Intervention de Else Joseph

Réunion du 28 novembre 2022 à 14h15
Loi de finances pour 2023 — Culture

Photo de Else JosephElse Joseph :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, malgré deux années difficiles, l’accès à la culture et le soutien au patrimoine doivent pouvoir rebondir.

Ce budget intervient après les actions menées dans le cadre du plan de relance, dans le contexte d’une reprise timide et de pratiques culturelles qui changent ; le mécénat diminue, et certaines aides de nos régions aussi.

Si nous saluons la hausse des crédits, nous craignons que celle-ci ne soit neutralisée par l’inflation, ce qui nous conduit à une certaine déception. Les surcoûts annoncés seront rédhibitoires et éloigneront certains publics de l’accès à la culture.

Si nous nous réjouissons évidemment l’augmentation des crédits du programme « Patrimoines », il nous semble nécessaire de réfléchir à une démarche plus ambitieuse en matière de rénovations et de réhabilitations dans nos territoires.

Voilà quelques mois, mon collègue Olivier Paccaud et moi-même avions rappelé l’importance des patrimoines privé et local : les crédits doivent aussi bénéficier à ces projets de proximité. L’innovation culturelle se fait dans les territoires ; c’est une clé pour la reprise et pour le soutien à la vie locale. Voilà un vrai signal !

Il faut ainsi encourager toutes les solutions qui permettent aux citoyens de financer des projets. Le loto du patrimoine en a été une, mais il ne saurait être l’unique. Les circuits courts peuvent aussi fonctionner dans ce domaine ; il faut donc permettre un financement direct. Les services de l’État doivent parler aux acteurs locaux sans filtre et appuyer les projets de nos collectivités.

Nous saluons la prise en compte de la crise énergétique, mais il importe aussi de constater la majoration des coûts dans les chantiers.

L’avenir de la culture, c’est d’abord la question de son accès. La reprise des entrées dans les musées est un signe positif, mais des incertitudes pèsent sur leur fréquentation et sur leurs amplitudes d’ouverture.

Les mêmes incertitudes concernent la jeunesse, ce qui me conduit à évoquer le pass Culture et la question de la création et de la découverte du patrimoine. Ce dispositif est une aide appréciable, mais la médaille a son revers : on se rapproche fâcheusement de la politique du carnet de chèques.

Le pass Culture profite à tous, mais il avantage les initiés, ceux qui savent déjà ce qu’ils vont faire. Un jeune qui aime les livres et les musées sait de quelle manière il va l’utiliser, mais un autre ne saura que faire de cette aide. Il s’agit donc d’une démarche qui confirme plus qu’elle ne suscite les initiatives culturelles.

En matière d’éducation artistique, on ne peut que déplorer une baisse des fonds. Une démarche coconstruite avec l’éducation nationale serait, à mon sens, plus judicieuse qu’une addition de crédits.

Les festivals ont bien résisté, malgré deux années rudes. Comme les acteurs du secteur l’ont indiqué, ils ont été les premiers à fermer et les derniers à ouvrir. Après ces deux années, les publics sont globalement restés fidèles – tant mieux ! –, même si nous déplorons la disparition de certains festivals. L’offre est toujours abondante. Mais pour combien de temps encore ?

À peine sommes-nous sortis de cette crise que de nouvelles difficultés se font jour, malgré un heureux événement : l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Sans opposer le sport à la culture, sans créer de rivalité entre les manifestations, nous regrettons un manque de visibilité et une absence de dialogue entre tous les partenaires concernés.

Les festivals sont tributaires d’aléas de toutes sortes, dont la répétition pose question. Il a été envisagé de réfléchir à un système d’assurance qui prendrait en compte les risques non seulement artistiques, mais aussi climatiques. Peut-être est-ce une piste à explorer.

Sans opposer le risque à la protection, comment se lancer durablement si les perspectives sont sombres ? Sans cette assurance, dans tous les sens du terme, le danger est que les festivals fassent les frais de la loi du marché. Quid des bénévoles et de l’engagement des collectivités territoriales si ce manque de visibilité s’installait ? Un festival se prépare au moins deux ans à l’avance.

Soutenons nos festivals, qui ne doivent pas faire les frais de ces nouvelles contraintes. Nous regrettons toujours l’absence de référent festival à l’échelon national comme régional, alors qu’il s’agit d’un sujet brûlant pour l’orientation des politiques culturelles et pour la défense de l’accès à la culture sur tout le territoire.

Quelle place voulons-nous donner à la culture dans notre société ? Soyons ambitieux et inventifs.

Nous voterons les crédits de la mission « Culture », malgré certaines insuffisances et de nombreuses réserves. Nous comptons sur vous pour gagner les arbitrages nécessaires !

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