Intervention de Lucien Stanzione

Réunion du 28 novembre 2022 à 14h15
Loi de finances pour 2023 — Culture

Photo de Lucien StanzioneLucien Stanzione :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, le droit de participer à la vie culturelle est rarement considéré comme relevant de l’égalité. La crise sanitaire a pour avantage d’avoir mis en évidence ce qui est considéré comme essentiel et ce qui ne l’est pas.

Les crédits alloués à la mission « Culture » ont enregistré une hausse remarquable, et les priorités définies pour 2023 semblent être en phase avec les besoins du secteur. Reflètent-ils pour autant une politique ambitieuse ? Peut-être.

Madame la ministre, ces moyens supplémentaires sont les bienvenus, mais ils ne sont pas suffisants. Face à l’inflation et à la fin des aides liées au covid-19, l’effort doit être plus grand. La France est forte de sa richesse culturelle. Elle est reconnue pour cela dans le monde entier. Soyons à la hauteur. Il y a urgence, car les voyants sont au rouge.

L’inégalité face à cette reprise a de quoi nous inquiéter. Le secteur souffre d’un manque de visibilité, et nos festivals sont plus que jamais menacés par la crise énergétique. Les petites structures se demandent même si elles survivront à l’hiver. Pourquoi avoir promu le « quoi qu’il en coûte » si les fermetures définitives d’établissements surviennent en 2023 et peut-être en 2024 ?

La première source de financement de la culture en France n’est pas l’État ; ce sont bel et bien les collectivités territoriales. Or, on le sait, les budgets de la culture sont les premiers touchés. Il est donc plus que jamais nécessaire de soutenir nos territoires dans leurs pratiques culturelles. Oui au fonds d’innovation territoriale en 2022, même si sa conception ne répond toujours pas au renforcement de la contractualisation entre l’État et les collectivités que nous demandons.

Plusieurs mesures fiscales positives visant à favoriser la reprise d’activité sont annoncées. Outil phare de votre budget, le pass Culture verra ses crédits augmenter, afin d’être accessible dès la sixième. Il ne remplacera toutefois jamais une politique forte d’éducation et de sensibilisation à la culture. Son utilisation reste très inégale en fonction des territoires, et il profite encore trop aux industries culturelles. Il ne saurait se substituer à l’action de l’État.

Madame la ministre, vous avez fait de la jeunesse l’une de vos priorités, et nous vous en félicitons. Mais attention à l’inachevé ! La réforme des écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa), qui suscite l’inquiétude sur nos travées, en est un exemple, même si la modernisation de ces établissements est indispensable. Nous déplorons que les nouveaux moyens mis à disposition pour les bourses ne bénéficient qu’aux étudiants des écoles nationales, et pas à ceux des écoles territoriales.

Enfin, bien que l’année 2022 ait vu le retour des festivals à un format normal, leur avenir n’en est pas moins compromis. Dépenses énergétiques, inflation des montants des cachets, prestations extérieures, absence de personnels qualifiés, raréfaction des bénévoles, pénuries de matériel… la liste des difficultés qu’ils affrontent ne cesse de s’allonger. La réponse de l’État à ce constat se caractérise par un engagement modeste et une faible coordination avec les collectivités territoriales.

La dotation du fonds de soutien aux festivals ne sera pas revalorisée en 2023, au regard de l’inflation et du coût de l’énergie. C’est injuste. Pire, le ministre de l’intérieur a annoncé de possibles annulations et reports de festivals en 2024, en lien avec l’organisation des jeux Olympiques.

Sans concertation préalable avec les représentants des organisateurs, tels que le syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (Prodiss), le syndicat des musiques actuelles (SMA), le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), ou les festivals eux-mêmes, le Hellfest, les Vieilles Charrues, les Eurockéennes de Belfort, le festival d’Avignon et tous les autres, il est envisagé de changer les dates ou d’annuler certains événements.

Cette nouvelle a jeté le plus grand doute sur les perspectives qui se dessinent pour ces manifestations. L’inquiétude dans notre commission est très forte à ce sujet ; n’opposons pas le sport à la culture !

Madame la ministre, nous sommes à vos côtés pour que vous fassiez entendre raison au ministre de l’intérieur et encore plus à la Première ministre, afin que sport et culture ne soient pas incompatibles en 2024. Cela ne doit pas être l’un ou l’autre ; ce sont bien le sport et la culture en même temps.

La culture, vecteur d’émancipation et d’épanouissement, anime la vie des quartiers et évite des errements à certains de nos jeunes. C’est elle qui doit venir aux Français, et non l’inverse.

Malgré ces quelques remarques et réticences, que vous prendrez sûrement à votre compte

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