Madame la présidente, monsieur le président de la commission, cher Laurent Lafon, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers Vincent Éblé et Didier Rambaud, mesdames les rapporteures pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour évoquer le budget du ministère de la culture, dont les crédits connaissent une hausse quasi historique.
Je tiens avant tout à vous remercier des échanges constructifs et très précis que nous avons eus au fil des derniers mois, en commission ou lors de nos rendez-vous bilatéraux ; ce sont des moments toujours très utiles. Je salue également la qualité de vos rapports, qui sont des sources d’inspiration pour nos travaux au quotidien.
Vous l’avez tous dit, le monde de la culture vient de traverser deux ans de pandémie, dont nous ressentons encore les effets, mais il reste plus résilient et plus fort que dans de nombreux pays, y compris parmi nos voisins européens.
Une telle résistance s’explique par les aides déployées par l’État pendant la crise, ainsi que par la capacité d’innovation permanente et de lien entre les publics et les lieux culturels que l’ensemble de l’écosystème a su maintenir.
Bien avant cette crise sanitaire, une autre révolution est venue affecter le monde de la culture depuis au moins vingt ans : la révolution numérique, porteuse à la fois d’opportunités et de menaces pour la création et pour les auteurs. La crise sanitaire est venue accélérer ces mutations déjà en germe. Elle a amplifié la puissance des géants du numérique et a souligné les inégalités sociales de l’accès à la culture.
Les études décennales du ministère de la culture offrent un outil très précieux pour observer les évolutions structurelles ; l’enquête sur les pratiques culturelles des Français a montré le creusement d’une fracture générationnelle, précipitée par la pandémie, mais qui était présente bien avant elle. On pourrait la résumer ainsi : aux plus âgés, une culture de sortie vers les musées, les spectacles, etc. ; aux plus jeunes, une culture que l’on pourrait dire « de salon », c’est-à-dire appuyée sur une addiction aux écrans qui se développe, sans se limiter à la jeunesse. C’est vraiment à toute la population qu’il nous faut donner et redonner envie de culture en chair et en os.
Telle est en tout cas l’ambition que je porte au ministère de la culture. C’est la raison pour laquelle ce budget est historiquement haut, puisque les crédits de la mission « Culture » pour 2023 s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros, en hausse de 7, 4 % par rapport à l’an passé.
Au-delà de ces crédits, le ministère disposera de crédits d’un montant de 704 millions d’euros au titre de la mission « Médias, livre et industries culturelles » – nous y reviendrons –, de 3, 8 milliards d’euros consacrés à l’audiovisuel public, de 769 millions d’euros de taxes affectées et de près de 2 milliards d’euros de dépenses fiscales.
Chère Laure Darcos, j’ai bien entendu vos inquiétudes concernant la pérennité de certains crédits d’impôt. Le Gouvernement souhaite mener une évaluation précise de ces derniers avant de rediscuter de leur éventuelle prorogation. Quoi qu’il en soit, soyez assurée que nous serons très vigilants.
En additionnant ces différentes enveloppes, ce sont au total 11 milliards d’euros de financements dont le ministère de la culture aura la responsabilité. Ces crédits nous permettront de mener la politique culturelle ambitieuse que nous portons pour notre pays.
Le budget que je vous présente se veut un budget de résilience et d’action.
C’est un budget de résilience, car comme l’ont indiqué les différents orateurs, nous sommes encore en convalescence post-pandémie, et nous devons accompagner l’ensemble des secteurs culturels pour faire face à ce défi.
Parmi les défis du présent, il y a aussi la crise énergétique ; ce point a également été largement évoqué par les précédents orateurs. Nous en avons fait une priorité de ce budget, puisque 56 millions d’euros sont débloqués pour répondre aux besoins immédiats résultant du contexte énergétique que nous connaissons.
Ce budget est ensuite un budget d’action pour préparer l’avenir. Dans le cadre de la priorité donnée à la transition écologique et à la sobriété énergétique, il permet en effet d’investir à plus long terme dans des travaux significatifs visant à améliorer les performances énergétiques, notamment l’isolation thermique des bâtiments culturels.
Le budget d’investissement de la mission « Culture » s’élève en 2023 à 627 millions d’euros, soit une augmentation de 70 millions d’euros. Les travaux du musée d’Orsay, du Théâtre national de Chaillot, des écoles d’architecture de Limoges et de Lille contribueront à améliorer la performance énergétique de ces bâtiments et, partant, à réduire à terme leurs factures d’énergie.
