dont les crédits augmentent, ou encore – nous y sommes tous très attachés – la hausse des fouilles programmées et des diagnostics archéologiques.
La quatrième orientation a trait à l’emploi et aux compétences. J’ai souhaité que ce budget permette d’accompagner les futurs talents et de structurer davantage notre politique d’accompagnement à l’emploi.
L’accent a notamment été mis sur les écoles et les établissements d’enseignement supérieur artistiques, singulièrement les écoles d’architecture. Ces dernières drainant un vivier de 20 000 étudiants, qui seront les penseurs des villes et des logements de demain. Ce budget prévoit un effort particulier en leur faveur.
Je ne reviens pas sur les bourses, sur les hausses des travaux de mise aux normes, les crédits supplémentaires pour l’emploi artistique hors écoles, les artistes auteurs, etc., que les différents orateurs ont déjà évoqués.
Les moyens du ministère sont, eux aussi, confortés. La masse salariale augmentera de 38 millions d’euros, pour atteindre 532 millions d’euros, avec une trajectoire d’emplois stable. Le ministère de la culture compte 29 000 agents dévoués et passionnés, dont 20 705 pour la mission « Culture ».
J’en viens enfin à la politique internationale, dont nous avons beaucoup débattu lors des travaux de la commission ; je sais votre attachement à l’action culturelle extérieure de la France. Bien que celle-ci relève en grande partie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère de la culture y prend également toute sa part via nos établissements, des plus grands aux plus modestes, dont les équipes travaillent en lien avec leurs partenaires internationaux.
Le budget pour 2023, en hausse de 17 % par rapport à 2022, nous permettra de soutenir la diversité culturelle dans le cadre d’un certain nombre de programmes d’échange avec des pays de plus en plus nombreux – l’Algérie, et de manière générale, le continent africain, les pays du monde francophone et d’autres pays –, mais aussi d’être au rendez-vous de la solidarité que la France a toujours manifestée à l’égard des pays où des artistes sont menacés dans leur liberté d’expression et de création, ou qu’ils ont été contraints de fuir du fait de la guerre ; je pense à l’Ukraine, à l’Afghanistan, à l’Iran et à tant d’autres pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les orientations de ce projet de loi de finances pour 2023 pour la mission « Culture » sur lesquelles je souhaitais insister.
Il s’agit d’un budget ambitieux, en forte hausse, qui nous permettra de répondre aux grands défis du présent, mais aussi de l’avenir, et de continuer à porter une voix forte dans le monde.
Quinze minutes, c’est court pour partager avec vous toutes mes convictions, toutes les orientations qui me tiennent à cœur. Avant de passer à l’examen des amendements, permettez-moi toutefois de vous adresser un dernier message – c’est devenu notre rituel – par le biais d’un poème de Jean-Pierre Siméon :
« Je cherche un mot vaste et chaud
« Comme une chambre
« Sonore comme une harpe
« Dansant comme une robe
« Clair comme un avril
« Un mot que rien n’efface
« Comme une empreinte dans l’écorce
« Un mot que le mensonge ne séduit pas
« Un mot pour tout dire
« La mort, la vie,
« La peur, le silence et la plainte
« L’invisible et le doux
« Et les miracles de l’été
« Depuis si longtemps je cherche
« Mais j’ai confiance en vous :
« Il va naître de vos lèvres. »
Applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximum de la discussion à deux heures et trente minutes.
En conséquence, nous si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à dix-huit heures dix, celui-ci se poursuivrait après l’examen des missions figurant à l’ordre du jour de cette semaine, et nous passerions directement à l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
En revanche, si nous terminons l’examen de cette mission avant le terme de la durée indiquée, l’examen de la mission suivante pourrait commencer sans attendre.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Culture
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
Dont titre 2
713 484 098
713 484 098
L’amendement n° II-729, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Supprimer le programme :
Éducation aux médias et à l’information
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a un double objet.
Premièrement, il vise à annuler la création d’un cinquième programme budgétaire au sein de la mission « Culture », intitulé « Éducations aux médias et à l’information » et très faiblement doté.
Il est proposé de repositionner les crédits initialement ouverts pour la création de ce programme budgétaire à hauteur de 500 000 euros vers le programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », sur lequel les ouvertures de crédits nécessaires à la création du programme susvisé avaient été gagées. De fait, l’éducation aux médias et à l’information constitue une orientation prioritaire du programme 361. Cela fait suite à l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement de la députée Violette Spillebout.
Deuxièmement, l’amendement tend à tirer les conséquences de l’adoption de plusieurs amendements parlementaires par l’Assemblée nationale, en rehaussant de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement le programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture », de la mission « Culture » au titre du développement du pass Culture en Nouvelle-Calédonie – cette disposition fait suite à l’adoption d’un amendement de Nicolas Metzdorf –, d’une aide pour les collectivités territoriales, afin d’assurer l’entretien et la valorisation du patrimoine local à hauteur d’un million d’euros, du fait de l’adoption d’un amendement de Frédéric Maillot, et du soutien à hauteur d’un million d’euros, suite au vote d’un amendement d’Alexandre Portier, d’une politique de recrutement au sein des fanfares en complément du plan en faveur des fanfares et des harmonies dont j’avais annoncé la reconduction à raison de crédits de 1 million d’euros par an.
Cet amendement de coordination budgétaire vise à tirer les conséquences des dispositions introduites par voie d’amendement et retenues par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale. Avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-507, présenté par M. Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Aides exceptionnelles au maintien des politiques culturelles des collectivités
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
Aides exceptionnelles au maintien des politiques culturelles des collectivités
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Madame la ministre, vous avez évoqué l’enjeu bienvenu de décarbonation de la culture et les moyens consacrés aux équipements nationaux.
Cet amendement vise à soutenir les politiques culturelles des collectivités et des associations qu’elles subventionnent face à la hausse des prix de l’énergie.
Alors que leurs finances sont déjà sous tension, les collectivités subissent également l’augmentation des coûts de l’énergie, si bien qu’elles se trouvent parfois contraintes d’amputer des politiques culturelles, de diminuer les plages horaires d’ouverture de certains équipements, pénalisant parfois des coopérations avec les groupes scolaires, le soutien à des tiers lieux ou à des universités populaires ; tels sont du moins les exemples dont on m’a avisé.
Je vous propose donc de créer un fonds d’aide pour accompagner les collectivités et leur permettre de continuer à assumer ce maillage culturel local qu’elles assurent quotidiennement.
Les politiques publiques culturelles – je vous rejoins sur ce point, madame la ministre – sont essentielles à l’essor d’une démocratie culturelle. Elles doivent rester fortes et assumées. Surtout, elles ne doivent pas devenir une variable d’ajustement dans cette période de grave crise budgétaire.
L’objectif, que l’on peut partager, me paraît parfaitement pris en compte par les crédits du plan de relance depuis 2021.
Par ailleurs, le dispositif est gagé sur l’intégralité des crédits du pass Culture, ce qui serait un dommage collatéral inopportun.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Je partage l’avis du rapporteur spécial.
Nous avons déjà pris en compte la situation très difficile dans laquelle un certain nombre d’opérateurs se trouvent du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie.
Même si l’État doit accompagner en priorité les opérateurs qu’il finance seul, nous étudierons avec les Drac les situations les plus critiques, y compris des structures cofinancées avec les collectivités. Nous serons au rendez-vous autant que possible.
J’en profite pour vous signaler l’appel à projets « Alternatives vertes », qui, dans le cadre du plan France 2030, a déjà permis d’attribuer 10 millions d’euros. Nous allons reconduire celui-ci à hauteur du même montant, afin de financer des projets de décarbonation dans le secteur de la culture et partant, de diminuer structurellement, à terme, le montant des factures d’énergie.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Monsieur le rapporteur spécial, à l’évidence, je n’entends nullement diminuer les crédits mentionnés. Le gage visait simplement à échapper à l’article 40 de la Constitution.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je maintiens toutefois mon amendement, car je garde une inquiétude quant à ce qu’il adviendra du soutien aux collectivités territoriales après l’usage du 49.3. Malheureusement, nous n’avons pas de garanties.
Mais j’entends que les financements fléchés sur les équipements nationaux pourront éventuellement accompagner certains établissements cofinancés par les Drac.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-528 rectifié, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds pour la transition écologique du spectacle vivant
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
Fonds pour la transition écologique du spectacle vivant
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Thomas Dossus.
Le présent amendement, complémentaire de celui qui vient d’être présenté, vise à instaurer un dispositif plus pérenne.
La rénovation énergétique du bâti est un enjeu fondamental pour la transition écologique. Il est nécessaire de réduire les factures, mais aussi, et surtout de limiter les consommations pour réduire l’impact environnemental des bâtiments.
Au-delà du bâti, il y a beaucoup à faire, par exemple en matière de déplacements des spectateurs, des artistes ou des prestataires, de mise en commun des ressources pour éviter des consommations superflues ou de sobriété pour le chauffage ou les illuminations.
Les acteurs culturels en sont bien conscients. Lors du traditionnel débat de clôture du festival d’Avignon, cette année, c’est toute une filière qui a appelé à s’engager pour la transition écologique du spectacle vivant.
Les acteurs culturels sont prêts à s’engager. Mais ils demandent un soutien, notamment financier, de leur ministère.
Par cet amendement, je vous propose donc de créer un nouveau programme dédié à la transition écologique du spectacle vivant et de le doter de crédits d’un montant de 50 millions d’euros, afin de permettre aux acteurs culturels de réaliser leurs ambitions louables et nécessaires.
Le plan de relance a déjà mis en place un tel fonds pour les institutions de la création en région sur la période 2021-2022.
Il paraît donc opportun d’attendre les résultats de l’exécution 2022 pour évaluer les modalités éventuelles de reconduction d’un tel dispositif, ainsi que les besoins et les attentes des acteurs culturels.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-656, présenté par Mme N. Delattre et MM. Fialaire et Artano, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Bernard Fialaire.
Le pass Culture rencontre un grand succès auprès des jeunes. Depuis son lancement en 2019, plus de 10 millions de réservations d’offres ont été déposées par près de 11 000 acteurs culturels.
Les achats soutiennent les diverses composantes du secteur culturel, mais les prestataires n’en tirent pas tous les mêmes bénéfices. On demande en particulier aux acteurs digitaux de proposer une offre gratuite sans contrepartie pour être référencés au pass Culture.
Quand un jeune utilise son pass pour acheter un livre, que celui-ci soit numérique ou non, son compte est débité, et le commerçant et les ayants droit sont payés.
S’il achète en revanche un contenu audio numérique, le compte du jeune est débité, mais le prestataire n’est pas payé alors qu’il paye les droits d’auteur.
Cette situation fragilise le modèle économique de certaines plateformes numériques françaises.
De plus, une telle politique contribue à dévaloriser l’audio numérique par rapport aux autres biens culturels, alors qu’il est aujourd’hui le support économique incontournable de l’industrie musicale.
Cet amendement de Nathalie Delattre vise donc à allouer des crédits d’un montant de 10 millions d’euros à la rétribution des œuvres culturelles numériques dans le cadre du dispositif du pass Culture, afin d’inciter le Gouvernement à rétribuer celles-ci de la même manière que les autres œuvres.
Le dispositif proposé se heurte à la philosophie même du pass Culture. Ce dernier est un outil qui doit non pas non garantir des rentes de situations à des plateformes que connaissent déjà les jeunes, mais permettre de faire évoluer les pratiques culturelles. Cette logique de non-remboursement découle de cette philosophie.
Je note d’ailleurs que la musique enregistrée ne représente que 9 % des achats effectués sur l’application. Il ne semble donc pas utile de revenir sur ce point.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Monsieur Fialaire, lorsque le pass Culture a été conçu, les acteurs numériques y ont été associés en tant que partenaires, et ils ont accepté ce principe de non-remboursement avant même de s’engager dans le dispositif.
Cela correspond du reste à une petite part d’autofinancement du pass Culture, l’essentiel du financement reposant sur le large budget consenti par l’État.
J’ajoute que les dépenses effectuées par les jeunes dans le cadre du pass Culture pour des œuvres numériques sont plafonnées à 100 euros. Or il s’agit de très faibles montants.
À ce stade, une évolution ne paraît donc pas indispensable. Mais nous resterons vigilants à l’avenir.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-656 est retiré.
L’amendement n° II-703, présenté par Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Sonia de La Provôté.
Cet amendement vise à souligner l’insuffisance du financement de l’archéologie préventive.
Si les subventions destinées aux 62 collectivités territoriales habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques ont été relevées, cette augmentation demeure insuffisante pour financer à la hauteur de leurs besoins les opérateurs publics, singulièrement des collectivités, en charge de cette mission. Cette insuffisance est de plus est renforcée par l’inflation.
Il est donc proposé de rattraper ce besoin de financement en abondant le programme 175, « Patrimoines », à hauteur de 8 millions d’euros en fléchant ces crédits sur l’action n° 09, Patrimoine archéologique.
Ce rattrapage me semble d’autant plus justifié que deux amendements visant à augmenter les moyens de l’Inrap seront examinés ensuite. Par parallélisme, les moyens des collectivités doivent, eux aussi, augmenter.
Si les règles de recevabilité budgétaire m’obligent à gager cette proposition par un transfert de crédits provenant d’autres programmes de la mission, en l’occurrence des crédits consacrés au pass Culture, je souhaite néanmoins la levée du gage et la pérennité des autres dispositions de cette mission.
Le projet de loi de finances prévoit environ 9 millions d’euros au titre des dépenses de soutien aux fouilles archéologiques programmées et réalisées par les collectivités territoriales en partenariat avec d’autres organismes.
Ce montant progresse de 4 millions d’euros par rapport à 2022, avec pour ambition une « sincérisation » des crédits. Il s’agit d’une première étape bienvenue.
Une fois que nous disposerons des résultats de l’exécution 2023, nous pourrons envisager d’adapter le dispositif.
À ce stade, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Madame la sénatrice de La Provôté, le sujet que vous pointez est l’une des orientations que j’ai défendues au cours de la négociation budgétaire de cet été.
Pour avoir évoqué l’archéologie préventive à plusieurs reprises avec François Sauvadet, le président de l’Assemblée des départements de France, je sais que de nombreux élus sont soucieux de cet enjeu.
Au terme d’un moment fort de la négociation budgétaire de cet été, j’ai tout de même obtenu une hausse, que j’estime assez significative, de 20 % des crédits par rapport à l’an dernier.
À l’issue des prochains mois, nous pourrons faire le bilan de ce budget, et évaluer les arguments à faire valoir en vue d’une éventuelle évolution.
Je demande également le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation d’un certain nombre de collectivités, d’entreprises et de particuliers qui possèdent des terrains sur lesquels des vestiges sont découverts.
Une fois que la présence potentielle de vestiges est identifiée, la charge de la fouille est particulièrement lourde, et j’estime que des dispositifs d’accompagnement doivent être mis en œuvre.
En effet, cela aboutit par exemple à un renchérissement du coût des opérations immobilières, ce qui, compte tenu du coût est déjà élevé des logements, est particulièrement préjudiciable à l’accès au logement de tous.
Je souhaite donc que le Gouvernement étudie des modalités d’accompagnement des différents acteurs concernés.
Madame la ministre, j’ai bien entendu vos remarques au sujet de la hausse du budget de 20 %. Je propose donc de retirer l’amendement jusqu’au rendez-vous du prochain projet de loi de finances.
Comme cela a été dit à juste titre, il s’agit d’une première étape. Je rappelle que les collectivités territoriales ont une place très particulière dans le dispositif d’archéologie préventive et que leur engagement en faveur de la protection du patrimoine archéologique est certain. À ce titre, elles doivent être considérées comme participant de manière pleine et entière à cette politique.
L’amendement n° II-703 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-396 rectifié est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-682 est présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° II-396 rectifié.
Sur les exercices précédents, les crédits du plan de relance ont constitué une garantie non négligeable pour les acteurs du patrimoine, mais ils ont aussi engendré une augmentation d’activité en matière d’aménagement et de construction, qui devrait se poursuivre en 2023.
Cette situation a des conséquences directes en matière d’archéologie préventive avec un surcroît d’activité dont on se réjouit, mais que l’Inrap et les services agréés des collectivités territoriales doivent pouvoir assumer en matière de diagnostic. Il apparaît notamment que les aménageurs publics ou privés sont aujourd’hui satisfaits des délais d’exécution des opérations de diagnostic, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Aussi, dans un souci de préserver des relations apaisées avec les aménageurs, cet amendement vise à octroyer 5 millions d’euros supplémentaires à l’Inrap, afin de permettre à l’Institut d’assumer les demandes d’opérations actuelles et celles qui sont prévues en 2023, liées à la recrudescence des prescriptions, à la suite de la crise sanitaire.
Nous proposons donc d’abonder de 5 millions d’euros l’action n° 09, Patrimoine archéologique, du programme 175, « Patrimoines », et de minorer, du même montant, l’action n° 07, Fonctions de soutien du ministère, du programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° II-682.
J’ai eu à pratiquer – c’est pour ainsi dire un souvenir d’ancien combattant – la loi de 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques et je me souviens de la difficulté, y compris dans cet hémicycle, avec laquelle la nouvelle loi sur l’archéologie préventive a été votée. Je suis très heureux de voir que, aujourd’hui, les élus la défendent et souhaitent même que l’Inrap participe davantage à cette mission de service public.
J’ai entendu aussi, madame la ministre, vos engagements forts en faveur de l’archéologie préventive et je m’en réjouis. Je crois, en effet, que le développement économique ne peut pas aller à l’encontre du patrimoine, pour reprendre les mots très justes de mon collègue Max Brisson à propos des énergies renouvelables.
En l’occurrence, au travers de cet amendement, nous aimerions que les aides de l’Inrap pour réaliser le diagnostic soient bien plus dynamiques et qu’elles puissent s’adapter, de façon presque continue, à l’énorme cahier des charges auquel l’Inrap et les services des collectivités sont soumis. En effet, ils sont complémentaires et, très souvent dans les départements, ils passent des conventions pour travailler ensemble.
J’ai bien compris que Bercy vous demandait un bilan. Il serait intéressant que dans une prochaine loi de finances rectificative l’on puisse ajuster cette subvention à l’Inrap pour lui permettre de réaliser les diagnostics et pour faire en sorte de ne pas ralentir les travaux.
Je considère que cela est tout à fait essentiel pour que l’archéologie préventive continue d’être politiquement acceptable.
Ces amendements identiques, ainsi que le précédent de notre collègue de La Provôté, tendent à faire évoluer les crédits prévus dans le projet de loi de finances sur ces questions.
Il s’agit là de financer l’Inrap ; or il est indiqué que les crédits supplémentaires prévus sur l’exercice 2023, soit 4, 8 millions d’euros, couvrent l’inflation pour 2, 6 millions d’euros et la progression des salaires des agents pour 2, 2 millions d’euros.
Par conséquent, ces nouveaux crédits ne couvrent pas l’augmentation du nombre de diagnostics réalisés, autrement dit la charge pour l’opérateur, alors que celle-ci était déjà en évolution importante puisque l’on comptait 1 842 diagnostics en 2020 et 2 019 interventions en 2021.
Nous souhaiterions donc savoir comment le ministère envisage de gérer avec l’opérateur cette augmentation du nombre de ses interventions. De nouvelles règles sont-elles envisagées pour alléger cette charge ?
