Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la grande majorité des acteurs concernés par cette mission « Médias, livre et industries culturelles » sont aujourd’hui très fragilisés.
Cette fragilité est née du bouleversement qu’a représenté, pour les secteurs de l’information et de la culture, la généralisation des activités en ligne. Mais elle a aussi été accentuée par la crise sanitaire et la fermeture des lieux culturels, hier, et elle le sera demain par la mise sous cloche du pays avec la tenue des jeux Olympiques.
Plus que les autres secteurs, la culture subit de nos jours une grande exposition au fait du prince. Comment mesurer l’impact de la politique culturelle de l’État lorsqu’il annonce d’une main un milliard d’euros de financements pour des projets culturels sur cinq ans, dans le cadre du plan France 2030, et qu’il menace de l’autre de déprogrammer ou de reporter les festivals en 2024 ?
Seuls les secteurs numérisés comme celui du jeu vidéo semblent épargnés et peuvent se projeter à long terme. L’avenir dira également si la belle santé du secteur du livre se maintiendra. Je lis avec inquiétude que la fréquentation des bibliothèques municipales est toujours inférieure à son niveau de 2019.
La situation du cinéma est plus inquiétante, car le système actuel repose pour partie sur la taxation des entrées en salles. L’entrée en vigueur des décrets Smad (services de médias audiovisuels à la demande), qui actent la participation des plateformes de vidéo à la demande au financement de productions françaises, ne garantit pas le retour des spectateurs en salles. La montée en puissance de la vidéo à la demande durant le confinement et le développement de formats très courts sur les réseaux sociaux représentent une concurrence peu chère, voire gratuite.
Face à cette fragilité, l’État doit adapter l’aide financière qu’il apporte à chacun de ces secteurs et accompagner l’émergence de nouveaux modes de financement pour protéger les forces intellectuelles et créatives de ce pays.
Pourtant, ce budget met fin aux aides exceptionnelles mises en place pour éviter la disparition de ces écosystèmes culturels. Vous proposez, madame la ministre, d’y substituer le plan France 2030. Dans le détail, cela représente 250 millions d’euros pour le développement d’offres culturelles immersives, 350 millions d’euros pour l’appel à projets « La grande fabrique de l’image » et 400 millions d’euros pour l’accélération des industries culturelles.
France 2030 a donc plus vocation à soutenir des initiatives émergentes qu’à préserver l’existant. La cotutelle exercée par le CNC et la Caisse des dépôts et consignations nous éclaire également sur la forte logique économique qui sous-tend l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui échappera de fait au ministère de la culture. Nous ne pouvons donc pas nous en satisfaire.
La situation de la presse écrite nous inquiète également, malgré le rebond de 2021. La question du système de distribution n’est toujours pas résolue. Les aides à la presse devraient être réorientées et conditionnées, comme l’a suggéré la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias.
Il me semble, madame la ministre, que le Gouvernement a laissé peu de chance au crédit d’impôt sur le premier abonnement. Nous avions déposé plusieurs amendements destinés à l’étendre et à l’adapter, mais aucun n’a été retenu.
L’avenir de l’audiovisuel public nous semble aussi compromis. Après 49 ans d’existence, la redevance a tiré sa révérence. Elle est remplacée par une solution provisoire de financement qui crée un climat d’incertitude. Le service public a besoin d’un financement stable et pérenne sans être soumis aux aléas de la conjoncture politique.
Ce financement est injuste, car tous les Français participeront au même niveau à cette ponction de TVA, ce qui n’était pas le cas de la redevance.
Il est encore possible d’améliorer le financement de l’audiovisuel public en augmentant sa progressivité. Là encore, nous avions proposé un amendement, mais il a lui aussi été rejeté.
Nous attendons des garanties sur la pérennité de l’audiovisuel public, ses moyens et son indépendance.
L’importance de protéger ce pluralisme dépasse d’ailleurs notre seul pays, à l’heure où des guerres de désinformation sont menées à travers le monde.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le succès de TV5 Monde à l’étranger en 2022 : sur les 300 millions de francophones qui la reçoivent, 1, 8 million de visiteurs sont originaires d’Algérie, du Maroc ou de l’Espagne. Ce n’est certes pas l’audience de la BBC World Service, qui compte plus de 350 millions de téléspectateurs, mais des réserves d’audience restent à conquérir !
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits alloués au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».