Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous débattons du budget de la culture pour 2023, comme précédemment, la question qui s’impose est celle de la pertinence du fléchage des crédits alloués.
Ainsi, pendant que l’industrie du livre et de la presse se débat contre l’inflation des prix du papier, que celle de la musique fait face aux évolutions comportementales de ses consommateurs et ne bénéficie pas d’un CNM efficient, celle du cinéma rencontre une baisse inquiétante de fréquentation, alors que pèse sur les salles la menace d’une remise en cause de la chronologie des médias.
Une industrie ne cesse quant à elle de tirer habilement son épingle du jeu, celle des jeux vidéo, qui enregistre une progression exceptionnelle de son activité de 13, 5 % sur les deux dernières années, au point de faire de la France l’un des principaux leaders du marché, notamment dans celui de l’édition, un exemple qui invite à l’optimisme.
Votre projet de budget prend-il vraiment en compte cette diversité des situations dans le fléchage des crédits alloués ? Insuffisamment, selon moi.
Pour autant, et parce que nous croyons comme vous, madame la ministre, au retour des jours meilleurs, les sénatrices et les sénateurs LR voteront les crédits accordés à cette mission.
Nous avons toutefois une divergence de taille sur le traitement réservé à l’audiovisuel public, non pas sur la suppression de la redevance en tant que telle, mais plutôt sur la méthode employée. Une fois encore, comme l’ont rappelé Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous assistons impuissants à la mise en œuvre d’une décision dont la finalité apparaît aussi floue que la prise de décision était précipitée.
Mais n’y retrouvons-nous pas tous les ingrédients d’un mode de gouvernance : une annonce inattendue, un gouvernement pris de court, une mesure qu’il peine à justifier et à financer ?
Cette mesure amplifie la réalité d’un pilotage à vue, sans cap ni stratégie, qui ne génère que du malaise. Les personnels de l’audiovisuel public, déjà inquiets, sont désormais décontenancés par une annonce électorale dont la mise en œuvre a été imposée à marche forcée, sans que fût pris le temps de réfléchir aux missions et à l’organisation de l’audiovisuel public, dans un paysage bouleversé qui n’a plus rien à voir avec celui qui présidait à l’élaboration de la dernière loi d’orientation en 1986.
Je regrette donc le caractère précipité de cette décision ; je regrette qu’elle n’ait pas été pensée dans un cadre général, qui aurait permis d’anticiper ses conséquences et de justifier sa plus-value.
Surtout, je regrette que nous n’ayons pas eu à en débattre : nous aurions pu nous interroger collectivement sur l’avenir de l’audiovisuel public, le format et le modèle que nous souhaitons lui donner.
Autant d’éléments qui auraient pu constituer le corps d’une loi, projet souvent annoncé, mais éternellement repoussé. Selon toute vraisemblance, ni 2022 ni certainement 2023 ne succéderont à 1986, date de la dernière loi sur ce sujet. Nous prenons acte avec regret de ce nouveau rendez-vous manqué.
Et pourtant, que de sujets à traiter sur la place et les missions du service public, le droit voisin, la chronologie des médias, l’indépendance des rédactions, l’éthique des journalistes, les moyens et les missions de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ! Que de sujets à envisager face à un paysage audiovisuel éclaté, au sein duquel on n’a pourtant jamais autant parlé de risques de concentration !
Il n’y aura donc pas de grande loi sur l’audiovisuel. Seul un fait du prince isolé aura fait bouger les choses. Nous en reparlerons lorsque nous discuterons des avenants aux contrats d’objectifs et de moyens.
Pour l’instant, suivant l’avis de nos deux excellents rapporteurs spéciaux Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous voterons sans enthousiasme les crédits affectés au compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », et avec un peu plus d’envie ceux de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».