Dans le rapport de contrôle sur le financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture, que Didier Rambaud et moi-même avons publié en février dernier, nous avions insisté sur la nécessité de renforcer, par exemple, les liens entre le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) et l’Inrap, au sujet des diagnostics archéologiques subaquatiques. Nous appelions notamment à la systématisation de conventions d’évaluation archéologique tarifées entre les opérateurs numériques et le Drassm pour éviter le risque d’intervention à perte pour l’Inrap. Qu’en est-il, madame la ministre ?
La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je suis ravie de voir autant de spécialistes de l’archéologie au Sénat ; c’est réjouissant !
Sourires.
J’étais samedi dernier à Villers-Cotterêts et j’ai pu échanger avec des agents de l’Inrap qui m’ont montré les résultats de leurs fouilles. C’est impressionnant : de magnifiques découvertes viendront enrichir notre connaissance de l’histoire.
Le PLF prévoit en effet un relèvement des crédits de 5 %, qui permet d’absorber la hausse des prix à hauteur de 2, 6 millions d’euros et d’accompagner la réforme de la revalorisation salariale des agents à hauteur de 2, 2 millions d’euros, comme vous venez de le dire, monsieur le rapporteur spécial.
Toutefois, cette mesure vient en complément des hausses intervenues en 2021 et 2022, soit 5 millions d’euros en 2021 et 1, 5 million d’euros en 2022 ; elle s’ajoute surtout aux crédits importants inscrits dans le plan de relance puisque, aux 34, 5 millions d’euros initialement prévus en 2020, sont venus s’ajouter dans ce cadre 20 millions d’euros supplémentaires.
En ce qui me concerne, je serai vigilante en matière de gestion. En effet, je n’ai pas pu obtenir plus sur ce sujet que tout ce que j’avais déjà obtenu pour l’archéologie et qui me semble satisfaisant. Toutefois, en matière de gestion, le ministère dispose d’une visibilité certaine sur les chantiers qui progressent, de sorte que je serai très attentive à rééquilibrer la répartition des crédits, chaque fois que cela sera possible.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.
Nous resterons sur un avis de sagesse, madame la présidente. Chacun décidera en fonction des éléments de réponse.
Nous avons bien compris que Mme la ministre, en négociant son budget, n’a pas obtenu satisfaction en tout point. Peut-être pouvons-nous l’aider ?
Sourires.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-396 rectifié et II-682.
Les amendements sont adoptés.
L’amendement n° II-691, présenté par Mme Paoli-Gagin et M. Capus, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Cet amendement vise à augmenter les crédits prévus par la mission « Culture » pour la reconversion du site de Clairvaux.
L’abbaye de Clairvaux, fondée en 1115 par Bernard de Clairvaux, constitue un site patrimonial, culturel et historique hors du commun. En effet, cette abbaye cistercienne s’est développée pendant près de huit siècles jusqu’à devenir un bien national, en 1792, après la Révolution. Sur l’initiative de Napoléon, elle est reconvertie au début du XIXe siècle en prison, devenant de ce fait un haut lieu de l’histoire carcérale de notre pays. Elle a notamment accueilli Claude Gueux, dont Victor Hugo s’est inspiré pour l’un de ses romans.
Désormais, l’État a engagé la fermeture de la prison et lancé un appel à manifestation d’intérêt, comme je l’ai indiqué précédemment. Les premiers résultats ont été annoncés le 12 novembre dernier. Plusieurs dossiers de candidature sont encore en lice, qui partagent tous l’ambition de faire de Clairvaux un lieu de culture au rayonnement international, comme il le fut à l’époque cistercienne, ainsi qu’un lieu de redynamisation pour le tissu économique local, en exploitant au mieux toute la richesse patrimoniale du site.
Cette reconversion implique ainsi une mobilisation massive de capitaux privés, afin d’engager d’importants travaux de restauration et le lancement de nouvelles activités en lien avec le projet qui sera finalement retenu. Ce flux financier s’articulera avec les crédits inscrits dans la mission « Culture », à hauteur de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2 millions d’euros en crédits de paiement, au titre de l’action n° 01, Monuments historiques et patrimoine monumental, du programme 175, « Patrimoines ».
Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances indiquent dans leur rapport que « le montant des AE prévu ne représente au mieux que 10 % du coût total du chantier, estimé entre 150 et 200 millions d’euros ».
Afin d’augmenter les moyens consacrés par l’État, dès 2023, à la reconversion du site, cet amendement vise à retenir le même pourcentage de 10 %, mais pour l’appliquer à la borne supérieure de la fourchette estimée des travaux.
En outre, afin d’assurer un décaissement rapide de ces crédits et de ne pas provoquer de retard dans le lancement du projet de reconversion, nous proposons de mettre en correspondance le montant des crédits de paiement avec celui des autorisations d’engagement…
Nous avons déjà indiqué et je l’ai répété dans une intervention précédente que nous étions réservés sur la dotation de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement pour un projet d’une ampleur considérable. En effet, ceux qui connaissent ce monument savent qu’il est extrêmement important en volume et en qualité patrimoniale.
Néanmoins, les premiers résultats de l’appel à manifestation d’intérêt ont été rendus publics il y a deux semaines. Il faudra, bien évidemment, de nombreux mois pour ajuster le projet de négociation, de façon à pouvoir fixer un montant d’autorisations d’engagement définitif.
En l’état d’avancement du dossier, il ne nous semble pas que le montant de 15 millions d’euros soit exclu, raison pour laquelle nous demandons le retrait de cet amendement.
Je souscris en tout point à ce que vient de dire M. le rapporteur spécial. Il s’agit de l’un des chantiers qui nous tient le plus à cœur ; je l’avais d’ailleurs mis en avant dans les exemples que j’ai donnés lors de ma conférence de presse budgétaire.
Il est tout de même encourageant que neuf groupements privés se soient portés candidats. Attendons de voir : trois d’entre eux ont été sélectionnés dans la première short list. Sur l’ampleur des travaux et la nature des projets, il faut entrer dans le détail. Ce n’est pas seulement le budget de 2023, mais ce sont aussi ceux de 2024 et des années suivantes qui serviront à accompagner ce chantier.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Madame la ministre, je veux marquer mon attachement très fort à ce lieu de mémoire. D’abord, c’est un édifice cultuel extrêmement important, y compris pour le rayonnement de l’art cistercien. Ensuite, c’est un lieu où des résistants, nombreux, ont été incarcérés et ont été fusillés. Alors que nous vivons partout une période de montée des périls, je pense qu’il est très important de rappeler cette mémoire.
Si vous me permettrez un commentaire très personnel, c’est en ce lieu que mon arrière-grand-père, Maurice Romagon, a été fusillé le 7 mars 1942.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-495, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Plusieurs rapports réalisés récemment au Sénat soulignent que les directions régionales des affaires culturelles et les directions des affaires culturelles n’ont pas suffisamment de moyens humains pour pouvoir accompagner les collectivités territoriales, notamment en matière d’ingénierie.
Dans un rapport thématique, rendu en juin dernier, la Cour des comptes mentionne, quant à elle, la situation préoccupante des ABF.
Face aux difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour assurer l’entretien et la valorisation du patrimoine local, les effectifs des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap) se révèlent insuffisants et ne sont plus en en mesure de répondre aux demandes des collectivités. Le nombre d’architectes des bâtiments de France semble décliner progressivement, comme d’ailleurs l’attractivité de cette carrière : les places au concours n’arrivent plus à être intégralement pourvues.
Ce manque d’attractivité tient sans doute à la rémunération un peu faible des ABF dépendant du ministère de la culture, mais certainement davantage aux conditions difficiles dans lesquelles ceux-ci exercent leur profession, compte tenu de leur petit nombre et du nombre très élevé d’avis annuels à donner.
L’insuffisance de ces moyens humains provoque l’allongement du délai d’instruction des dossiers et le ralentissement des chantiers, mettant ainsi en péril la protection des sites dont les ABF sont les garants.
Au regard des besoins d’expertise patrimoniale croissants dans les territoires, le recrutement d’un architecte des bâtiments de France supplémentaire par département doit constituer un objectif à moyen terme, qui permettrait de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État sur ses projets de restauration et de conservation patrimoniale, et d’offrir une assistance à maîtrise d’ouvrage minimale aux porteurs de projet.
Cet amendement vise donc à abonder de 3 millions d’euros supplémentaires l’action n° 01, Monument historiques et patrimoine monumental, du programme 175, « Patrimoines ». J’ai conscience qu’il faudra aussi envisager de travailler à améliorer l’attractivité du métier, mais, comme je viens de le dire, celle-ci serait déjà sensiblement améliorée si la charge de travail des ABF était moins lourde.
Je rappelle que la majoration des crédits dédiés aux Drac en faveur des patrimoines correspond à une préoccupation ancienne de la commission des finances. Nous avions d’ailleurs signalé, en 2018, à l’occasion d’une mission de contrôle, le manque de moyens pour les déplacements des agents ou encore la faible attractivité financière des métiers.
Une partie des difficultés a été levée grâce au plan de rattrapage indemnitaire, mais celui-ci ne résout pas tout.
Notons cependant que le Gouvernement a entendu notre préoccupation en acceptant une majoration des crédits affectés aux Drac à hauteur de 1 million d’euros, en reprenant un amendement qui avait été déposé à l’Assemblée nationale dans le texte transmis au Sénat.
Dans ces conditions, peut-être faut-il attendre les premiers résultats de l’exécution 2023 pour envisager une nouvelle majoration de crédits.
Aussi, la commission formule une demande de retrait.
En complément, je précise que l’effectif, qu’il s’agisse de celui des architectes des bâtiments de France, des ingénieurs ou des techniciens, n’a pas diminué durant ces dernières années. Au contraire, le ministère de la culture s’est attaché à reconstituer cet effectif dans les départements où il y avait eu une baisse.
En réalité, l’enjeu est non pas tant celui du nombre d’équivalents temps plein (ETP) que le fait de devoir faire face à des vacances de postes et à une baisse du nombre de candidats aux concours. Il s’agit donc surtout de travailler sur l’attractivité du métier des architectes des bâtiments de France, sujet dont nous avons discuté lors d’un séminaire où je les ai tous réunis, il y a quelques jours. Plusieurs pistes ont été suggérées en ce sens, dont celle de travailler avec l’ordre des architectes.
Je demande donc le retrait de cet amendement, parce que son objet ne répond pas pleinement à la difficulté à laquelle nous sommes confrontés, à savoir le manque d’attractivité de la profession.
Je profite de cette intervention pour remercier tous les sénateurs, qu’ils soient présents ou pas sur les travées, qui se sont mobilisés récemment dans les débats pour défendre le rôle des ABF. Je sais que vous connaissez très bien l’importance de leur mission. Que ce soit pour défendre leur avis conforme ou pour continuer de concilier le développement des énergies renouvelables et la préservation du patrimoine, merci à vous tous pour cet engagement !
M. Pierre Ouzoulias applaudit.
Cet amendement est important, même si son adoption ne permettrait pas de répondre complètement à la question. En effet, on le sait, la situation de l’ingénierie dans les Drac est un vrai sujet pour les collectivités territoriales et la question des ABF s’est posée dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables. En le votant, nous enverrions un signal aux Drac : il faut les rassurer sur ce sujet, d’autant plus qu’il reviendra.
Pour ne pas allonger les débats, je dirai simplement que je soutiens et appuie ce que vient de dire Sylvie Robert.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-356, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Cet amendement, que je présente au nom de la commission de la culture, vise à permettre aux écoles territoriales d’appliquer aux étudiants boursiers le même niveau d’exonération que dans les écoles nationales, en compensant pour elles les effets de cette mesure à hauteur de 2, 5 millions d’euros.
Alors que les écoles nationales et les écoles territoriales délivrent les mêmes diplômes, leurs étudiants n’ont pas les mêmes droits. La revalorisation des bourses sur critères sociaux destinées aux étudiants des écoles nationales en 2023 risque de creuser encore l’écart entre les écoles nationales et les écoles territoriales et d’accroître ainsi les inégalités de traitement entre les étudiants.
La diversité sociale et culturelle étant une politique portée par l’État et non par les collectivités territoriales, il paraît logique de prévoir ce transfert de crédits.
En effet, cette ouverture de crédits s’inscrit dans le prolongement de la majoration des bourses sur critères sociaux, versées aux étudiants des écoles nationales, prévue dans le présent PLF à hauteur de 7, 5 millions d’euros.
Il convient simplement de rappeler, à ce stade, que des aides individuelles pour le soutien aux pratiques artistiques des élèves de l’enseignement initial, dans le domaine du spectacle vivant, sont déjà versées aux élèves des conservatoires à rayonnement départemental et régional, dès lors que ceux-ci sont adossés à des pôles d’enseignement supérieur du spectacle vivant.
Une dotation de 1, 6 million d’euros est prévue dans le présent PLF. La majoration des crédits dédiés de 2, 5 millions d’euros que vise le présent amendement viendrait donc plus que doubler cette enveloppe.
Dans le rapport de contrôle sur l’enseignement supérieur du spectacle vivant, que Vincent Éblé et moi-même avions rendu public en février dernier, nous avions appelé à une clarification des modalités de financement des écoles territoriales. Les règles en la matière peuvent, en première analyse, paraître obscures et sont jugées inégales selon les Drac.
L’octroi de nouveaux crédits devrait donc être précédé d’une mise à plat du financement de l’État, dans le prolongement d’ailleurs de la réforme des conservatoires, qui semble peiner à se déployer.
Néanmoins, compte tenu du contexte inflationniste, comme du risque de décalage entre les établissements nationaux et les écoles territoriales, une majoration immédiate peut être jugée opportune. Aussi l’avis est-il favorable.
Ce sujet est très important : je l’ai dit brièvement dans mon propos liminaire, j’ai placé au cœur de mes priorités l’amélioration de la situation des établissements d’enseignement supérieur artistique, en particulier celle des écoles d’architecture.
Globalement, les écoles d’art territoriales n’ont pas du tout été oubliées, puisqu’elles bénéficient d’une enveloppe de 10 millions d’euros en investissement et de 21 millions d’euros en fonctionnement.
Cela correspond aux demandes que l’on nous a fait remonter, qu’il s’agisse des besoins d’investissement et de mise aux normes ou des besoins de rebasage en fonctionnement pour tenir compte du contexte d’inflation, que vous connaissez.
Je vous assure que, dans le cadre de tous les échanges que j’ai pu avoir avec l’Association des régions de France (ARF), l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et même la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), ce sujet ne faisait pas partie des priorités qui ont été signalées à l’été et à l’automne dernier.
Rappelons quand même que les taux d’inscription sont très bas dans ces écoles : à cet égard, la France enregistre l’un des taux les plus bas d’Europe.
Pour moi, la priorité n’était pas là, je l’avoue ; elle portait sur l’accompagnement pour l’investissement et pour le fonctionnement, et nous y avons mis le budget nécessaire.
Par conséquent, l’avis est défavorable
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-357 rectifié, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Cet amendement, que je présente au nom de la commission de la culture, vise à revaloriser de 2, 2 millions d’euros le montant des crédits destinés à compenser la hausse des salaires des enseignants contractuels des Ensa. En effet, le coût de cette mesure a été évalué à 4 millions d’euros, selon ce que l’on nous a dit en audition ; or le projet de loi de finances ne comporte que 1, 8 million d’euros à ce titre.
Cette mesure paraît indispensable pour permettre aux Ensa, dont le budget a augmenté, il est vrai – je l’ai mentionné précédemment – de retrouver des marges de manœuvre financières leur permettant de maintenir un enseignement de qualité, car d’autres contraintes viennent aussi affecter leur budget.
Sur ce sujet, il ne semble pas qu’il y ait de désaccord de fond. Tout le monde convient qu’une revalorisation de la rémunération des enseignants-chercheurs dans les écoles d’architecture est nécessaire. Le processus est engagé dans le présent projet de loi de finances, à hauteur de 1, 65 million d’euros. La commission, considérant qu’il s’agit là d’une première étape, demande le retrait de cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
J’attire votre attention sur le fait qu’il nous reste quinze minutes et six amendements à examiner. Si chaque orateur prend deux minutes pour présenter son amendement, nous ne parviendrons pas à tenir les délais. Vous aurez compris ce qu’il convient de faire.
L’amendement n° II-505, présenté par M. Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Gratuité des musées pour les 18-25 ans
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
Gratuité des musées pour les 18-25 ans
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Des dispositions ont été prises par l’État, par des collectivités territoriales et par des établissements culturels pour mettre en place, dans une certaine mesure, la gratuité des musées pour les 18-25 ans. La plupart du temps, elles sont soumises à des modalités d’applications variables selon le jour, l’horaire ou l’offre artistique.
Notre amendement vise à généraliser cette gratuité. Nous sommes conscients que celle-ci n’est pas la réponse unique à l’enjeu de démocratisation de la culture. Toutefois, elle permet de lever un premier frein.
Je me permets de souligner que, dans l’étude menée par le Val-de-Marne sur les raisons de la non-fréquentation du Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (MAC VAL), la première réponse est : « Ce n’est pas pour moi » et la deuxième : « Le coût est trop élevé », et ce malgré un tarif très peu dissuasif.
Madame la ministre, nous vous demandons d’investir au profit de la jeunesse et nous souhaitons que le gage soit levé sur cet amendement.
Nous considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel, incontestablement séduisant. Je me permets de vous rappeler que le pass Culture tente de répondre à votre demande en intégrant les musées dans la partie de son offre dédiée aux 18-20 ans. Il semble néanmoins difficile pour l’État d’imposer à la totalité des musées, notamment privés, cette gratuité, fût-elle compensée.
C’est donc une demande de retrait.
Même avis, d’autant que le MAC VAL, pour reprendre l’exemple que vous avez cité, est inclus dans le pass Culture et bénéficie du dispositif. Tous les musées nationaux sont déjà gratuits pour les moins de 25 ans, voire les moins de 26 ans.
On ne peut pas imposer aux musées territoriaux leur politique tarifaire au nom de la libre administration des collectivités territoriales. En revanche, grâce au pass Culture collectif, les sorties au musée se développent et c’est également le cas grâce au pass Culture individuel. Nous apportons aussi des aides via les Drac à un ensemble de programmes, dont l’Été culturel, qui permet à des populations, notamment jeunes, qui ne peuvent pas partir en vacances, d’aller au musée.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-524, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux associations de réduction des risques
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
Fonds de soutien aux associations de réduction des risques
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Thomas Dossus.
Les associations de réduction des risques sont présentes dans de nombreux festivals ou concerts pour sensibiliser le public aux risques liés à l’usage de drogues. Leur action permet de réduire le nombre d’overdoses, d’identifier et de sensibiliser les usagers au sujet des produits les plus dangereux. Or cette présence essentielle est loin d’être garantie pour tous les événements.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons donc favoriser la généralisation de la présence de ces associations en milieu festif. Bien souvent, ce sont les collectivités seules qui accordent leurs subventions à ces associations ; il est temps que l’État s’engage davantage.
On ne peut pas être contre l’objet de cet amendement, mais il n’a pas sa place dans le texte. Nous pensons que la création d’un tel dispositif au sein de la mission « Culture » contribuerait à un essaimage regrettable des moyens budgétaires dédiés à la lutte contre ces addictions.
C’est donc une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable.
Je m’engage à parler de ce sujet à mon collègue François Braun, car il relève davantage du domaine de la santé. Je connais bien l’association Technopol, qui a agi de manière très forte sur ces sujets.
