Intervention de Michel Laugier

Réunion du 28 novembre 2022 à 14h15
Loi de finances pour 2023 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Michel LaugierMichel Laugier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la presse n’allait déjà pas très bien ces dernières années, puisqu’elle a vu ses recettes divisées par huit depuis 2000. Dépouillée de ses ressources publicitaires par les plateformes, elle est aussi la victime collatérale d’une information désormais disponible gratuitement, chacun étant devenu expert en tout.

Depuis des années, nous partageons et étayons ce constat. Je sais l’attention que vous accordez, madame la ministre, à cette question si essentielle pour nos démocraties.

Pourtant, les éditeurs et les journalistes ne sont pas restés immobiles. Certains titres ont su développer de nouveaux modèles économiques, d’autres ont bien avancé dans la transition numérique.

J’ai ainsi rédigé, au nom de la commission de la culture, un rapport sur la presse quotidienne régionale, remis au mois de juillet dernier, qui souligne les difficultés, mais également les perspectives et les ambitions de cette presse qui « va du village au monde ».

Crise, mais adaptation aussi, grâce au soutien jamais démenti des pouvoirs publics, au travers par exemple du plan de soutien à la filière presse, qui a enregistré des résultats remarquables s’agissant des imprimeries.

Or les conséquences de l’inflation sont venues percuter de plein fouet cet édifice encore trop fragile. Avec l’explosion des prix du papier, des titres, jusqu’ici juste à l’équilibre, plongent dans le rouge. Les autres reportent des investissements pourtant nécessaires.

De cela, madame la ministre, vous n’êtes bien entendu nullement responsable. Cependant, l’accompagnement des acteurs vous revient.

Or, si les crédits de cette année progressent, essentiellement pour des raisons liées à la réforme du portage et du postage, presque rien n’est prévu pour compenser, au moins partiellement, la hausse des coûts du papier.

Je dis « presque », car une disposition introduite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit 5 millions d’euros. Pour la seule presse quotidienne nationale et régionale, l’ardoise se monte en année pleine à 175 millions d’euros !

Ce n’est ni sérieux ni adapté.

Il est important de souligner que la presse n’a touché qu’une infime fraction des 150 millions d’euros du crédit d’impôt pour le premier abonnement. Ce dispositif, adopté pour la soutenir lors de la sortie de la crise pandémique, a été véritablement torpillé par les lourdeurs administratives, avant d’être supprimé cette année, sans grande considération d’ailleurs pour les quelques éditeurs, en particulier de la presse en ligne, qui avaient commencé à le mettre en avant.

Je pourrais compléter cette somme par les 500 millions d’euros d’amende infligés par l’Autorité de la concurrence, en novembre dernier, à Google, pour non-respect d’injonctions dans le cadre de la rémunération des droits voisins.

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, la presse rapporte de l’argent à l’État, mais celle-ci n’en voit pas la couleur en cas de besoin !

Par conséquent, 650 millions d’euros sont disponibles, 10 % seulement de cette somme seraient à la hauteur des enjeux du moment, et il resterait toujours 585 millions d’euros pour l’État.

Pour cette raison, madame la ministre – et à regret, je dois le dire –, la commission de la culture a décidé de s’abstenir sur les crédits du programme 180, « Presse et médias », et de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

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