Nous engageons ainsi le gigantesque chantier de décarbonation de la culture, que j’ai placé au cœur de mes priorités. Celui-ci – je vous rejoins sur ce point, monsieur Brisson – doit être mené de manière à concilier la préservation et la valorisation du patrimoine et le développement des énergies renouvelables. Mon ministère travaille par exemple en ce moment même à une instruction visant à concilier – c’est tout à fait possible – l’intégration des panneaux photovoltaïques et la préservation du patrimoine.
Je vous présenterai ce budget en concentrant mon propos autour de cinq grandes orientations qui me tiennent à cœur : l’éducation artistique, la souveraineté, le patrimoine, l’emploi et l’international.
Je remercie les différents orateurs qui ont évoqué l’éducation artistique. Je me félicite que nous nous rejoignions sur ce premier enjeu crucial qu’est la sensibilisation des jeunes générations dès le plus jeune âge à toutes les possibilités d’émancipation, de développement de l’esprit critique et de la confiance en soi que permet la culture.
Dans le budget pour 2023, 14 millions d’euros supplémentaires sont dédiés à cette priorité, dont 4 millions d’euros pour l’éducation artistique hors pass Culture, et 9, 5 millions pour le pass Culture, que vous avez largement évoqué.
Je souhaite insister sur le fait que, depuis quelques mois, il s’agit d’un nouveau pass Culture, plus collectif et plus participatif. Les professeurs de collège disposent de 25 euros par élève pour organiser des sorties scolaires. Le spectacle vivant, notamment le théâtre, est d’ailleurs le plus souvent choisi, ce qui n’était pas le cas lorsque le pass était individuel.
Par ailleurs, 2, 2 millions de jeunes sont inscrits au pass Culture, ce qui leur permet de bénéficier de la part individuelle de ce dispositif. C’est colossal.
Il ne s’agit pas que d’une plateforme d’achat ; je vous rejoins sur ce point, cher Didier Rambaud. C’est un outil qui vise à faire participer les jeunes, à les engager et à en faire, non pas uniquement des consommateurs, cher monsieur Ouzoulias, mais des protagonistes.
À l’époque de Malraux, internet et les smartphones n’existaient pas. Il va de soi que l’enjeu de la médiation est au cœur de nos politiques. Mais le pass Culture répond aux usages des jeunes, qui, comme les adultes, possèdent tous un smartphone. Compte tenu de l’addiction que suscitent ces machines, c’est par le biais de celles-ci que nous devons atteindre les jeunes.
Bien au-delà du simple clic d’achat, le pass Culture a permis de développer des parcours, un cercle d’ambassadeurs, il est l’occasion d’expériences. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements si vous le souhaitez.
Enfin – et je m’en félicite –, le pass Culture devient de plus en plus européen. L’Espagne, où je me suis rendue au mois de septembre, a lancé son Bono cultural, et l’Allemagne, où je me suis rendue voilà trois jours, un Kulturpass dont l’inspiration revendiquée est le modèle français. Plus nous serons nombreux à porter un tel dispositif, plus les jeunes Européens seront reliés par cette nouvelle ambition culturelle.
La deuxième orientation qui me tient à cœur est la souveraineté culturelle, tant dans le monde physique, où il faut soutenir la création, les métiers d’art, la langue française, la création avec le programme Mondes nouveaux, que dans le monde numérique.
Au-delà de ce budget, le plan France 2030 permet de financer des studios de tournage, des formations nouvelles, des expériences immersives en lien avec les expériences physiques et sur ce que sera plus tard le métavers, mais dans une approche française, c’est-à-dire une approche sensorielle et soucieuse – j’y suis très attachée – de la liberté d’expression et de création.
Je vous remercie, cher Julien Bargeton, d’avoir insisté sur le plan de soutien aux métiers d’art. Celui-ci, qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir, est amorcé dans ce budget pour 2023 au travers de l’augmentation du soutien apporté aux fleurons de nos manufactures que sont la Manufacture nationale de Sèvres et le Mobilier national.
Nous portons également une ambition pour la langue française. Ce budget inclut un financement dédié à l’ouverture au printemps 2023 de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, où je me suis rendue samedi dernier pour faire le point sur le chantier et échanger avec les élus. Je vous remercie d’avoir rappelé votre attachement à ce projet, monsieur Brisson.