Madame la présidente, je prends une minute pour revenir sur un point que je n’ai pas eu le temps d’aborder précédemment.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’attention que vous portez à la tenue des festivals au moment des jeux Olympiques de 2024. Nous sommes au milieu d’un travail très méthodique, que nous menons région par région, phase par phase et au cas par cas pour que les organisateurs de ces festivals puissent décaler leur date de quelques jours et revoir leur format, si besoin est, afin qu’ils puissent se tenir.
En réalité, seuls sont concernés les festivals mobilisant des recours nationaux en unités de forces mobiles. On ne parle donc pas de tous les festivals de France, je veux vous rassurer à ce sujet. Un pointage a été fait de manière très précise et nous sommes en cours de discussion avec le ministre de l’intérieur, la ministre des sports et les préfets concernés. Le dialogue est très constructif à ce stade, soyez donc rassurés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-657, présenté par Mme Pantel et MM. Fialaire et Artano, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
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TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Bernard Fialaire.
Cet amendement de notre collègue Guylène Pantel vise à soutenir les collectivités territoriales pour l’entretien et la valorisation du patrimoine local.
On sait combien ce patrimoine, du pigeonnier au lavoir, en passant par la demeure de maître ou le musée de proximité, signe l’identité de nos villes et de nos villages.
Je vous épargne la suite des arguments et m’en tiens à vous dire que, sans méconnaître les moyens financiers du fonds incitatif et partenarial (FIP) grâce auquel l’État accompagne les communes à faibles ressources, nous souhaitons par cet amendement soutenir davantage les collectivités territoriales pour l’entretien et la valorisation du patrimoine local, qui fait toute la richesse de la France.
C’est une demande de retrait en raison de l’inscription dans le projet de loi de finances des crédits d’un fonds incitatif et partenarial, qui est déjà majoré. La commission des finances a estimé que cette demande était satisfaite.
L’amendement n° II-657 est retiré.
L’amendement n° II-496, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Soutien aux politiques du ministère de la culture
dont titre 2
Éducation aux médias et à l’information
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Lucien Stanzione.
Par cet amendement, nous proposons, en complément du FIP, qui vise à aider les collectivités disposant de faibles ressources à financer les travaux d’entretien, de restauration et de mise en valeur des monuments historiques, de créer un fonds d’expérimentation permettant aux Drac de proposer une assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux en direction de ces mêmes collectivités.
Dans son récent rapport sur la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, la Cour des comptes établit que cette disposition, prévue dans le code du patrimoine depuis que la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments a été rendue au propriétaire, a été très peu suivie d’effets.
De nombreuses collectivités ont besoin d’un accompagnement technique des porteurs de projets publics. Or la non-satisfaction de ce besoin entretient la sous-consommation des crédits consacrés aux monuments historiques.
Notre proposition est corroborée par le dispositif mis en place, depuis plus d’une dizaine d’années, par la Drac de Bretagne.
Une majoration de la dotation des Drac de 1 million d’euros, proposée par amendement lors de l’examen du projet de loi de finances l’Assemblée nationale, a été retenue par le Gouvernement dans la version du PLF transmise au Sénat.
La commission demande le retrait du présent amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les articles 41 quater et 41 quinquies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les actions susceptibles d’être mises en œuvre afin d’améliorer le recours au « pass culture » par ses bénéficiaires potentiels en milieu rural et sur leurs conséquences pour le budget de l’État.
L’amendement n° II-8, présenté par MM. Éblé et Rambaud, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
La généralisation du pass Culture soulève plusieurs interrogations visant les publics concernés, mais aussi la qualité de l’offre. Le présent article additionnel a trait à son déploiement en milieu rural, ce qui pose avant tout la question de l’offre culturelle dans ces territoires. Si pertinent que soit cet angle d’approche, les pistes d’amélioration du dispositif doivent également concerner l’accès des jeunes ayant quitté les structures scolaires, quelle que soit la zone géographique où ils évoluent.
Les projets et rapports annuels de performance documentent déjà précisément l’évolution du dispositif. Le rapport annuel d’activité de la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture détaille également les modalités de recours à l’application mobile, en ciblant notamment les actions en direction des publics les plus éloignés.
Dans ces conditions, il est proposé de supprimer cet article.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L ’ amendement est adopté.
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état des moyens et des coûts de l’activité d’accompagnement de l’État sur les grands projets d’infrastructures culturelles, au regard du contexte, sur les territoires de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
L’amendement n° II-9, présenté par MM. Éblé et Rambaud, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Sans remettre en question la pertinence du sujet de l’accès aux infrastructures culturelles, il est possible de s’interroger sur la nécessité d’inscrire en loi de finances la remise d’un rapport ; la commission des finances est traditionnellement assez réservée sur ces nombreuses demandes de rapports émises à l’occasion de l’examen du PLF.
En l’occurrence, le rapport demandé ne concerne qu’une partie des territoires ultramarins et ne vise in fine que l’action de la seule direction des affaires culturelles de Guadeloupe, puisque les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy relèvent du ressort de celle-ci.
Dans ces conditions, il est proposé de supprimer cet article.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’article 41 quinquies est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il ne me semble pas utile, à ce stade de la discussion, de passer en revue l’ensemble des crédits de cette mission. J’apporterai les précisions nécessaires en donnant l’avis de la commission sur les différents amendements.
Un premier secteur, celui du programme « Livre et industries culturelles », connaît des difficultés liées à la fréquentation des salles, qui n’a pas retrouvé son niveau d’avant 2020 malgré une atténuation de l’épidémie de covid-19, qu’il s’agisse des cinémas, des festivals, des théâtres ou des bibliothèques.
Je le précise immédiatement, puisqu’une série d’amendements les concernant sera examinée : nous avons reçu les responsables du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), du Centre national de la musique (CNM) et ceux de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Chaque structure a naturellement des difficultés.
Cependant, le financement du CNC, grâce à des méthodes diverses, demeure globalement important, en dépit de la baisse de la fréquentation des salles, significative, d’environ 20 % par rapport à son niveau de 2019. Reste à savoir si le CNC a raison de financer des films ou des séries diffusés sur Netflix, mais c’est un autre sujet.
Le problème du CNM est plus complexe. En effet, cet opérateur n’a, pour le moment, pas réellement trouvé sa place ou, plus exactement, madame la ministre, il ne dispose pas des financements adéquats. Si les crédits nécessaires pour l’année prochaine ont pu à peu près être dégagés, grâce à des redéploiements, il importe néanmoins de réfléchir, dès maintenant, à d’autres sources de financement et à une autre organisation, afin que le CNM ne connaisse pas de très graves difficultés en 2024. Des propositions ont été faites en la matière et nous attendons votre avis afin de savoir quelles pistes pourraient renforcer et stabiliser le monde de la musique.
La BNF représente, quant à elle, un problème permanent. Un amendement y a trait, sur lequel je donnerai un avis défavorable
Oh non ! sur les travées du groupe CRCE.
La BNF rencontre des difficultés en matière d’investissement, d’abord parce que le bâtiment vieillit. Ainsi, 10 000 fenêtres sont à remplacer pour un coût unitaire de 16 000 euros par fenêtre, soit un total de 160 millions d’euros. Si vous avez ces crédits « en magasin », madame la ministre, nous sommes preneurs !
Mme la ministre sourit.
La BNF est le « paquebot de la lecture » en France. Mais c’est un paquebot tellement lourd que j’ignore jusqu’à quel niveau d’investissement il faudra aller pour maintenir la qualité du service et son périmètre. Soyons francs, lors de sa construction, nous pensions nous diriger vers l’ère du numérique et de l’abandon de tout stockage de support papier. Mais c’est ainsi : les dépôts de documents et de livres extrêmement importants perdurent.
Résultat des courses : il a été décidé de créer un nouveau centre de conservation à l’extérieur de Paris. Cependant, alors qu’il n’est ni construit ni livré, il est déjà considéré comme probablement insuffisant pour répondre aux besoins dans quatre à cinq ans. Sans doute faudra-t-il envisager encore un autre centre…
Le budget de la lecture doit donc clairement être recalibré dans ce pays, d’autant que – disons-le – la BNF absorbe un tel niveau de crédits qu’il ne reste pas grand-chose – et je m’en excuse auprès des élus des territoires concernés – pour les bibliothèques de province. La BNF est un gouffre, certes un gouffre utile, mais un gouffre quand même ! Les bibliothèques de province ont donc du mal à survivre face à un tel paquebot.
Madame la ministre, dans les quelque deux minutes qui me restent, j’aborderai la question de l’audiovisuel public.
Pour ne rien vous cacher, je vous l’avais d’ailleurs dit, le candidat-président – ou le président-candidat… – avait promis de supprimer la contribution à l’audiovisuel public (CAP), la présentant comme un gain de pouvoir d’achat pour les citoyens. Sauf qu’en réalité rien n’a été prévu en contrepartie.
Mon collègue Jean-Raymond Hugonet et moi-même avons rédigé un rapport ayant pour objectif de dégager des pistes de financement. Celles-ci sont intéressantes, mais elles ne sont fondées que si une réforme de l’audiovisuel public a lieu. Cette fameuse réforme, dont il est sans arrêt question depuis 2017, ne connaît pas le moindre commencement de réalisation.
Un texte a bien été déposé à l’Assemblée nationale, mais il n’est jamais arrivé au Sénat et a été visiblement en grande partie abandonné, même si vous en reprenez certains éléments.
En pratique, le périmètre et les missions de ce service public ne sont pas remis en cause ; il n’est question que d’argent, ce qui est à mes yeux une aberration.
Ainsi, chaque année, sont ajoutés 2 % ou 3 % au budget de l’année précédente, et ainsi de suite, sans jamais redéfinir les missions de ce service public ni ce qu’on attend de lui. Il s’agit là d’un véritable sujet.
J’ai émis, au sein de la commission des finances, après de nombreuses hésitations, un avis favorable au budget de 3, 8 milliards d’euros pour l’audiovisuel public, afin de ne pas entraver son fonctionnement.
Cependant, madame la ministre, très clairement, il s’agit d’un avis favorable one shot, si je puis me permettre d’utiliser l’anglais, pour montrer ma maîtrise de quelques mots.
Sourires.
One shot, cela veut dire que, si des éléments de réforme, permettant de progresser sur ce sujet, ne sont pas apportés en 2023, l’avis de la commission sera différent sur le budget pour 2024.
Madame la ministre, nous attendons beaucoup de votre part en matière d’audiovisuel public !
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel extérieur est un puissant outil de rayonnement, dans un contexte de tensions internationales fortes, alors que les valeurs de la démocratie et de l’État de droit sont attaquées de toutes parts. Je voudrais, ici, féliciter et remercier les équipes de France Médias Monde et de TV5 Monde pour leur engagement sans faille et leur courage en soutien de nos valeurs.
Cet audiovisuel répond aussi à une forte attente, dans de nombreux pays, où les audiences sont significatives.
Le projet de loi de finances prévoit une contribution de l’État à l’audiovisuel extérieur de 365 millions d’euros, dont 285 millions pour France Médias Monde, un budget en hausse de 3, 5 %, et 80 millions pour TV5 Monde, en hausse de 4 %, hors compensation des effets de la réforme du financement de l’audiovisuel public.
La contribution à l’audiovisuel public a en effet été remplacée par l’affectation, au secteur audiovisuel, d’une fraction du produit de la TVA.
Ce mode de financement confirme que les médias français sont des médias de service public et non des médias d’État : cette distinction est cruciale, sur le plan international, pour conforter l’indépendance de notre audiovisuel extérieur et, donc, pour en asseoir la crédibilité. Ce mode de financement n’est toutefois acté que jusqu’au 31 décembre 2024.
Or, madame la ministre, vos services semblent considérer qu’une budgétisation du financement aurait peu d’effets. Il nous semble, au contraire, qu’elle serait très préjudiciable. D’ores et déjà, les autorités compétentes du Land de Berlin ont fait savoir qu’une budgétisation du financement pourrait remettre en cause l’attribution à Radio France internationale (RFI) d’une fréquence FM.
Alors que nos chaînes subissent déjà des interdictions en Russie et au Mali, une budgétisation risquerait donc d’engendrer des suspicions, à l’origine d’un effet domino.
C’est pourquoi l’autonomie des chaînes de l’audiovisuel extérieur est aussi essentielle. Une fusion des différentes sociétés audiovisuelles publiques ferait passer l’actualité internationale au second plan. Or la plus grande incertitude continue de prévaloir sur l’organisation de l’audiovisuel public extérieur. Dans l’attente, les contrats d’objectifs et de moyens sont reconduits, sans vision claire de ce que sera l’avenir.
La BBC, elle, dispose d’une charte royale, approuvée par le Parlement britannique depuis 2016, qui garantit son indépendance. La mise en place d’une charte de ce type serait un facteur de crédibilisation supplémentaire pour France Médias Monde, s’ajoutant aux considérations relatives au financement et à l’organisation des chaînes, déjà mentionnées.
Sous réserve de ces remarques, l’augmentation des crédits est un signe positif. Notre commission a donc émis un avis favorable sur leur adoption.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, dans un contexte de concurrence internationale, les incertitudes pesant sur l’avenir de l’audiovisuel extérieur constituent un handicap.
Les moyens des opérateurs français stagnent. Entre 2018 et 2022, les dotations de l’État aux entreprises de l’audiovisuel public extérieur ont subi des baisses de l’ordre de 1, 5 %, sans que les recettes propres des chaînes, en diminution en raison de la crise sanitaire, puissent les compenser.
Dans le même temps, l’accroissement des tensions internationales a contraint nos partenaires à renforcer les moyens consacrés à leur audiovisuel extérieur.
C’est ainsi qu’en 2021 la chaîne allemande DW et la branche internationale de la BBC se sont vu allouer respectivement 396 millions d’euros et 355 millions d’euros.
Ces montants sont à comparer aux 255 millions d’euros dont disposait France Médias Monde cette même année, TV5 Monde répondant, quant à elle, à une logique différente.
De surcroît, le secteur audiovisuel est tenu de s’adapter aux nouveaux usages.
Ce qu’il fait bien et avec le succès que nous lui connaissons : France 24 est le premier média français sur YouTube, tandis que la plateforme TV5 Monde Plus, lancée en 2020, propose des contenus visionnés dans plus de 200 pays et territoires.
Si la promotion de la francophonie demeure la pierre angulaire de ce secteur, le plurilinguisme est un enjeu croissant. Ainsi, RFI a renforcé son offre en langues africaines au Sahel, grâce à un financement de l’Agence française de développement. Une étude montre que ces programmes y sont très suivis. France Médias Monde a, par ailleurs, dans le contexte de la guerre en Ukraine, consolidé son offre en Europe orientale avec le soutien financier du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ainsi une offre de RFI, 100 % numérique en ukrainien, a-t-elle été lancée en octobre 2022.
Nous appelons à la pérennité et à la stabilité des financements du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi que de l’Agence française de développement.
Ce budget de l’audiovisuel extérieur est plutôt favorable, même si l’inflation en relativise la portée. Nous devrons rester attentifs aux évolutions des conditions internationales particulièrement troublées.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la presse n’allait déjà pas très bien ces dernières années, puisqu’elle a vu ses recettes divisées par huit depuis 2000. Dépouillée de ses ressources publicitaires par les plateformes, elle est aussi la victime collatérale d’une information désormais disponible gratuitement, chacun étant devenu expert en tout.
Depuis des années, nous partageons et étayons ce constat. Je sais l’attention que vous accordez, madame la ministre, à cette question si essentielle pour nos démocraties.
Pourtant, les éditeurs et les journalistes ne sont pas restés immobiles. Certains titres ont su développer de nouveaux modèles économiques, d’autres ont bien avancé dans la transition numérique.
J’ai ainsi rédigé, au nom de la commission de la culture, un rapport sur la presse quotidienne régionale, remis au mois de juillet dernier, qui souligne les difficultés, mais également les perspectives et les ambitions de cette presse qui « va du village au monde ».
Crise, mais adaptation aussi, grâce au soutien jamais démenti des pouvoirs publics, au travers par exemple du plan de soutien à la filière presse, qui a enregistré des résultats remarquables s’agissant des imprimeries.
Or les conséquences de l’inflation sont venues percuter de plein fouet cet édifice encore trop fragile. Avec l’explosion des prix du papier, des titres, jusqu’ici juste à l’équilibre, plongent dans le rouge. Les autres reportent des investissements pourtant nécessaires.
De cela, madame la ministre, vous n’êtes bien entendu nullement responsable. Cependant, l’accompagnement des acteurs vous revient.
Or, si les crédits de cette année progressent, essentiellement pour des raisons liées à la réforme du portage et du postage, presque rien n’est prévu pour compenser, au moins partiellement, la hausse des coûts du papier.
Je dis « presque », car une disposition introduite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit 5 millions d’euros. Pour la seule presse quotidienne nationale et régionale, l’ardoise se monte en année pleine à 175 millions d’euros !
Ce n’est ni sérieux ni adapté.
Il est important de souligner que la presse n’a touché qu’une infime fraction des 150 millions d’euros du crédit d’impôt pour le premier abonnement. Ce dispositif, adopté pour la soutenir lors de la sortie de la crise pandémique, a été véritablement torpillé par les lourdeurs administratives, avant d’être supprimé cette année, sans grande considération d’ailleurs pour les quelques éditeurs, en particulier de la presse en ligne, qui avaient commencé à le mettre en avant.
Je pourrais compléter cette somme par les 500 millions d’euros d’amende infligés par l’Autorité de la concurrence, en novembre dernier, à Google, pour non-respect d’injonctions dans le cadre de la rémunération des droits voisins.
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, la presse rapporte de l’argent à l’État, mais celle-ci n’en voit pas la couleur en cas de besoin !
Par conséquent, 650 millions d’euros sont disponibles, 10 % seulement de cette somme seraient à la hauteur des enjeux du moment, et il resterait toujours 585 millions d’euros pour l’État.
Pour cette raison, madame la ministre – et à regret, je dois le dire –, la commission de la culture a décidé de s’abstenir sur les crédits du programme 180, « Presse et médias », et de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la sinistrose ambiante semble avoir largement contaminé la presse. Des articles alarmistes, parus en octobre, ont ainsi fait état de la « panique », qui se serait emparée du cinéma, et de son « cri d’alarme ». En un mot, les salles seraient aujourd’hui face à un destin funeste, sans grand espoir.
Il est vrai – comment le nier ? – que les chiffres ne sont pas à la hauteur des espoirs de l’après-crise : 50 millions de spectateurs en moins en 2020 et 2021 par rapport à la seule année 2019, et une baisse de fréquentation de 30 % pour 2022, année qui n’aura donc pas permis de retour à la normale.
Cependant, et sans tomber dans l’angélisme, je crois important d’apporter quelques nuances à ce constat.
Les chiffres sont bien meilleurs que la moyenne des années 1990, qui s’établissait alors à 135 millions de spectateurs.
Ensuite, les effets différés de la crise sur les productions doivent être bien mesurés. Si la France a maintenu un haut niveau de production, grâce – il faut le reconnaître – au soutien massif des pouvoirs publics, comme je le soulignais l’année dernière, tel n’a pas été le cas dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, où les tournages ont été arrêtés pendant plus d’un an.
Or le cinéma américain est essentiel au cinéma français : les « gros » films font venir les spectateurs en salles, qui en profitent pour découvrir les œuvres nationales. Cependant, ces films, pas encore terminés ou à la sortie décalée, ne sont tout simplement pas revenus en salle, les studios visant plutôt l’année 2023.
On doit alors se réjouir de l’immense succès de Top Gun : Maverick, totalisant 7 millions d’entrées, mais aussi de productions françaises ambitieuses qui ont trouvé leur public, comme La Nuit du 12 de Dominik Moll. Il existe donc bien un public prêt à aller dans les salles.
Ce constat est d’autant plus vrai pour le public jeune, qui est le plus revenu au cinéma. Un travail spécifique pour les publics plus âgés sera certainement nécessaire. Je souhaite, madame la ministre, que la campagne de communication lancée par le CNC porte ses fruits et que vous puissiez trouver, enfin, un moyen d’échapper aux sollicitations pressantes d’un illustre prédécesseur au ministère de la culture.
Enfin, il faut lever plusieurs malentendus, qui, trop complaisamment répandus, finissent par détourner le public des salles.
Non, le prix des billets n’est pas astronomique, à quelques exceptions près : il s’élève en moyenne à 7 euros et seuls 15 % des spectateurs payent leur place plus de 10 euros.
Non, les plateformes ne tuent pas les salles. À ce propos, j’ai pris connaissance, avec intérêt, d’une étude de Médiamétrie montrant que les publics les plus jeunes, précisément ceux qui reviennent en salle, désertent les plateformes de streaming au profit des vidéos courtes diffusées sur internet. Quel retournement de situation !
Vous l’aurez compris, même si les défis sont nombreux et requièrent toute notre attention, je suis persuadé que nous ne devons pas les aborder avec pessimisme, bien au contraire.
C’est dans cet esprit que la commission a souhaité me confier, ainsi qu’à mes collègues Céline Boulay-Espéronnier et Sonia de La Provôté, une mission sur la filière cinématographique, que nous abordons avec enthousiasme et exigence, afin de proposer au Sénat une vision complète du secteur. Nous examinerons notamment le dossier toujours d’actualité de la chronologie des médias, dans la lignée des travaux de Catherine Morin-Desailly conduits en 2017, ainsi que l’action du CNC.
La commission de la culture a donc donné un avis favorable sur l’adoption des crédits du cinéma pour 2023.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelque chose de réjouissant à constater que, après une période pandémique qui nous a tous marqués, les industries culturelles connaissent en 2022 une très belle progression et devraient rapidement dépasser leur niveau d’avant-crise. Je dis bien « réjouissant » car, en dépit des problèmes et des difficultés à surmonter que je vais évoquer, cela traduit l’appétit et la curiosité de nos compatriotes pour la culture sous toutes ses formes !
J’en veux ainsi pour preuve les chiffres remarquables de l’édition, supérieurs de 15 % à ceux de 2019. Et quel signal plus encourageant que le succès du pass Culture, qui permet à la jeunesse de découvrir de nouveaux univers ?
Ce dispositif a parfois été critiqué, au prétexte qu’il servirait uniquement à acquérir des mangas. Certes, ce genre connaît un très grand succès – et tant mieux ! –, mais il n’est pas assez relevé que 60 % des jeunes qui achètent un manga avec le pass Culture repartent avec un autre livre. Vous entrez pour One Piece, vous ressortez avec Marcel Proust !
Exclamations amusées.
Tout n’est pourtant pas rose dans le secteur. Les relations entre auteurs et éditeurs traversent une phase difficile. L’accord entre les deux parties, dont la signature était prévue le 25 octobre dernier, a été, un peu à la surprise générale, rejeté par les auteurs, qui souhaitent ouvrir le dossier des rémunérations. S’il n’appartient pas aux pouvoirs publics d’intervenir directement en la matière, ils doivent s’efforcer de jouer un rôle de médiation. Je crois, madame la ministre, que vous avez pris ce problème à bras-le-corps, car je connais votre attachement au livre et à ceux qui le font.
Le Centre national de la musique doit trouver son rythme de croisière après la tempête du covid-19.
Quelles missions ? Quel financement ? Quelle participation des uns et des autres à cette « maison commune » patiemment édifiée ? Tel était l’objet de la table ronde de la commission organisée le 19 octobre.
Le Gouvernement m’a confié une mission sur le sujet. La gageure est élevée. Je m’appuierai bien entendu sur les travaux déjà menés par le Sénat.
Je voudrais saluer l’ambition du Gouvernement, qui a lancé le plan France 2030, au sein duquel 1 milliard d’euros sera consacré aux industries culturelles et créatives. Ce n’est pas rien !
Tous les amoureux de la culture, tous ceux qui ont conscience de son importance en termes économiques, en termes d’influence internationale, ne peuvent que se réjouir des moyens supplémentaires qui structureront le paysage pour les années à venir.
Année 2022 oblige, je ne peux pas conclure sans un mot sur les conséquences du choc inflationniste. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
La BNF, avec son demi-million de mètres carrés de surface vitrée consomme autant d’électricité qu’une ville de 20 000 habitants ! C’est plus une montagne qu’un gouffre en la matière… Concrètement, le surcoût estimé à 3, 6 millions d’euros en 2023 ne doit pas obérer sa capacité à mener des projets et à assurer l’entretien courant.
Autres acteurs très concernés par cette situation inflationniste, les libraires. Le secteur dégage de très faibles marges et doit aussi suivre la hausse des salaires. Il ne faudrait pas que le renouveau du livre soit empêché par les difficultés économiques de nos libraires.
Il faudra donc en 2023 faire coïncider les fortes ambitions du secteur avec les contraintes du moment.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelle est la situation de l’audiovisuel public ?
Le bilan du précédent quinquennat s’est limité, pour l’essentiel, à un travail d’assainissement budgétaire avec la mise en œuvre d’une trajectoire budgétaire inférieure de 190 millions d’euros au cours de la période 2018-2020.
La perspective de la campagne présidentielle laissait espérer qu’un projet pour l’avenir de l’audiovisuel public pourrait émerger des débats, afin de redéfinir sa place dans un paysage largement bouleversé par l’arrivée des plateformes.
Or non seulement aucun projet n’a émergé au cours des derniers mois, mais rarement la situation du secteur aura paru aussi confuse, pour au moins quatre raisons.
Première raison : le Gouvernement a indiqué que l’évolution du secteur n’était pas sa priorité, même s’il n’exclut pas totalement de rouvrir le chantier d’une réforme au printemps 2023.
Deuxième raison : l’élaboration de nouveaux contrats d’objectifs et de moyens a été reportée d’une année. Il faudra donc se contenter de simples avenants et attendre la fin de l’année 2023 pour connaître les objectifs et les moyens, que l’actionnaire entend assigner aux entreprises de l’audiovisuel public pour la période 2024-2028. D’ici là, les entreprises concernées sont, au choix, dans l’attente ou dans la continuité.
Troisième raison : la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, cet été, s’est accompagnée d’une solution de financement provisoire par une part de TVA, mais c’est l’inconnu qui domine pour l’après-2024, ce qui crée un climat d’incertitude préjudiciable dans les entreprises concernées.
Quatrième raison, enfin : la fusion avortée entre TF1 et M6 fragilise aujourd’hui ces deux groupes privés, mais aussi France Télévisions. La plateforme Salto apparaît aujourd’hui condamnée du fait des difficultés des trois actionnaires à poursuivre leur coopération. Par ailleurs, la fusion aurait eu un effet de rattrapage sur les prix de la publicité, qui aurait également profité à France Télévisions. Le groupe public se trouve donc doublement pénalisé.
Finalement, 2023 apparaît déjà comme une nouvelle année de transition.
C’est pourquoi je souhaite rappeler les deux propositions principales faites en juin dernier dans un rapport conjoint de nos commissions de la culture et des finances consacré au financement de l’audiovisuel public : premièrement, apporter des garanties au financement des entreprises de l’audiovisuel public en créant une commission indépendante chargée d’évaluer les besoins pluriannuels de l’audiovisuel public ; deuxièmement, fusionner les quatre entreprises nationales – France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et France Médias Monde – pour assurer leur pérennité et développer leur offre numérique.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse des crédits de 3 % destinée à compenser l’accroissement des charges fiscales consécutif à la suppression de la CAP et à amortir la hausse de l’inflation.
La hausse des moyens est donc à relativiser : je souhaite que la nouvelle ressource soit définie dès 2023 et intégrée aux contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 pour mettre un terme à l’incertitude sur le financement.
Compte tenu des nombreuses interrogations qui entourent l’avenir de l’audiovisuel public, la commission de la culture a décidé de s’abstenir sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023 et de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
J’indique, pour ma part, que je voterai ces crédits.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Si chacun d’entre vous est très raisonnable, nous pouvons finir l’examen de cette mission avant la suspension ; sinon, nous reviendrons tous après le dîner !
Sourires.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la presse, la télévision, la radio, le livre, la musique, le cinéma sont traversés par la même difficulté : la révolution numérique. Celle-ci a modifié en profondeur les usages de nos concitoyens et affecté le modèle économique de plusieurs grandes entités.
Si l’on ajoute à cela la crise sanitaire, puis aujourd’hui l’inflation, c’est dans un contexte flottant, où se mêlent enjeux structurels et conjoncturels, que les pouvoirs publics doivent accompagner tous ces secteurs, non sans difficulté.
La tâche est immense : l’absence, à court terme, de réforme de l’audiovisuel public en est peut-être le symptôme. Tôt ou tard, il faudra cependant qu’elle intervienne, d’autant plus vite que la contribution à l’audiovisuel public n’existe plus.
Le groupe RDSE n’est pas nostalgique de cette contribution, mais il partage quelques-uns des grands principes préconisés par le rapport d’information du Sénat sur le financement de l’audiovisuel public : stratégie de regroupement des entreprises de l’audiovisuel public, d’un côté, budgétisation des ressources, de l’autre.
Tout autant que le secteur audiovisuel, la presse écrite, le livre et les industries culturelles ont besoin d’un soutien public fort. Les moyens de la mission, en hausse de 0, 6 % en autorisations d’engagement et de 4, 4 % en crédits de paiement, seront utilement complétés par le plan d’investissement France 2030.
Cette orientation est indispensable. Comme j’ai pu le dire à propos de la culture lors du débat budgétaire précédent, ces secteurs sont au cœur du projet républicain.
En particulier, au travers du soutien à la presse et à sa distribution, il est question de veiller au pluralisme de l’information, un principe indissociable de la démocratie.
Je partage le constat, souvent exprimé ici, d’une nécessaire réorientation du système des aides à la presse. Il mérite au minimum d’être mieux corrélé avec ses objectifs de diffusion, de pluralisme et de modernisation.
S’agissant de la distribution, l’élu du Rhône que je suis ne va pas se plaindre que « le brillant second » soit devenu premier, pour reprendre les termes du rapport pour avis de la commission de la culture… Rassurez-vous, mes chers collègues, je parle non pas de l’OL, mais des Messageries lyonnaises de presse, qui sont passées devant France Messagerie !
Cependant, il s’agit de veiller à ce que les deux opérateurs puissent survivre au sein d’un marché structurellement en baisse.
Concernant le versant éditorial de la presse, je me réjouis de la bonne résistance de l’Agence France-Presse (AFP) dans un climat concurrentiel tendu avec les grands acteurs de l’internet. L’AFP délivre une information qualitative, qu’elle conforte grâce à son service remarqué de « vérification des faits ».
La stabilité en 2023 de la subvention versée par l’État, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2019-2023, devrait conforter sa position, même si les défis sont loin d’être épuisés pour l’Agence.
Je souhaitais également évoquer la situation du livre, dont le modèle est lui aussi fragilisé.
Je m’inquiète du blocage entre les éditeurs et les auteurs, qui ne parviennent pas à signer un accord sur une plus juste rémunération des seconds. Faut-il rappeler une évidence au syndicat national de l’édition : sans création, il n’y a pas d’édition !
Quant aux librairies, le soutien qui leur a été apporté durant la pandémie a été essentiel. Elles attendent toutefois un geste concernant le seuil minimal pour les frais de port.
J’en profite pour évoquer le sort de plus en plus incertain des quelque 150 librairies expatriées, qui souffrent davantage encore du problème des frais de port, aggravé par celui des délais de livraison pour leurs clients. Il faut absolument les aider, car elles représentent indiscutablement un levier de la francophonie dans le monde.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis, marque son approbation.
Enfin, je terminerai par un mot sur le cinéma, durement éprouvé durant la pandémie. Ce secteur inquiète depuis longtemps. Après avoir cité Malraux cet après-midi, je reprendrai les mots prononcés par François Mitterrand devant le Parlement européen en 1995 : « Alors que nous célébrons le centenaire du cinéma, l’art le plus populaire du siècle n’a jamais été si menacé dans chacun de nos pays. Il n’a d’ailleurs plus besoin d’être menacé dans un certain nombre de ces pays-là, car il a déjà disparu. »
Depuis cette date, le modèle français résiste. Il faut dire que le CNC accompagne plutôt bien les mutations auxquelles le cinéma doit faire face. Nous devons cependant toujours rester attentifs à l’équilibre à trouver avec les plateformes de streaming, la principale menace.
Une fois encore, travailler au maintien d’une création cinématographique française dynamique, c’est contribuer au rayonnement de notre pays et de notre souveraineté culturelle dans le monde.
Mes chers collègues, dans ce contexte, le RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous débattons du budget de la culture pour 2023, comme précédemment, la question qui s’impose est celle de la pertinence du fléchage des crédits alloués.
Ainsi, pendant que l’industrie du livre et de la presse se débat contre l’inflation des prix du papier, que celle de la musique fait face aux évolutions comportementales de ses consommateurs et ne bénéficie pas d’un CNM efficient, celle du cinéma rencontre une baisse inquiétante de fréquentation, alors que pèse sur les salles la menace d’une remise en cause de la chronologie des médias.
Une industrie ne cesse quant à elle de tirer habilement son épingle du jeu, celle des jeux vidéo, qui enregistre une progression exceptionnelle de son activité de 13, 5 % sur les deux dernières années, au point de faire de la France l’un des principaux leaders du marché, notamment dans celui de l’édition, un exemple qui invite à l’optimisme.
Votre projet de budget prend-il vraiment en compte cette diversité des situations dans le fléchage des crédits alloués ? Insuffisamment, selon moi.
Pour autant, et parce que nous croyons comme vous, madame la ministre, au retour des jours meilleurs, les sénatrices et les sénateurs LR voteront les crédits accordés à cette mission.
Nous avons toutefois une divergence de taille sur le traitement réservé à l’audiovisuel public, non pas sur la suppression de la redevance en tant que telle, mais plutôt sur la méthode employée. Une fois encore, comme l’ont rappelé Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous assistons impuissants à la mise en œuvre d’une décision dont la finalité apparaît aussi floue que la prise de décision était précipitée.
Mais n’y retrouvons-nous pas tous les ingrédients d’un mode de gouvernance : une annonce inattendue, un gouvernement pris de court, une mesure qu’il peine à justifier et à financer ?
Cette mesure amplifie la réalité d’un pilotage à vue, sans cap ni stratégie, qui ne génère que du malaise. Les personnels de l’audiovisuel public, déjà inquiets, sont désormais décontenancés par une annonce électorale dont la mise en œuvre a été imposée à marche forcée, sans que fût pris le temps de réfléchir aux missions et à l’organisation de l’audiovisuel public, dans un paysage bouleversé qui n’a plus rien à voir avec celui qui présidait à l’élaboration de la dernière loi d’orientation en 1986.
Je regrette donc le caractère précipité de cette décision ; je regrette qu’elle n’ait pas été pensée dans un cadre général, qui aurait permis d’anticiper ses conséquences et de justifier sa plus-value.
Surtout, je regrette que nous n’ayons pas eu à en débattre : nous aurions pu nous interroger collectivement sur l’avenir de l’audiovisuel public, le format et le modèle que nous souhaitons lui donner.
Autant d’éléments qui auraient pu constituer le corps d’une loi, projet souvent annoncé, mais éternellement repoussé. Selon toute vraisemblance, ni 2022 ni certainement 2023 ne succéderont à 1986, date de la dernière loi sur ce sujet. Nous prenons acte avec regret de ce nouveau rendez-vous manqué.
Et pourtant, que de sujets à traiter sur la place et les missions du service public, le droit voisin, la chronologie des médias, l’indépendance des rédactions, l’éthique des journalistes, les moyens et les missions de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ! Que de sujets à envisager face à un paysage audiovisuel éclaté, au sein duquel on n’a pourtant jamais autant parlé de risques de concentration !
Il n’y aura donc pas de grande loi sur l’audiovisuel. Seul un fait du prince isolé aura fait bouger les choses. Nous en reparlerons lorsque nous discuterons des avenants aux contrats d’objectifs et de moyens.
Pour l’instant, suivant l’avis de nos deux excellents rapporteurs spéciaux Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous voterons sans enthousiasme les crédits affectés au compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », et avec un peu plus d’envie ceux de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.
Sourires.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la crise sanitaire, le soutien public en faveur des industries culturelles a été massif.
Il faut le dire : les tendances sont excellentes. En 2022, les industries culturelles ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 10 %, pour atteindre 18, 2 milliards d’euros. Le PLF pour 2023 leur consacre plus de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement.
S’agissant de la Bibliothèque nationale de France, nous nous sommes tous réjouis de la réouverture du site Richelieu le 17 septembre dernier, après un chantier de dix ans. Cette année, 70 % environ des crédits du programme « Livre et industries culturelles », soit plus de 232 millions d’euros en crédits de paiement, seront dédiés à la BNF.
Il faut rappeler que les trois quarts du budget de la BNF sont consacrés aux dépenses de fonctionnement, pour accueillir le public dans de bonnes conditions et assurer la préservation des ouvrages et documents. Ces coûts risquent d’exploser avec la crise énergétique que nous traversons.
Concernant le livre et la lecture, l’année 2021 a été qualifiée d’exceptionnelle, tant les ventes ont atteint des records. Je souligne le succès du pass Culture, grâce auquel les libraires ont pu bénéficier d’une hausse de leur chiffre d’affaires. C’est une excellente nouvelle, mais il faut prendre ces chiffres avec précaution, car ils découlent d’une situation hors normes. Pour l’année 2023, le PLF prévoit près de 23 millions d’euros en crédits de paiement. Restent en suspens la question de la hausse du coût du papier et celle des relations entre auteurs et éditeurs, plus particulièrement le sujet des rémunérations.
S’agissant de la musique enregistrée, le streaming a désormais pris le lead – excusez-moi, mes chers collègues, pour ce mauvais français
Sourires.
Les perspectives sont très enthousiasmantes, avec une prévision pour 2032 de près de 35 millions d’abonnés à un service de streaming en France. Acteur majeur du secteur, le Centre national de la musique a démontré toute sa pertinence et son efficacité lors de la crise sanitaire. Le PLF pour 2023 lui destine 27, 8 millions d’euros, mais des redéploiements de crédits pourraient être prévus au cours de l’année pour compenser la baisse de ses ressources propres.
Le cinéma, quant à lui, a bénéficié d’un fort soutien pendant la crise, avec un montant total de 430 millions d’euros qui aura été intégralement dépensé à la fin de l’année. Ces dernières semaines, nous avons été informés du recul préoccupant de la fréquentation des salles : les premiers résultats de 2022 affichent un recul de 30 % par rapport à ceux de 2019. Rappelons que le plan France 2030 réserve 350 millions d’euros à la filière de l’image.
Le jeu vidéo – cela a été dit – est un secteur qui affiche une belle croissance de 1, 6 % en 2021 et 5, 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, après des résultats exceptionnels en 2020.
Ce secteur d’avenir représente un vrai levier d’attractivité et de rayonnement pour la France, comme ont pu le souligner plusieurs acteurs majeurs du secteur lors de la table ronde organisée, au Sénat, le 12 octobre dernier. Il est nécessaire de poursuivre les efforts en sa faveur.
Concernant la presse et les médias, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 371 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de près de 6 % par rapport à 2022. Après la crise sanitaire, la presse reste fortement dépendante du financement public, ce qui n’est pas tenable sur le temps long. Notre groupe est favorable à une évaluation des aides afin d’étudier la pertinence des crédits mobilisés.
Il reste à évoquer le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». La suppression de la contribution à l’audiovisuel public intervenue cet été ne fait pas débat, tant elle nous paraissait injuste et inadaptée.
En revanche, le financement du secteur par le fléchage d’une fraction de TVA ne paraît pas satisfaisant à long terme. Il faut poursuivre la réflexion.
Je conclurai en soulignant que notre groupe s’inquiète des conséquences de la crise énergétique et de l’inflation pour les établissements et les acteurs culturels les plus fragiles.
Nous nous félicitons toutefois de l’importance des moyens fléchés par l’État vers nos industries culturelles et créatives. Grâce à la reconnaissance et au soutien conséquent dont elles bénéficient, ces industries participent au rayonnement de notre pays et en font sa force. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants votera ces crédits.
M. André Gattolin et Mme Sonia de La Provôté applaudissent.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la grande majorité des acteurs concernés par cette mission « Médias, livre et industries culturelles » sont aujourd’hui très fragilisés.
Cette fragilité est née du bouleversement qu’a représenté, pour les secteurs de l’information et de la culture, la généralisation des activités en ligne. Mais elle a aussi été accentuée par la crise sanitaire et la fermeture des lieux culturels, hier, et elle le sera demain par la mise sous cloche du pays avec la tenue des jeux Olympiques.
Plus que les autres secteurs, la culture subit de nos jours une grande exposition au fait du prince. Comment mesurer l’impact de la politique culturelle de l’État lorsqu’il annonce d’une main un milliard d’euros de financements pour des projets culturels sur cinq ans, dans le cadre du plan France 2030, et qu’il menace de l’autre de déprogrammer ou de reporter les festivals en 2024 ?
Seuls les secteurs numérisés comme celui du jeu vidéo semblent épargnés et peuvent se projeter à long terme. L’avenir dira également si la belle santé du secteur du livre se maintiendra. Je lis avec inquiétude que la fréquentation des bibliothèques municipales est toujours inférieure à son niveau de 2019.
La situation du cinéma est plus inquiétante, car le système actuel repose pour partie sur la taxation des entrées en salles. L’entrée en vigueur des décrets Smad (services de médias audiovisuels à la demande), qui actent la participation des plateformes de vidéo à la demande au financement de productions françaises, ne garantit pas le retour des spectateurs en salles. La montée en puissance de la vidéo à la demande durant le confinement et le développement de formats très courts sur les réseaux sociaux représentent une concurrence peu chère, voire gratuite.
Face à cette fragilité, l’État doit adapter l’aide financière qu’il apporte à chacun de ces secteurs et accompagner l’émergence de nouveaux modes de financement pour protéger les forces intellectuelles et créatives de ce pays.
Pourtant, ce budget met fin aux aides exceptionnelles mises en place pour éviter la disparition de ces écosystèmes culturels. Vous proposez, madame la ministre, d’y substituer le plan France 2030. Dans le détail, cela représente 250 millions d’euros pour le développement d’offres culturelles immersives, 350 millions d’euros pour l’appel à projets « La grande fabrique de l’image » et 400 millions d’euros pour l’accélération des industries culturelles.
France 2030 a donc plus vocation à soutenir des initiatives émergentes qu’à préserver l’existant. La cotutelle exercée par le CNC et la Caisse des dépôts et consignations nous éclaire également sur la forte logique économique qui sous-tend l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui échappera de fait au ministère de la culture. Nous ne pouvons donc pas nous en satisfaire.
La situation de la presse écrite nous inquiète également, malgré le rebond de 2021. La question du système de distribution n’est toujours pas résolue. Les aides à la presse devraient être réorientées et conditionnées, comme l’a suggéré la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias.
Il me semble, madame la ministre, que le Gouvernement a laissé peu de chance au crédit d’impôt sur le premier abonnement. Nous avions déposé plusieurs amendements destinés à l’étendre et à l’adapter, mais aucun n’a été retenu.
L’avenir de l’audiovisuel public nous semble aussi compromis. Après 49 ans d’existence, la redevance a tiré sa révérence. Elle est remplacée par une solution provisoire de financement qui crée un climat d’incertitude. Le service public a besoin d’un financement stable et pérenne sans être soumis aux aléas de la conjoncture politique.
Ce financement est injuste, car tous les Français participeront au même niveau à cette ponction de TVA, ce qui n’était pas le cas de la redevance.
Il est encore possible d’améliorer le financement de l’audiovisuel public en augmentant sa progressivité. Là encore, nous avions proposé un amendement, mais il a lui aussi été rejeté.
Nous attendons des garanties sur la pérennité de l’audiovisuel public, ses moyens et son indépendance.
L’importance de protéger ce pluralisme dépasse d’ailleurs notre seul pays, à l’heure où des guerres de désinformation sont menées à travers le monde.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le succès de TV5 Monde à l’étranger en 2022 : sur les 300 millions de francophones qui la reçoivent, 1, 8 million de visiteurs sont originaires d’Algérie, du Maroc ou de l’Espagne. Ce n’est certes pas l’audience de la BBC World Service, qui compte plus de 350 millions de téléspectateurs, mais des réserves d’audience restent à conquérir !
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits alloués au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. André Gattolin. Impossible, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat sur les médias et les industries culturelles, de ne pas rendre hommage à Pascal Josèphe, un homme de télévision exceptionnel, qui nous a brutalement quittés la semaine dernière.
Applaudissements.
Au travers des nombreuses fonctions qu’il a occupées, tant au sein des médias publics que dans les chaînes privées ou dans le monde du conseil, Pascal Josèphe est devenu, nonobstant sa retenue naturelle, l’un des acteurs les plus influents du paysage audiovisuel des quatre dernières décennies.
Encore choqué par la disparition de celui avec qui j’ai très souvent eu le bonheur de travailler au cours de ma vie professionnelle, j’avoue que l’avalanche d’éloges dont il fait l’objet depuis une semaine m’éclaire chaque jour davantage sur l’étendue impressionnante du respect qu’il suscitait.
Nous sommes ici nombreux à avoir bénéficié de ses perspicaces analyses sur l’état de notre audiovisuel et de ses mutations prévisibles.
Vendredi dernier, Jean-Pierre Leleux, notre ancien collègue, me rappelait combien ses avis étaient inspirants pour les législateurs que nous sommes. Son expertise était toujours mue par un souci rare de l’intérêt général.
Sa disparition prématurée est une perte immense et ses écrits publiés sont malheureusement trop peu nombreux. Comme l’on dit en Afrique, ce continent qu’il chérissait tant, « quand un sage disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle ».
Dans le débat qui nous anime aujourd’hui, il serait bon, je crois, de lire ou de relire les premières pages du projet qui étayait sa candidature à la présidence de France Télévisions en 2015.
M. Jean-Raymond Hugonet acquiesce.
Pascal était un fervent défenseur de l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle, afin d’assurer sa survie à l’ère du numérique et de l’explosion de nouveaux acteurs internationaux, il considérait comme urgent d’entreprendre sa réforme.
Deux grands principes guidaient son ambition.
Il pensait d’abord que la vocation première du service public était de servir, de servir le public évidemment, et non de se servir. Car la tentation est souvent forte pour certains acteurs de l’audiovisuel – c’est vrai aussi pour la culture dans son ensemble – d’oublier l’utilité finale de l’intervention publique.
Cette hiérarchie des devoirs nécessite d’être périodiquement rappelée, au risque sinon de voir le ministère se transformer en institution au service des seuls acteurs des industries culturelles.
À ce propos, nombre d’entre nous ont encore en mémoire la manière dont nous avons dû batailler pour faire aboutir une loi visant à supprimer la publicité dans les émissions destinées aux enfants sur le service public, une mesure pourtant plébiscitée par les Français, les associations de parents d’élèves, de consommateurs et tout le corps de la santé.
La levée de boucliers que nous avons essuyée de la part des milieux dits « professionnels », y compris de la part des dirigeants du service public à l’époque, reste dans les annales de cette maison.
Et que dire, au passage, du rôle joué à l’époque par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui, après consultations des acteurs du marché, et eux seuls, a cru bon d’édicter un décret d’application restreignant le champ d’application déjà étroit de cette loi, sans même auditionner le Sénat, qui était à l’origine du dispositif et avait adopté le texte à l’unanimité des suffrages exprimés en seconde lecture !
La seconde ambition de Pascal Josèphe, en prolongement de la précédente, était que la télévision publique porte un projet de société autant qu’un projet d’entreprise, un projet qui rassemble pour résister à la fragmentation toujours accrue du corps social.
« Faire société » pour retrouver et, surtout, pour incarner les valeurs fondamentales de notre République et de l’État de droit.
Pour Pascal Josèphe, la mère des batailles, à l’heure du numérique, de la délinéarisation et de la démultiplication des canaux de diffusion était celle des contenus, autrement dit la bataille du sens.
Lorsqu’on parle de contenus porteurs de sens, on pense naturellement, mais de manière trop exclusive, à l’information, sa qualité, son indépendance et son pluralisme.
On oublie trop souvent l’impact considérable de la fiction, du patrimonial et même du divertissement sur les constructions mentales et la diffusion des idées. La fameuse série L ’ Instit, que Pascal Josèphe porta sur les fonts baptismaux alors qu’il était directeur des programmes de France 2, en est l’une des plus belles illustrations encore aujourd’hui.
Là encore, au moment où nous semblons redécouvrir l’importance des grands narratifs et le rôle majeur qu’ils occupent dans la consolidation de nos identités collectives, il est bon de rappeler l’extrême pertinence et la nature anticipatrice de la vision de la télévision de Pascal Josèphe.
Ce qui vaut pour notre audiovisuel national vaut, au moins tout autant, pour notre audiovisuel extérieur, aujourd’hui frontalement attaqué, notamment en Afrique, par les narratifs autoritaires développés par la Russie, la Chine ou la Turquie.
Les paroles prononcées à ce propos par le Président de la République le 9 novembre dernier à Toulon, lors de la présentation de notre revue nationale stratégique, nous obligent !
Madame la ministre, au-delà du vote de ce budget, de grands chantiers nous attendent – et vous attendent – si nous voulons redonner à notre audiovisuel sa pleine utilité sociale dans un monde en profonde transformation.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé est en trompe-l’œil. Il semble aller dans le bon sens, avec une hausse apparente des crédits, mais c’est de l’affichage.
Non seulement cette augmentation est deux fois moins importante que l’inflation – il s’agit donc finalement d’une diminution –, mais, surtout, elle ne corrige pas la gigantesque baisse qui, depuis cinq ans, rogne les crédits de l’audiovisuel public jusqu’à l’os.
Pourtant, face à la concurrence des grands groupes privés et des plateformes étrangères prédatrices, qui organisent la désinformation et uniformisent les contenus, l’audiovisuel public aurait plus que jamais besoin d’oxygène pour remplir ses missions essentielles d’information et de programmation culturelle de qualité.
L’audiovisuel public connaît en effet une situation très difficile. Vous avez significativement diminué son budget depuis cinq ans, tout en le privant de moyens de financement avec la désindexation de la CAP sur l’inflation à partir de 2019, la fin de l’affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à l’audiovisuel public et, maintenant, la fin de la redevance.
Dans le même temps, vous avez réduit son périmètre en supprimant France Ô. Heureusement, France 4, que vous vouliez supprimer également, a été sauvée in extremis, en particulier grâce à la très forte mobilisation de nombreux collègues siégeant à la gauche de cet hémicycle et sur d’autres travées.
Oui, malgré les discours convenus sur sa nécessité, après avoir été dénoncé, au grand bonheur de tous ceux qui veulent sa fin, après avoir été qualifié de « honte de la République » par le Président de la République, le service public de l’audiovisuel a connu des heures sombres sous le précédent quinquennat.
Le plan dit « d’économie », décidé en 2018 pour quatre ans et affectant toutes les sociétés de l’audiovisuel public, a constitué une perte totale de 688 millions d’euros. Il s’est aussi traduit par le sacrifice des salariés : 900 emplois supprimés depuis dix ans à la suite de nombreux plans de départ à France Télévisions et 4 200 emplois à Radio France, tous équivalents temps plein.
Madame la ministre, vous venez de parachever ce travail de sape, en décidant cet été de supprimer purement et simplement la contribution à l’audiovisuel public, en lui substituant une part de la TVA pour financer l’audiovisuel.
Or ce système ne garantit ni son indépendance, ni sa pérennité, ni la justice sociale, puisque la TVA est l’impôt le plus injuste : tout le monde le paye de la même façon, riches ou pauvres. Et même les personnes qui étaient exemptées de la contribution jusque-là, du fait de leur situation de grande précarité, devront elles aussi contribuer désormais au financement de l’audiovisuel.
Certes, la CAP n’était pas juste. Elle n’était pas moderne non plus, puisqu’elle était assise sur un mode de consommation déclinant, qui n’est plus exclusif aujourd’hui – le poste de télévision –, à l’heure où les programmes se regardent sur une multitude d’écrans.
Elle avait toutefois le mérite de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et, depuis sa création, une certaine pérennité. Il fallait donc la réformer, pour qu’elle soit non seulement juste, mais aussi moderne. Vous n’avez fait ni l’un ni l’autre.
Nous avons fait une proposition alternative au travers d’un amendement, que vous n’avez pas soutenue. Elle crée une contribution progressive qui aurait entraîné une économie sur le coût de la redevance pour 85 % des foyers fiscaux français. Cette solution est plus juste socialement et plus moderne, car elle ne s’appuie plus sur le seul téléviseur. Surtout, elle sanctuarise un financement pérenne, indépendant et direct. Nous avons déposé une proposition de loi en ce sens.
Désormais, l’avenir de l’audiovisuel n’est plus garanti, car son mode de financement est temporaire. En effet, à partir du 1er janvier 2025, il ne sera plus effectif et vous avez fait savoir que le financement du secteur se ferait alors via le budget de l’État, un schéma que le Conseil d’État avait pourtant retoqué cet été.
Je le redis, votre proposition d’augmentation de budget est en trompe-l’œil. En effet, elle n’est même pas à la hauteur des prévisions d’inflation pour 2023. Quid, par exemple, de l’augmentation de 50 % de la facture d’électricité de Radio France et de l’augmentation de 22 % des coûts de serveurs informatiques ?
Avec mon groupe, j’ai déposé en première partie du budget un amendement tendant à pallier ce manquement. Vous avez, là encore, émis un avis défavorable. L’augmentation de budget se traduira donc par une nouvelle baisse effective pour notre audiovisuel public.
Pourtant, ce dernier mérite d’être soutenu, et pas seulement avec de belles phrases. Alors que les audiences des médias télé et radio sont en baisse constante depuis dix ans, Radio France et France Télévisions ont battu des records en la matière : Radio France réunit quotidiennement sur ses antennes 15 millions de Français, dont 2 millions de nouveaux auditeurs en quatre ans.
France Télévisions touche quant à elle, chaque semaine et tous écrans confondus, 81 % de la population française, soit plus de 50 millions de citoyens.
Ce succès sur le linéaire, mais également sur le numérique, est dû à des investissements massifs sur fonds propres. Durant les trois dernières années, Radio France et France Télévisions ont investi respectivement 31, 4 millions d’euros et 511 millions d’euros pour innover, soit une progression des investissements de 34 % en deux ans.
Ces deux médias ont également réalisé un travail remarquable et remarqué lors des confinements.
Le service public de l’audiovisuel est essentiel pour le financement de la création audiovisuelle et cinématographique française dans son ensemble. Sans son investissement important, les risques seraient réels pour le secteur. Toute la chaîne des acteurs, jusqu’à la production, se trouverait fragilisée.
Ce travail important réalisé par l’audiovisuel public est aussi celui d’Arte et de France Médias Monde, à côté et avec Radio France, France Télévisions, l’INA et TV5 Monde.
Face à la concurrence internationale, notamment des Gafan – Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix –, l’audiovisuel public doit continuer d’innover. Pour cela, il lui faut un investissement à la hauteur de nos ambitions.
C’est pour toutes ces raisons que nous voterons contre les crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
En ce qui concerne la presse, l’effort est insuffisant. Face à la crise, à l’inflation, au prix du papier et à la crise du secteur, nous attendons toujours la refonte des aides à la presse que nous avons réclamée au travers de différents travaux.
J’ai pu parler précédemment de la création cinématographique et de l’impact du covid-19 sur l’audiovisuel public. Le cinéma a lui aussi subi fortement les effets de la crise sanitaire.
Avec 96 millions d’entrées en 2021, la fréquentation enregistre certes une hausse de 47 % par rapport à 2020, mais elle est en baisse de 55 % par rapport à 2019, deuxième meilleure année en termes de fréquentation depuis 1966.
Cette situation est inquiétante pour le financement de la création. Ce n’est pas la mise en application de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), transposée en droit français par le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, qui permettra de combler ce manque de recettes.
En outre, la hausse des moyens du CNC pour 2023 sera seulement de 3 %, donc inférieure à l’inflation attendue.
Pour ce qui est du livre, le budget de l’action n° 01, Livre et lecture, est satisfaisant, mais les inquiétudes du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pour le secteur sont autres, entre une concentration toujours plus importante, l’incertitude sur l’avenir d’Editis, numéro deux français, et ses conséquences sur la diversité de la production.
L’autre sujet inquiétant est la flambée des matières premières. Si le chiffre d’affaires des éditeurs a connu une progression de 12, 4 %, le secteur connaît un vrai bouleversement. Les petites maisons d’édition, aux marges trop faibles, connaissent de très fortes difficultés face aux plus grandes maisons.
Avec les temps difficiles marqués par la pandémie, les éditeurs indépendants ont retrouvé les lecteurs. Mais la crise du papier et les manœuvres financières dans le secteur sont inquiétantes. Il faut aider ce dernier plus massivement.
Enfin, l’industrie musicale n’est pas en reste et l’ensemble du spectacle vivant connaît une situation compliquée. Si le chiffre d’affaires de la musique enregistrée connaît une progression, la recette des billetteries des concerts baisse de 10 %.
Nous savons tous qu’il va manquer 20 millions d’euros pour que le CNM puisse mener à bien l’ensemble de ses missions. Il faudra y remédier en 2024. Même si le financement semble désormais consolidé, nous attendons le rapport de M. Bargeton sur le sujet.
Sourires.
M. David Assouline. Pour finir, je dirai que ce n’est pas parce que nous vivons une grave crise énergétique et inflationniste que la culture doit être minorée. C’est au contraire parce que nous traversons une crise énergétique, sociale, économique, climatique et démocratique que, plus que jamais, la culture doit être promue et placée au cœur des politiques publiques. Il s’agit, autour des valeurs qu’elle incarne, de faire République ensemble.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont marqués par une insuffisante prise en compte de l’inflation galopante et de la crise énergétique que nous traversons, et par l’insuffisance de moyens dont la puissance publique devrait pourtant se doter pour faire face aux plateformes, géants du web et autres grands groupes, qui concentrent de plus en plus de médias dans les mains de quelques-uns.
Ces crédits reflètent même des choix qui risquent d’affaiblir considérablement la puissance publique, à l’image de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui n’est en rien un coup de pouce au pouvoir d’achat des Français.
Cette suppression n’est en effet que provisoirement compensée par une fraction de TVA, l’impôt le plus injuste qui soit et dont personne n’est exonéré, à la différence de la redevance.
En outre, madame la ministre, vous n’avez pas anticipé le fait que cette décision aurait pour conséquence de rendre les entreprises de l’audiovisuel public redevables de la taxe sur les salaires, ce qui nuance sérieusement l’engagement d’une intégrale compensation.
Qu’adviendra-t-il après 2025 ? Nous souhaitons que vous répondiez à cette question lors de nos débats.
En ce qui concerne la presse, pilier de notre démocratie avec l’audiovisuel public, l’explosion du prix du papier – dont l’augmentation est bien supérieure à l’évolution d’autres produits – menace de nombreux titres et, du même coup, le pluralisme.
Selon une décision prise lors de la crise sanitaire, une enveloppe de 150 millions d’euros devait être consacrée au crédit d’impôt sur le premier abonnement. Le dispositif n’ayant pas fonctionné, pourquoi ne pas affecter ces crédits à un soutien d’une autre forme, qui permettrait de faire face à ces surcoûts ?
Je ne parle même pas de l’amende de 500 millions d’euros due par Google, qu’a évoquée fort justement le rapporteur pour avis Michel Laugier. L’article 40 de la Constitution nous empêche, nous, parlementaires, de le décider, mais le Gouvernement peut agir et il serait souhaitable que cette aide privilégie les titres indépendants et favorise le pluralisme.
Cela pourrait même préfigurer une réforme des aides à la presse, comme l’a notamment demandé le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, dans le cadre de la commission d’enquête sur la concentration des médias, en proposant le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.
Concernant le livre, il convient de revaloriser le niveau minimum des frais de port, comme le demandent les libraires indépendants. En effet, ce dernier est fixé dorénavant à 3 euros alors que les frais de port leur reviennent à un peu plus de 7 euros.
Si ce seuil a le mérite de marquer une première étape, nous devons aller plus loin pour conforter le prix unique du livre et rétablir les conditions d’une concurrence équitable entre les libraires et les plateformes en ligne.
J’insiste, madame la ministre, sur les conséquences de l’augmentation du prix de l’énergie. Cette augmentation considérable affectera les salles de cinéma. Là encore, nous pensons aux salles indépendantes, d’autant que les problèmes de pouvoir d’achat rencontrés par nos concitoyens peuvent jouer sur la fréquentation, qui n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant le covid-19.
Elle pèse aussi très lourd sur la Bibliothèque nationale de France, qui fait face à un surcoût estimé à 3, 6 millions d’euros en 2022 et près de 15 millions d’euros en 2023.
La BNF a déjà connu la suppression de 300 postes en dix ans, alors même qu’elle voit ses missions augmenter, avec la réouverture du site Richelieu, la poursuite de la numérisation des documents ou encore le dépôt légal numérique.
Il est temps d’engager un véritable débat sur le financement du Centre national de la musique. Les trois ressources dont dispose le CNM ne permettent pas à l’établissement d’assurer les missions qui lui incombent d’accompagnement de la filière musicale.
En effet, avec la baisse de 20 % à 25 % de la fréquentation dans le secteur du spectacle vivant et en l’absence d’un projet de loi de finances suffisamment ambitieux, l’année 2023 risque d’être compliquée. Une taxe de 1, 5 % sur le chiffre d’affaires généré par le streaming contribuerait à financer le CNM, avec l’avantage d’aller chercher l’argent là où il y en a.
Cette taxe constituerait un modèle de redistribution, qui pourrait rapporter plus de 20 millions d’euros chaque année.
Enfin, concernant le secteur des jeux vidéo, nous regrettons le manque d’évaluation du crédit d’impôt dont le secteur bénéficie. Ce dernier pourrait d’ailleurs être conditionné à l’amélioration des conditions de travail, dans un secteur où la précarité règne et où l’usage abusif des heures supplémentaires reste très fréquent.
Par conséquent, en raison d’un budget bien trop fragile à nos yeux pour des secteurs essentiels à la vie démocratique, nous ne voterons pas ces crédits.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. David Assouline applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Bernard Fialaire et Pierre Médevielle applaudissent également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’associe à mon propos mon collègue du groupe Union Centriste Jean Hingray, qui s’exprimera pour la partie médias et audiovisuel.
Une inquiétude pèse sur le secteur du cinéma. D’après les chiffres du CNC, les Français ne sont jamais allés si peu au cinéma depuis 1909. Le soutien au secteur des salles de cinéma est donc urgent.
Si l’arrivée de nouveaux acteurs comme Netflix, Disney+ ou Amazon Prime profite financièrement à la filière, quel en est le prix sur le plan artistique ? Quel en est le coût pour l’exception culturelle française ? De quelle évolution du public cela augure-t-il, lui qui risque de s’éloigner plus encore des salles de cinéma ?
Ce budget, soulignons-le, affiche un soutien fort et bienvenu au CNC et à la Cinémathèque française. De même, les dispositifs fiscaux incitatifs pour le cinéma, qui sont maintenus et développés, participent largement à ce soutien.
Concernant le livre, les nouvelles sont bien meilleures. Après une année 2021 exceptionnelle en librairie, le livre continue de bien se porter : les ventes ont augmenté de plus de 10 % en volume et en valeur par rapport à 2019.
L’actualité du secteur est notamment marquée par la mise en œuvre de la loi du 30 décembre 2021 visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs, dont notre collègue Laure Darcos est à l’origine. La loi amène reconnaissance et oxygène à la filière. Elle marque un premier pas en matière d’imposition de frais de port.
Mme Laure Darcos remercie l ’ oratrice.
Pour autant, les coûts du papier et de l’énergie sont des menaces nouvelles et sérieuses qu’il convient de prendre en compte et de suivre, notamment pour les petits éditeurs.
Du côté de l’industrie phonographique, la dynamique est aussi positive, avec une cinquième année de croissance d’affilée et une progression du chiffre d’affaires de 14, 3 %.
Citons dans les nouvelles mesures budgétaires le lancement du portail national de l’édition accessible
Mme la ministre approuve .
Simplifier les démarches des personnes handicapées pour se procurer et repérer des livres est un atout supplémentaire pour la filière et une mesure d’inclusion essentielle.
Le Centre national du livre (CNL) a, quant à lui, les moyens pour accomplir ses missions. Doté d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance pour la période 2022-2026, il devrait connaître un rééquilibrage bienvenu de ses missions.
Le CNL était déjà très présent en matière de soutien économique à la filière. S’ajoute désormais à ses objectifs le développement du soutien à la lecture, une politique culturelle et d’émancipation majeure pour nous toutes et nous tous.
Autre sujet, la situation de la Bibliothèque nationale de France est à surveiller, car l’établissement doit faire face à de nouvelles missions – réouverture du site Richelieu, nouveau musée, développement du dépôt légal numérique – à plafond d’emplois constants.
L’impasse budgétaire liée à l’inflation risque de conduire la BNF à ralentir et reporter des investissements importants : création du centre de conservation d’Amiens, sécurisation de l’esplanade du site Tolbiac et renouvellement de son système de sécurité incendie (SSI).
Venons-en au Centre national de la musique, dont le financement continue de soulever de vives interrogations. L’accompagnement de la filière musicale par cette institution impose une réflexion approfondie quant à ses missions et au financement supplémentaire nécessaire pour que le CNM puisse les remplir.
L’influence du streaming et du numérique prouve que les plateformes ont, à coup sûr, un rôle à jouer dans son budget. Le CNM a soutenu efficacement la filière durant la crise sanitaire, mais les ressources qui lui sont allouées sont inférieures à ce qui avait été envisagé au moment de sa création. Nous attendons les conclusions de la mission de notre collègue Julien Bargeton pour donner enfin un cadre optimal à son financement.
Je terminerai par le secteur du jeu vidéo, fleuron national et secteur économique ultradynamique. Le fonds d’aide au jeu vidéo joue un rôle de soutien à l’écriture, la préproduction et la production des entreprises de création. Nous soulignons cet effort pour un secteur très pourvoyeur d’emplois et qui valorise la France sur le plan international.
Madame la ministre, nous retenons les efforts qui sont fournis par le ministère au travers de ce budget pour soutenir les secteurs du livre et des industries culturelles.
Ces secteurs, qui devront faire l’objet d’un suivi très attentif, participent en effet largement à notre économie et font, pour les citoyens, bien plus encore.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la mission « Médias, livre et industries culturelles » rassemble les crédits que le ministère de la culture consacre au développement et au pluralisme des médias et à sa politique en faveur du livre, de la lecture publique et des industries culturelles.
Elle comporte deux programmes, le programme 180, « Presse et médias », et le programme 334, « Livre et industries culturelles ».
Il n’a échappé à aucun d’entre vous que la presse dans son ensemble a particulièrement souffert des années covid et a dû faire face à une érosion importante de son audience, qu’elle n’est pas parvenue à combler à ce jour.
La désaffection du lectorat se double malheureusement de difficultés d’ordre structurel déjà anciennes, en particulier l’érosion de la diffusion papier et la transition numérique inachevée.
Certes, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures d’urgence, afin de garantir la continuité de la distribution de la presse et d’aider les acteurs les plus touchés par la crise sanitaire. Mais dans ces aides, madame la ministre, n’oubliez surtout pas la presse de la connaissance et du savoir !
Ces mesures se sont d’ailleurs ajoutées aux aides transversales, dont l’ensemble des acteurs économiques a pu bénéficier.
En 2023, les dotations du programme 180 évoluent de près de 10 %, afin, notamment, de soutenir la mise en œuvre de la réforme du transport de la presse. Mais cette évolution positive ne tient pas compte, malheureusement, de la très forte augmentation du coût du papier.
En fin de compte, le saupoudrage des dépenses, notamment fiscales et sociales, ne contribue pas, de mon point de vue, à traiter à la racine les maux qui affectent l’ensemble des titres de la presse.
S’agissant des radios associatives, acteurs de proximité importants, le projet de loi de finances pour 2023 leur apporte une aide renforcée au travers du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, abondé à hauteur de 1, 7 million d’euros. C’est une nécessité de cohésion sociale et je l’approuve.
J’en viens à présent au programme 334, « Livre et industries culturelles », pour évoquer les crédits dédiés au livre et à la lecture.
Dans le contexte économique que nous connaissons, j’émets une crainte, celle de voir tout un pan de l’économie du livre s’effondrer. Comme vous le savez, les librairies sont le commerce de détail le moins rentable, avec des marges extrêmement faibles et des charges fixes – salaires et loyer – élevées. Elles sont donc particulièrement exposées aux conséquences de l’inflation et j’appelle le Gouvernement à la vigilance sur ce sujet.
Permettez-moi également d’exprimer un regret au sujet de la réforme, aux résultats mitigés, des frais d’envoi des livres achetés sur les plateformes de vente à distance, pourtant votée à l’unanimité en 2021 dans le cadre de ma proposition de loi sur le livre.
Le montant de 3 euros minimum et la quasi-gratuité à partir de 35 euros d’achat ne donnent pas aux libraires les moyens de lutter à armes égales contre le géant Amazon et de s’installer sérieusement sur le créneau de la vente à distance.
J’espère surtout que Bruxelles n’y mettra pas carrément, dans sa notification, un coup d’arrêt.
S’agissant du Centre national du livre, les crédits sont abondés de 1, 1 million d’euros, afin de lui permettre de renforcer son action de soutien à la diffusion des œuvres et à la présence des auteurs sur l’ensemble des territoires.
Ces crédits supplémentaires ont également pour objectif d’accompagner les éditeurs dans la mise en œuvre de nouvelles obligations d’accessibilité aux personnes en situation de handicap ; je ne peux que m’en réjouir.
De même, je salue l’intérêt que l’État porte à la Bibliothèque nationale de France, qui bénéficiera d’un abondement significatif de ses crédits d’investissement et de fonctionnement, lui permettant de mener à bien son ambitieux programme de modernisation du site François-Mitterrand. Pour autant, sera-t-elle en mesure de faire face aux conséquences de la crise énergétique ? Je n’en suis pas convaincue.
Concernant la musique enregistrée, se pose en 2023 la question cruciale des moyens dont devra disposer le Centre national de la musique pour assurer la plénitude des missions que la loi lui confie.
(Murmures.) La pression est forte !
Sourires.
Si Mme la ministre de la culture a rappelé que le budget pour 2023 du CNM était suffisamment solide, son modèle de financement a néanmoins avivé les tensions parmi les professionnels de la musique. Dans ce contexte, la mission parlementaire confiée à notre collègue Julien Bargeton est la bienvenue. Elle permettra, n’en doutons pas, de dégager des pistes pour un cadre financier cohérent. §
Avec toutes les précautions d’usage, je souligne que la piste d’un financement au moyen de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, dite taxe YouTube, peut sembler plus pertinente que celle d’une éventuelle « taxe streaming » permettant de mettre à contribution les acteurs de la musique enregistrée payante.
Je ne conclurai pas cette intervention sans évoquer la situation du cinéma. Depuis la fin de la crise sanitaire, l’industrie du cinéma semble retrouver quelques couleurs, même s’il convient de rester prudent au regard de la baisse de fréquentation de 30 % observée entre 2019 et 2022.
La situation du Centre national du cinéma et de l’image animée s’est, quant à elle, stabilisée, mais reste fragile d’un point de vue financier, en dépit de l’augmentation de 1, 9 % des taxes affectées en 2023.
Toutefois, dans son avis budgétaire, notre collègue Jérémy Bacchi n’a pas manqué de souligner le contexte économique particulier dans lequel évolue le cinéma, peu favorable à la prise de risque, ainsi que les enjeux de la sobriété énergétique et du remboursement des prêts garantis par l’État.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’excuser notre collègue Catherine Morin-Desailly, spécialiste de l’audiovisuel, qui a été retenue par d’autres engagements et que j’associe naturellement à mon intervention.
Comme l’a dit le rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, jamais la situation de l’audiovisuel public n’aura paru aussi confuse et incertaine qu’en cette fin d’année 2022.
Nous devrions être entrés dans une nouvelle étape après le vote de la loi audiovisuelle portée par Franck Riester. Mais nous voilà aujourd’hui au point mort, puisque Roselyne Bachelot l’a enterrée en 2020.
Cette loi aurait permis, entre autres, de clarifier le modèle économique et le modèle de financement. Pourtant promise par Emmanuel Macron en 2017, elle semblait indispensable.
Cerise sur le gâteau, on supprime, cet été, au détour du projet de loi de finances rectificative, la contribution à l’audiovisuel public sans avoir pris soin d’évaluer les conséquences de cette mesure ni réfléchi à un mode de financement alternatif pérenne à l’occasion d’un véritable débat dans nos commissions.
Vous le savez, madame la ministre, le groupe Union Centriste, hostile à l’accroissement de la dette publique, souhaitait le report d’une année de suppression, le temps précisément d’une étude sérieuse et d’un débat éclairé.
Aujourd’hui nous actons le fait que le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » est maintenu. Il est alimenté par une fraction du produit de la TVA correspondant au niveau de dépenses prévues par la trajectoire financière des entreprises.
L’incertitude demeure maintenant sur le mécanisme qui sera retenu à compter de 2025 pour financer l’audiovisuel public de manière pérenne. À cet égard, nous regrettons que les préconisations de nos rapporteurs visant à créer une instance indépendante chargée de proposer une évaluation pluriannuelle des besoins de l’audiovisuel public – idée défendue par notre collègue Catherine Morin-Desailly dans des rapports antérieurs – n’aient pas été retenues par le Gouvernement.
Par ailleurs, les crédits inscrits sont certes en hausse, mais doivent être relativisés, car nous avons découvert les effets fiscaux de la suppression de la CAP, données non communiquées lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
À cela s’ajoute, pour France Médias Monde et Arte, la perte du droit de déduire la TVA, ce qui a pour conséquence d’augmenter leurs charges en 2022 et 2023.
Restent l’inflation et les coûts de l’énergie, qui auront des conséquences non négligeables sur le budget. En dépit des économies réalisées, la hausse affichée des crédits ne suffira donc pas pour compenser toutes ces difficultés.
Nous craignons aussi que ces moyens ne suffisent pas à financer les nouvelles priorités de ces entreprises. France Télévisions doit être structurellement et financièrement capable d’affronter la concurrence et de continuer à financer la création.
Quant à l’audiovisuel extérieur, amené à jouer un rôle essentiel dans le monde troublé et menaçant que nous vivons – l’actualité nous le rappelle chaque jour –, nous sommes inquiets d’un niveau de ressources insuffisant.
Le financement de France Médias Monde et d’Arte n’est en effet plus suffisamment indépendant, une dotation d’État s’étant substituée à une dotation publique. Voilà pourquoi, en l’absence, à ce stade, de mécanisme de financement approprié et inscrit dans une loi organique – ce que préconise ni plus ni moins le rapport demandé à l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) – nous ne pouvons que suivre l’avis du rapporteur et nous abstenir sur ces crédits.
Attaché aux missions de l’audiovisuel public, le groupe centriste restera, madame la ministre, particulièrement vigilant et exigeant dans les semaines à venir pour que les missions dont l’audiovisuel public est doté ne soient pas plus longtemps fragilisées et que les personnels soient rassurés sur leur avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les différents secteurs sont touchés par une crise multiforme, la hausse des crédits affectés ne suffit pas à masquer de véritables difficultés sur l’efficacité et la pertinence des dispositifs actuels.
Nous devons déplorer l’absence de véritables réformes pour une meilleure adaptation aux nouveaux enjeux. Les usagers et les usages changent. Les publics n’ont plus les mêmes goûts et les acteurs de l’industrie culturelle proposent de nouvelles démarches. Le numérique est désormais une donnée incontournable dans tous les médias.
Pour l’audiovisuel public, il faut ainsi reconnaître l’absence d’une véritable réforme d’ampleur à la hauteur des attentes.
La suppression de la redevance audiovisuelle est restée avant tout la simple traduction d’une promesse électorale, une décision adoptée sans vision d’ensemble et sans solution concrète pour notre audiovisuel public. Rien n’a été engagé sur son organisation, qui reste nécessaire.
Voilà quelques mois, mes collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet proposaient la création d’un « média public puissant et innovant » pour répondre notamment au défi du numérique en raison de la concurrence des plateformes.
Il n’en est rien, malheureusement. Nous sommes loin de nos voisins allemands ou britanniques, qui ont su mettre en place un réseau attractif et reconnu.
La hausse des crédits ne doit pas faire illusion : elle vise surtout à neutraliser les conséquences fiscales de la suppression de la redevance. Le problème du financement des médias publics est prégnant. Si le niveau des recettes est maintenu, rien n’a été fait pour évaluer les besoins de l’audiovisuel public. Et l’horizon 2025 nous inquiète.
Quant à la presse, rien n’a été fait sur la réforme des aides, sauf pour les aides à la distribution. C’est insuffisant. Les rapports entre le système actuel des aides et le contexte numérique n’ont pas été redéfinis.
Dans le cadre du récent rapport de notre collègue Michel Laugier, nous avions émis le vœu que la presse régionale soit mieux aidée pour la digitalisation, en raison de nouveaux usages constatés chez les lecteurs.
Le secteur doit être accompagné pour qu’il puisse se réinventer et trouver lui-même les solutions. Or nous ne les percevons pas.
Pour rester dans le domaine de la culture, nous devons saluer l’attachement des Français au livre. Les ventes de livres sont en hausse, cela a été évoqué. Mais ce qui est gagné d’un côté grâce au goût des Français pour la lecture peut être, hélas ! perdu de l’autre par la hausse des prix du papier, rendant le prix des ouvrages inabordable.
Concernant les frais de port sur les livres, ma collègue Laure Darcos avait déploré un alignement sur le modèle Amazon. Le niveau minimum de frais de port pour les livres est trop faible. Ce n’est pas un message sérieux pour nos libraires et pour l’édition ! L’application de la loi sur l’économie du livre est décevante.
Les éditeurs, les libraires et, au-delà, les lecteurs sont en attente de fortes décisions.
Quant à la musique, il faut noter la poussée continue du streaming. C’est une consommation nouvelle destinée à être pérenne et qui pourrait être une base pour d’éventuelles ressources.
La question du financement du CNM reste posée. Il devient impératif de trouver une solution pour ses recettes, qui sont insuffisantes. Quelles seront les nouvelles ressources adaptées au streaming ? Faudra-t-il une taxe sur cette forme de consommation pour financer le CNM ? Là aussi, nous manquons de perspectives claires.
Parlons à présent du septième art, qui a été, hélas ! lui aussi éprouvé par la crise. Face à la crise sanitaire, le cinéma a symbolisé la vulnérabilité de la culture. Nous sommes sortis des polémiques sur l’ouverture des salles, mais la fréquentation a chuté d’un tiers par rapport à 2019, comme si les contraintes des gestes barrières étaient restées dans les esprits, une véritable jauge mentale qui se substitue aux anciennes.
Parce qu’il manie l’image, le cinéma subit la forte concurrence d’internet et des plateformes numériques. Il y a donc urgence à réviser les soutiens à ce secteur, comme le CNC s’y était engagé en janvier 2020. Nous sommes en attente de décisions fortes.
Comment redonner aux Français, tout simplement, le goût des salles de cinéma ? Voilà un test pour la politique du Gouvernement.
Enfin, la place du jeu vidéo se consolide. Ce secteur a bien résisté à la crise et les perspectives sont prometteuses. La France est bien représentée dans le secteur des jeux ; elle est même une référence. Soutenons la création si nous voulons que notre pays garde sa place, mais il faut prendre en compte la nécessité de préserver les jeunes publics.
Nous déplorons donc l’absence de réformes vitales et nécessaires dans cette mission, alors que des perspectives positives existent. Avec beaucoup de réserves, nous voterons tout de même les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier, rapporteur pour avis, applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de poursuivre avec vous cet examen de la seconde partie du budget du ministère de la culture pour 2023, au travers des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Les enjeux que recouvrent le livre, les médias et notre audiovisuel public sont fondamentaux pour l’avenir de notre démocratie, surtout à un moment où notre pays est confronté, comme la plupart des sociétés démocratiques, à une crise de l’information. Nous sommes dans cette ère de l’immédiateté qu’avait si bien analysée Pascal Josèphe, à qui vous avez magnifiquement rendu hommage, cher André Gattolin – je vous en remercie.
Recul de la confiance des citoyens dans les médias, transformation des usages, perte de repères face à la profusion d’informations diffusées en ligne, fragilisation du modèle économique de la presse : les défis sont nombreux. S’agissant de consolider les acteurs des médias, du livre et des industries culturelles et créatives et de permettre à la France de rester une « puissance de rêve », pour reprendre des mots de Malraux, ce budget pour 2023 se veut ambitieux. Il peut même être qualifié d’historique : 704 millions d’euros de crédits budgétaires, soit 4, 3 % de plus que l’année passée, sont alloués à cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » s’élèvent de leur côté à 3, 8 milliards d’euros, soit une hausse d’un peu plus de 3 % par rapport à l’an dernier.
Je m’y étais engagée, cet engagement est tenu. Non seulement la compensation de la suppression de la redevance s’est faite à l’euro près, mais ce budget prévoit une hausse des dotations aux sociétés de l’audiovisuel public visant à prendre en compte les effets fiscaux du changement du mode de financement et compenser les effets de l’inflation.
La mission « Médias, livre, industries culturelles » pour 2023 est orientée autour de plusieurs grandes priorités.
Je veux d’abord évoquer le développement de la lecture, qui m’est très cher, sur tout le territoire, dans la continuité de la dynamique, très forte, qu’avait impulsée l’attribution à la lecture du label de grande cause nationale. S’il ne faisait aucun doute que les Français étaient attachés au livre et à la lecture – vous l’avez tous dit –, la crise sanitaire a été l’occasion de le rappeler et de mettre en lumière notre première industrie culturelle. Les librairies et les maisons d’édition ont été touchées par la pandémie, mais le soutien public a été au rendez-vous, via de nombreux dispositifs sectoriels, sans oublier, pour les deux dernières années, le plan de relance.
Le soutien au secteur du livre doit se poursuivre. Ce budget illustre bien cette ambition : 10 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au développement de la lecture sur tout le territoire, au soutien de nos bibliothèques, du réseau des librairies, des maisons d’édition en région, ainsi qu’au renforcement des manifestations littéraires.
Nous lançons également, en lien avec le ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, le projet d’une nouvelle plateforme accessible à toutes les personnes en situation de handicap, qui va référencer les livres adaptés à chaque handicap ; 5 millions d’euros sont prévus à cet égard jusqu’en 2025. Des budgets spécifiques seront aussi versés au Centre national du livre pour inciter les éditeurs à adapter davantage de livres pour les personnes handicapées.
En outre, des aides vont être mises en place, via la Centrale de l’édition, pour financer, faciliter, renforcer le transport des livres – +1 million d’euros de dotation. Il s’agit en particulier de faire face aux difficultés d’acheminement, dont vous avez tous conscience, notamment vers les territoires d’outre-mer et, à l’international, vers les librairies francophones ; cet enjeu me tient très à cœur.
Notre mission est également de garantir le pluralisme des médias et l’accès à une information fiable, libre, vérifiée, indépendante. J’y insiste, il y a là un enjeu majeur pour l’avenir de notre démocratie. Dans les mois à venir vont se tenir les États généraux du droit à l’information, auxquels l’ensemble des acteurs concernés vont être associés, ainsi que, bien sûr, tous les parlementaires qui le souhaitent.
Pour le secteur de la presse, l’année 2023 marque la fin du plan de filière « presse », qui était l’un des plans majeurs du plan de relance. Je veux rappeler l’ampleur de ce plan inédit, une enveloppe de 377 millions d’euros ayant permis de financer les transitions écologique et numérique du secteur et de réaffirmer l’attachement de l’État à cette presse si vitale pour notre démocratie.
Le ministère de la culture va continuer à soutenir le secteur. La priorité que nous avions définie avec la filière était la réforme de la distribution, sur laquelle nous avons travaillé depuis déjà plusieurs mois. C’est pour cette raison que le budget est en hausse de 17, 3 millions d’euros pour les aides à la diffusion et la compensation du transport postal.
Vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs, la hausse des coûts, notamment du prix du papier, est une préoccupation forte et légitime des professionnels. Je sais que vous y êtes tous attentifs et nous allons avoir l’occasion d’en parler lors de l’examen des amendements.
Une somme de 2 millions d’euros est également consacrée aux études préalables et au lancement des travaux de la future Maison du dessin de presse, projet très important à mes yeux, lieu d’exposition, de création et de médiation.
Je veux également vous assurer de ma volonté de mener un état des lieux assez complet des aides à la presse, pour travailler à cette réforme que vous appelez de vos vœux. Je ne suis ministre que depuis six mois ; j’ai déjà négocié un bon budget, mais maintenant, je vous l’accorde, nous devons travailler sur cette réforme des aides à la presse, qui n’est pas une mince affaire.
Concernant le secteur des médias, nous continuerons de soutenir les radios de proximité, pour la troisième année consécutive, en augmentant les crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Il s’agit d’accompagner la croissance du nombre de radios associatives éligibles à ce fonds, de 690 en 2017 à 744 en 2022.
Comme je l’ai dit à propos de la mission « Culture », ce budget permet non seulement de répondre aux besoins immédiats liés au contexte énergétique, mais aussi de préparer l’avenir en mettant la transition écologique de nos établissements et de nos opérateurs au cœur de l’ensemble de nos politiques publiques. Ainsi, 8 millions d’euros supplémentaires, en dépenses de fonctionnement, permettront de soutenir les établissements publics de la mission « Médias, livre et industries culturelles » face à l’inflation. Pour le Centre national de la musique, 900 000 euros sont prévus visant à accompagner la transition écologique du secteur de la musique en 2023 ; c’est une amorce, évidemment.
Je sais que l’enjeu du financement du Centre national de la musique est au cœur de vos préoccupations – vous l’avez tous évoqué. Le sénateur Julien Bargeton vient de commencer sa mission sur le financement de la filière musicale dans son ensemble, mais je veux vous rassurer de manière très claire pour ce qui est du budget pour 2023 : comme je vous l’avais indiqué – j’ai revérifié –, le Centre national de la musique peut compter sur 20 millions d’euros de reliquats du plan de relance, qui vont s’ajouter à son budget pour 2023. N’ayez crainte, l’an prochain, le secteur sera bien accompagné. Et, sur la base des conclusions de la mission, nous pourrons rediscuter ensemble de l’avenir à plus long terme.
Pour ce qui est de nos cinémas, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre engagement en leur faveur. Ce secteur a fait l’objet d’un soutien sans faille et sans précédent du Gouvernement pendant la crise sanitaire, et ce soutien va se poursuivre : le montant des taxes affectées au CNC va atteindre 711 millions d’euros, en légère hausse par rapport à 2022. L’enjeu principal des semaines passées et des mois à venir est évidemment celui de la fréquentation de nos salles de cinéma, vous l’avez tous dit. On s’attend, à la fin de cette année, à une baisse de fréquentation comprise entre 25 % et 30 % – j’espère que l’on sera plutôt autour des 25 %.
Néanmoins, je reste optimiste. Pourquoi ? Je puise cet optimisme dans l’histoire : au début des années 1990, on nous avait prédit la mort du cinéma, que la télévision devait tuer. La fréquentation annuelle avait chuté à 110 millions de spectateurs en 1992. Et puis les salles se sont réinventées, les films ont été au rendez-vous et, petit à petit, le cinéma a remonté la pente, jusqu’à 213 millions de spectateurs en 2019, avant le covid-19. Le sursaut est donc possible. Le cinéma ne fut pas tué par la télévision ; il ne le sera pas non plus par les plateformes.
Cet optimisme, je le puise aussi dans la comparaison avec nos voisins européens – 60 % de baisse de fréquentation en Italie, 40 % en Allemagne ou en Espagne – ou avec la Corée du Sud, où la baisse est de 50 %. Devant de tels chiffres, je me dis que, tout de même, le secteur du cinéma en France a mieux résisté et que les Français restent un peuple de cinéphiles. Nous avons un vrai appétit pour les films français en salle, pour l’émotion sur grand écran, comme a pu le montrer le succès de films comme Revoir Paris, La Nuit du 12, L ’ Innocent, Simone, le voyage du siècle ou encore Novembre.
L’État accompagne fortement cette reprise, notamment grâce au pass Culture, que nous avons précédemment évoqué. Entre janvier et août 2022, 2, 5 millions de séances de cinéma ont été réservées via cet outil, appui précieux à la fréquentation des jeunes, qui sont le public de demain.
À ce sujet, vous avez été plusieurs à mentionner le plan France 2030. C’est aussi par le biais de ce plan très ambitieux que l’État accompagne le secteur du cinéma. Madame de Marco, sachez que le ministère de la culture est pleinement impliqué dans ce plan, le CNC étant une administration centrale dudit ministère. Nous sommes entièrement mobilisés sur l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui vient d’être clos ; quelque 175 dossiers, émanant de 13 régions – voyez la diversité ! –, ont été déposés.
L’objectif est triple : soutenir des infrastructures de tournage ; soutenir des studios de jeux vidéo, d’animation, d’effets visuels, de postproduction ; soutenir des formations, l’enjeu étant de développer les compétences et les talents. Tout cela est dans le plan France 2030, notamment l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui est très « territorial » et qui coiffe l’ensemble des secteurs des industries créatives.
J’en viens maintenant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », dont les crédits augmentent de 114, 4 millions d’euros, pour atteindre 3, 8 milliards d’euros.
Nous avons eu de nombreux débats cet été. Je ne vais pas y revenir, d’autant que mon temps d’intervention est compté. Nous avons pleinement tenu nos engagements. Je l’ai dit et le redis : le PLF pour 2023 apporte une compensation à l’euro près de la redevance et des effets fiscaux liés au changement de financement. Bien sûr, nous avons aussi tenu compte, en partie, de la hausse des coûts de l’énergie ainsi que de l’inflation.
Je ne reviens pas sur tous les chiffres, que j’ai détaillés en commission, mais je veux rappeler que toutes ces hausses, entreprise par entreprise, ont été déterminées par l’État sur la base de projections qui ont été produites par ces entreprises et discutées avec elles.
Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’échanger sur le calendrier. La trajectoire financière pluriannuelle de l’audiovisuel public va être fixée en deux temps. Dans un premier temps, un avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) actuel, 2020-2022, va être signé d’ici à la fin de l’année ; y seront fixées les cibles à atteindre et la dotation publique pour 2023.
Dans un second temps, à l’issue de travaux qui vont évidemment associer le Parlement, dans le cadre d’un dialogue nourri avec les entreprises de l’audiovisuel public, de nouveaux contrats d’objectifs et de moyens vont être établis au cours de l’année 2023 et adossés à une trajectoire de dotation pluriannuelle. Je souhaite que ces nouveaux COM aient une durée de cinq ans, de sorte que l’on se donne la plus grande visibilité possible.
J’ai déjà indiqué quelques grands axes prioritaires qui, à mes yeux, doivent guider ces nouveaux contrats d’objectifs et de moyens.
Nous avons parlé de l’information, de sa fiabilité, de son pluralisme.
Nous avons parlé de la jeunesse. Gardons en tête les chiffres récemment publiés pour le Royaume-Uni, dont nous ne sommes plus très loin : les jeunes regardent sept fois moins la télévision que leurs aînés.
Nous avons parlé de la création : nous savons l’importance du financement de la création par l’audiovisuel public.
Nous avons parlé de la proximité et de l’importance de l’audiovisuel extérieur – je vous remercie de l’avoir évoquée – surtout en des temps de grande manipulation de l’information et d’ingérences étrangères.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques priorités que je souhaitais réaffirmer pour cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Telles sont les ambitions que je veux défendre pour l’audiovisuel public. Je salue votre engagement sur ces enjeux et je me réjouis de pouvoir poursuivre avec vous l’échange nourri que nous avons entamé ces derniers mois. J’en ai terminé, en libérant deux minutes pour la suite du débat…
Sourires . – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Monique de Marco applaudissent également.
Mme la présidente. Merci, madame la ministre ; je vois que vous préféreriez terminer cet après-midi.
Nouveaux sourires.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures quinze.
En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à vingt heures vingt, celui-ci se poursuivrait à la fin des missions de cette semaine.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Médias, livre et industries culturelles
Presse et médias
Livre et industries culturelles
L’amendement n° II-526, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Thomas Dossus.
Madame la ministre, je vous ai bien entendu nous rassurer sur le financement du CNM pour l’année prochaine ; malgré tout, des inquiétudes demeurent, notamment chez les petits acteurs culturels. Même si nous nous félicitons de la mission qui a été confiée à notre collègue Bargeton sur les ressources du CNM, ses conclusions ne devraient être rendues que courant 2023 ; en d’autres termes, sa traduction budgétaire n’aura pas lieu avant 2024.
Dans l’attente, nous proposons, pour soutenir les filières musicales, d’instaurer un fonds doté de 20 millions d’euros pour l’année 2023. Ce bol d’air financier devrait permettre au CNM de passer cette année difficile, avant qu’il ne dispose de ressources pérennes.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Comme l’a dit Mme la ministre, et comme je l’ai moi-même rappelé, les responsables du CNM – nous les avons reçus – n’ont pas de problèmes financiers pour l’année 2023 : ils en ont pour 2024. La mission de Julien Bargeton, décidément à l’honneur
Sourires.
Demande de retrait également.
Considérez, monsieur le sénateur Dossus, que votre amendement est déjà pris en compte, puisque, je l’ai indiqué, il existe un reliquat d’environ 20 millions d’euros, dont j’ai obtenu le report sur l’exercice 2023. Cette somme va bel et bien abonder le budget pour 2023 du Centre national de la musique, en attendant de préparer l’avenir.
J’apporte rapidement des précisions, puisque la mission qui m’a été confiée vient d’être évoquée. Il s’agit de faire le point sur les dispositifs de financement de la filière musicale, en particulier du CNM, d’en faire l’histoire et le bilan, d’en tirer des conclusions, d’analyser le marché, d’objectiver et de documenter la réalité des besoins, et notamment des failles de marché qui justifient l’intervention publique. Il s’agit aussi d’élaborer des scénarios, d’envisager toutes les pistes possibles, avec leurs avantages et leurs inconvénients, et de faire un certain nombre de propositions non seulement sur le CNM, mais aussi, de manière générale, sur la gouvernance, l’organisation et la stratégie de la filière musicale en France.
Par cohérence avec la mission qui m’a été confiée, je ne pourrai donc pas voter cet amendement. En tout cas, j’ai bien entendu les préoccupations qui viennent d’être exprimées, et croyez bien que je m’appuierai aussi sur les travaux du Sénat et sur les nombreuses remarques de mes collègues pour écrire mon rapport.
Nous partageons évidemment en tout point l’esprit de cet amendement ; nous avions d’ailleurs envisagé de faire une proposition en ce sens.
Ce qui me pose néanmoins problème, symboliquement, c’est de devoir gager un tel amendement sur des crédits pris à la presse. Ce secteur n’est pas en si bonne santé que l’on puisse y grappiller des sous pour alimenter le reste… Nous allons donc nous abstenir.
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Bernard Fialaire.
Cet amendement vise à soutenir le modèle des éditeurs privés de services de télévision et de radio à vocation locale opérant dans les territoires d’outre-mer.
En effet, ces acteurs jouent un rôle essentiel à plusieurs égards.
Ils mettent en avant des identités, des cultures et des traditions locales par une offre de proximité plurielle et diverse.
Ils resserrent les liens entre nos territoires éloignés et la métropole, mission qui s’est révélée cruciale pendant la pandémie.
Ils assurent le rayonnement de la France sur les bassins Pacifique, Indien et Caraïbe.
Ces opérateurs permettent de surcroît un accès gratuit aux meilleurs programmes des chaînes privées hexagonales pour les populations locales.
Je n’oublie pas leur audience et leur poids économique : ils rassemblent près d’un million de personnes chaque jour sur trois zones et emploient plus de 500 salariés directs, ainsi qu’environ 700 intermittents, qui travaillent au sein de groupes audiovisuels intégrés dans les territoires.
Hélas ! malgré tous ces atouts, leur modèle économique est aujourd’hui gravement menacé par les charges anormales de transport et de diffusion qu’ils doivent supporter en raison de leur éloignement du territoire national et des spécificités de leur zone géographique de diffusion.
Craignant que ces éditeurs de télévision et de radio ne subissent le même sort que celui de la presse quotidienne régionale – je vous rappelle les liquidations qu’ont vécues Le Journal de l ’ île de La Réunion et France-Antilles –, les auteurs de cet amendement d’appel souhaitent rendre le Gouvernement sensible à la nécessité d’accompagner leur modèle et de garantir leur pérennité.
L’amendement n° II-564 rectifié, présenté par Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme S. Robert, MM. Assouline, Kanner, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Cet amendement a pour objet d’accompagner et, surtout, de préserver le modèle des éditeurs privés de services de télévision et de radio à vocation locale opérant dans les différents territoires d’outre-mer. Il s’agit de garantir leur pérennité, afin que, à l’instar de ce qui se passe dans l’Hexagone au profit de nos concitoyens métropolitains, les populations des outre-mer continuent de bénéficier de manière effective de la gratuité d’accès à de nombreux programmes, de la diversité des offres audiovisuelles, du pluralisme des expressions, ainsi que de la mise en valeur des identités et cultures locales. Il s’agit aussi de préserver des emplois directs et indirects – entre 500 et 700 selon les périodes.
L’objectif est que le Gouvernement accepte de créer à cet effet une aide directe et pérenne dès 2023. Pour rappel, nos collègues Jocelyne Guidez et Maurice Antiste, dans le rapport qu’ils ont fait en 2019 au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, recommandaient déjà une prise en compte réelle de la situation des outre-mer en matière d’audiovisuel public – à l’époque, il s’agissait de fermer France Ô. Nous nous étions opposés à cette suppression, mais le Gouvernement l’avait confirmée. Nous voyons bien, maintenant, que nous avions raison, compte tenu de la situation des médias dans nos territoires.
Je souhaite vivement que nos outre-mer soient dotés de moyens suffisants pour permettre à ces médias de poursuivre leurs activités.
Je sollicite l’avis du Gouvernement, s’agissant d’un système très spécifique. J’émets tout de même une petite réserve : ces deux amendements sont gagés sur les crédits du livre et de la lecture, ce qui me gêne un peu, chacun le comprend, même si je n’ignore rien des obligations prévues par la Lolf.
La mesure qui nous est ici proposée est en effet gagée sur les crédits du livre ; or j’ai justement expliqué que nous proposions l’augmentation des crédits destinés à compenser les coûts du transport des livres, notamment vers l’outre-mer.
Je n’ai pas très bien compris si vous parliez globalement de tous les médias en outre-mer ou, plus spécifiquement, des éditeurs privés de services de télévision et de radio à vocation locale. Une aide exceptionnelle a été versée pendant la crise sanitaire. Certes, à l’issue de cette crise, on mesure le caractère structurel de certaines fragilités économiques. Mais je considère ces amendements comme des amendements d’appel, qui nous invitent, dans le cadre plus large de la réforme des aides au pluralisme des médias, à examiner de plus près le cas des outre-mer.
N’ayant pas d’évaluation très précise à vous fournir aujourd’hui, je ne voudrais pas que l’on réduise le soutien au livre, notamment en outre-mer. Je demande donc le retrait de ces amendements.
La modification de crédits que nous proposons porte sur 1 million d’euros, contre 10 millions d’euros pour l’amendement n° II-679 : la différence n’est pas mince… Le besoin est bien de 1 million d’euros, comme l’a montré l’évaluation réalisée par notre collègue Victoire Jasmin avec les acteurs concernés. Bien sûr, nous ne souhaitons pas pour autant pénaliser le livre ; nous demandons donc à Mme la ministre de lever le gage.
Compte tenu de l’avis émis par Mme la ministre, j’imagine que le gage n’est pas levé ?…
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-721, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Aide exceptionnelle pour les éditeurs de presse IPG
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
Aide exceptionnelle pour les éditeurs de presse IPG
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Monique de Marco.
Cet amendement vise à créer une aide exceptionnelle de 5 millions d’euros à destination des éditeurs de presse d’information politique et générale (IPG). Cette aide serait plus spécifiquement orientée vers ceux qui touchent actuellement moins de 350 000 euros par an, hors aide spécifique au postage et au portage.
Soutenir les petits éditeurs de presse IPG, c’est venir en aide, précisément, à ceux qui sont le moins aidés et qui souffrent le plus de l’augmentation significative du prix du papier, lequel a plus que doublé depuis janvier 2021.
En effet, les aides à la presse sont déjà captées en majorité par la presse papier, et plus particulièrement par les grands groupes de presse. Rappelons que c’est le groupe Aujourd’hui en France–Les Échos–Le Parisien, propriété de Bernard Arnault, qui est le premier bénéficiaire des aides à la presse en France, avec plus de 15, 7 millions d’euros en 2021, au seul titre des aides individuelles.
J’espère que vous en conviendrez, mes chers collègues, cette aide ponctuelle doit être fléchée vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les titres de presse fragilisés par l’augmentation continue du coût du papier. Il nous incombe de les soutenir au nom de la pluralité des opinions, de la diversité des médias dans nos territoires et de la défense d’une presse libre.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Franchement, les éditeurs de presse IPG ne sont pas les plus mal servis, et de loin, ni les plus menacés. Attendons la réforme des aides à la presse, mais, parmi toutes les demandes que nous avons adressées au Gouvernement, celle qui est ici formulée ne me semble pas prioritaire. Qui plus est, ma chère collègue, vous gagez votre amendement sur les crédits du programme « Presse et médias », ce qui, encore une fois, est un peu gênant.
Madame la sénatrice de Marco, cet enjeu du soutien au secteur de la presse face à la hausse du prix du papier a été identifié par le Gouvernement depuis plusieurs mois. Le Sénat a d’ailleurs lui-même mis en lumière ces difficultés par la voix de votre collègue Michel Laugier, auteur d’un rapport sur le sujet remis en juin dernier, que je remercie.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022, vous avez voté, voilà quelques jours, un dispositif exceptionnel et ponctuel proposé par le député Denis Masséglia, à hauteur de 5 millions d’euros – le compte est bon !
Plus largement, nous travaillons en ce moment même à un dispositif de soutien, lui aussi exceptionnel et conjoncturel, destiné aux éditeurs les plus en difficulté, et pas uniquement les éditeurs de presse IPG, qui voient leurs coûts de production augmenter de manière très significative. Je ne peux pas encore vous annoncer le montant de cette aide, qui sera peut-être alimentée par un redéploiement du plan de relance. En tout cas, il s’agira d’un mouvement de crédits existants, qui interviendra en gestion.
Plusieurs pistes sont à l’étude ; je suis en train d’y travailler et j’espère vous annoncer ce montant dès que possible. Quoi qu’il en soit, il y aura bientôt une enveloppe supplémentaire pour soutenir les éditeurs de presse face à la hausse du coût du papier.
Demande de retrait.
L’intention me semble tout à fait louable, mais je vous mets en garde, ma chère collègue, sur le danger que représenterait la création d’un nouveau programme financé par une ponction opérée sur le programme existant. L’enjeu est plutôt de procéder à une redistribution plus équitable au sein du programme.
Je suis complètement d’accord avec vous : il est nécessaire d’inverser le mode de fonctionnement des aides à la presse. Les entreprises de presse qui sont adossées à de grands groupes très solides financièrement, souvent étrangers au monde de la presse, d’ailleurs, reçoivent actuellement l’essentiel de l’aide publique, ce qui me semble un dévoiement total : l’aide publique n’a pas vocation à soutenir ceux qui disposent d’autres moyens, privés, pour tenir. Inversement, la presse qui est en difficulté, les nouveaux entrants, les petits, qui ne sont pas adossés à de telles puissances financières, reçoivent une moindre part de cette aide publique.
Il faut remettre les choses à l’endroit, et cela passe par une augmentation des crédits de ce programme.
Par contre, créer au sein de la mission un nouveau programme en ponctionnant le programme « Presse et médias » revient à laisser choisir le Gouvernement quant à ce qu’il ponctionnera, par exemple – c’est une possibilité – la petite ligne budgétaire destinée à aider la presse indépendante et les nouveaux entrants.
Pour cette raison, nous nous abstiendrons ; mais, sur le fond, nous sommes complètement d’accord avec l’intention de ses auteurs.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-680, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Plan d’urgence pour la BNF
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
Plan d’urgence pour la BNF
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Céline Brulin.
Cet amendement vise à mettre en place une aide d’urgence de 3, 6 millions d’euros en direction de la Bibliothèque nationale de France, ce montant correspondant au surcoût qu’elle doit assumer en 2022 en matière de dépense énergétique.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il fallait faire beaucoup plus pour la BNF ; je ne saurais mieux dire ! Vous avez même évoqué un « gouffre » qu’il fallait combler. Nous proposons de commencer à y pourvoir par cette aide d’urgence.
Je ne reviens pas sur la situation globale qui est celle de la Bibliothèque nationale de France ; quoi qu’il en soit, cette aide nous semble indispensable pour qu’elle puisse faire face au surcoût de l’énergie. Et nous demandons au Gouvernement de lever le gage.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. J’ai dit tout à l’heure, non par plaisanterie, mais par provocation, que, s’il fallait changer toutes les fenêtres, cela coûterait des dizaines de millions d’euros.
En ce qui concerne le surcoût de l’énergie, les responsables de la BNF admettent eux-mêmes que, grâce aux redéploiements effectués en interne, ils parviennent à s’en sortir pour 2023.
Toutefois, madame la ministre, je ne vous le cache pas, si la BNF devait réaliser de nouveaux travaux et assumer de nouvelles charges en 2024, il faudrait qu’elle trouve des ressources supplémentaires.
Le budget de la BNF a augmenté de 10 % en quatre ans ; il s’élève à 233 millions d’euros.
Qui plus est, vous gagez votre amendement sur le programme « Presse et médias ». À trop tirer sur la corde, cela risque de devenir compliqué… Je préférerais qu’on en reste là.
Dans le PLF pour 2023, il est prévu que la subvention attribuée à la BNF augmente assez nettement par rapport à l’exercice précédent, de 8, 7 millions d’euros – tout de même ! –, dont 5 millions sont fléchés pour accompagner la hausse des coûts.
Nous avons identifié, pour concevoir l’enveloppe de 56 millions d’euros que j’ai présentée, les établissements qui étaient de véritables passoires thermiques, au nombre desquels on compte, en effet, la BNF – je ne reviens pas sur l’exemple des 10 000 fenêtres… Autrement dit, nous venons en aide aux établissements les plus en difficulté.
Je demande donc le retrait de cet amendement : le surcoût est pris en compte.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-523, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche, Dantec, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse et médias
Livre et industries culturelles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Thomas Dossus.
Il s’agit d’un amendement d’appel concernant, de nouveau, les aides à la presse.
Nombre de ces aides sont destinées à la presse nationale, à la presse quotidienne régionale ou à la presse hebdomadaire ; mais quasiment rien ne va à la presse régionale mensuelle, bimensuelle, bimestrielle ou trimestrielle.
Quand je dis « quasiment rien », ce n’est pas une image : sur un total de 197 millions d’euros d’aides à la presse, les publications régionales périodiques qui ne sont ni quotidiennes ni hebdomadaires bénéficient uniquement des crédits alloués à la troisième section, soit 50 000 euros pour toute la France.
Dans le détail, on s’aperçoit que le montant est si faible que six titres seulement y ont eu accès en 2022. Ce chiffre est surprenant, car la liste des publications régionales d’information politique et générale autres que quotidiennes et hebdomadaires publiée par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) compte 136 publications sur l’ensemble du territoire.
Imaginez : 6 titres aidés sur 138… Un ras-le-bol commence à s’installer : l’impression que les aides sont focalisées sur les titres proches des lieux de pouvoir, ceux dont les responsables maîtrisent le système.
Surtout, le sentiment prévaut qu’il faut revoir d’urgence les procédures d’attribution des aides du ministère : pour être éligible aux aides au pluralisme, il faut satisfaire à quatre critères, que ces 138 titres remplissent tous ; un taux si faible d’attribution est donc incompréhensible.
Ces journaux n’ont ni les moyens ni les ressources humaines nécessaires pour disposer d’effectifs spécialisés dans les relations avec votre ministère. Il est donc temps de leur simplifier la vie.
Tel est l’objet de notre amendement, qui vise à doubler le montant alloué à ces publications au titre de l’aide à la pluralité ; il s’agit d’éveiller les consciences au sein du Gouvernement et d’inciter celui-ci à revoir d’urgence ces procédures d’attribution.
Notre collègue évoque lui-même 138 titres. Divisez 50 000 euros par 138 titres, chiffre évoqué par notre collègue ; cela fait à peine 500 euros par titre…
Privilégions une véritable réforme, c’est-à-dire une remise à plat des aides à la diversité ; le Gouvernement doit prendre un certain nombre d’engagements.
J’entends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, mais reconnaissez, mon cher collègue, que 50 000 euros en faveur de la diversité à partager entre 138 titres régionaux, c’est symbolique…
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Avances à l’audiovisuel public
France Télévisions
ARTE France
Radio France
France Médias Monde
Institut national de l’audiovisuel
TV5 Monde
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-506, présenté par M. Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
France Télévisions
ARTE France
Radio France
France Médias Monde
Institut national de l’audiovisuel
TV5 Monde
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Monique de Marco.
Cet amendement vise à fournir à France Télévisions les moyens d’assumer ses missions.
Lors du précédent quinquennat, le financement de l’audiovisuel public a perdu 200 millions d’euros. Par ailleurs, lors de l’examen du PLFR pour 2022, ce même financement a été bouleversé par une réforme menée à la hussarde.
Cette année, en plein contexte inflationniste, le budget de France Télévisions n’augmente que de 1 %. Alors que la société voit ses charges augmenter de 95 millions d’euros, les concours financiers qui lui sont alloués n’augmentent que de 50, 7 millions d’euros.
Il est impératif, pour conserver un service public de qualité, d’assurer à l’audiovisuel public des ressources suffisantes et pérennes, assorties d’une visibilité pluriannuelle.
L’amendement n° II-508, présenté par M. Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
France Télévisions
ARTE France
Radio France
France Médias Monde
Institut national de l’audiovisuel
TV5 Monde
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Monique de Marco.
Cet amendement d’appel a pour objet de donner l’alerte quant au coût que représente la réforme du financement de l’audiovisuel public pour les sociétés du secteur – 22 millions d’euros supplémentaires pour France Télévisions, coût non amorti par l’État.
Cette réforme a été menée à la hussarde, je l’ai dit, lors de l’examen du PLFR pour 2022, à tel point que l’on ne constate qu’après coup que les nouveaux crédits, étant issus des recettes de la TVA, ne sont pas assujettis à cette taxe. Les sociétés de l’audiovisuel public se retrouvent du même coup assujetties à la taxe sur les salaires, soit, j’y insiste, pour ce qui est de France Télévisions, une charge de 22 millions d’euros non compensée par l’État.
Nous demandons que l’État compense cette perte. Surtout, cet épisode doit nous alerter, et alerter le Gouvernement, sur les conséquences d’une réforme menée un peu trop vite.
Je commencerai par émettre l’avis de la commission sur l’amendement n° II-508, car il est satisfait. Ma chère collègue, vous demandez 22 millions d’euros destinés à compenser l’assujettissement de France Télévisions à la taxe sur les salaires. Or le projet de loi de finances pour 2023 prévoit, comme pour toutes les autres sociétés de l’audiovisuel public, une compensation intégrale de la taxe sur les salaires dont s’acquitte France Télévisions, à hauteur de 22, 4 millions d’euros.
Votre amendement, madame de Marco, est donc pleinement satisfait ; je vous demande de bien vouloir le retirer.
J’en viens maintenant à l’amendement n° II-506 : vous demandez 45 millions supplémentaires pour France Télévisions, que vous gagez sur les crédits de France Médias Monde. Autrement dit, vous prenez 20 % du total des crédits de France Médias Monde pour les donner à France Télévisions. Comment vous dire, ma chère collègue ?… Eu égard aux difficultés que traverse France Médias Monde, il ne serait pas sérieux de couper dans ses crédits, aussi élevés soient-ils : avis défavorable.
Je partage l’avis du rapporteur.
Pour ce qui est de la compensation de l’inflation et des effets fiscaux de la réforme du mode de financement, j’ai déjà répondu : l’engagement a été tenu.
J’ai le sentiment que vous voulez, en quelque sorte, rattraper les années de baisse du précédent quinquennat ; sauf que les économies qui ont été réalisées l’ont été à ambition égale en matière de qualité de l’information, des documentaires et des enquêtes comme en matière d’audience numérique.
Des synergies nouvelles ont d’ailleurs vu le jour, entre Radio France et France Télévisions, avec la création de la chaîne de télévision France Info, ou, désormais, entre France 3 et France Bleu.
Ces économies n’ont donc affecté ni les audiences ni l’ambition de l’audiovisuel public. C’est de cette ambition qu’il nous faut dessiner les contours pour l’avenir, en vue de répondre aux défis que j’ai évoqués rapidement dans mon propos liminaire.
Commençons par discuter des objectifs avant de discuter des moyens ; c’est ainsi que nous définirons la trajectoire pluriannuelle, que j’ai souhaitée d’une durée de cinq ans, à laquelle seront adossés les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Ce que vous nous dites, madame la ministre, nous ne saurions l’entendre : les gigantesques baisses subies depuis quatre ans se seraient en définitive révélées bénéfiques, prétendez-vous, les agents de l’audiovisuel public ayant rempli leurs missions de façon extraordinaire.
En réalité, s’ils l’ont fait, c’est à la sueur de leur front : on les a mis à l’os !
Et si une partie du retard n’est pas bientôt rattrapée, il est clair qu’il sera impossible de réaliser les investissements nécessaires, car, dans ce domaine, cela coûte très cher de rester compétitif. Se donner les moyens de mener la révolution numérique et de concurrencer les plateformes, cela coûte cher !
À vous entendre, on pourrait croire que les baisses de budget sont amorties et que désormais tout va bien… Non, ça va mal ! Le service public ne pourra pas continuer de faire ce qu’il faisait auparavant, notamment dans le domaine du sport. J’en donne un seul exemple : pensez-vous que France Télévisions pourra renchérir sur les offres qu’Amazon, qui a fait irruption sur le marché, mettra sur la table pour obtenir les droits de diffusion de Roland-Garros ?
Il faut donc une augmentation du budget.
Aussi avons-nous présenté, en première partie, deux amendements visant à donner à France Télévisions les moyens d’un tel rattrapage, que vous réclamez. L’un tendait à indexer les ressources de l’audiovisuel public sur l’inflation, l’autre à construire un mode de financement structurel en substituant à l’affectation d’une fraction de TVA la mise en place d’une contribution progressive.
Quoi qu’il en soit, ce rattrapage ne saurait en aucun cas se faire à budget constant, c’est-à-dire au détriment de l’audiovisuel extérieur, qui lui aussi est à l’os ! À l’heure actuelle plus que jamais, il faut au contraire le renforcer. En pleine guerre en Ukraine, au beau milieu d’une crise internationale, le moment n’est certainement pas venu de baisser la garde : l’audiovisuel extérieur, c’est le nerf de l’information !
Les amendements n° II-506 et II-508 sont retirés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 79 :
Le Sénat a adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq.