Pascal était un fervent défenseur de l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle, afin d’assurer sa survie à l’ère du numérique et de l’explosion de nouveaux acteurs internationaux, il considérait comme urgent d’entreprendre sa réforme.
Deux grands principes guidaient son ambition.
Il pensait d’abord que la vocation première du service public était de servir, de servir le public évidemment, et non de se servir. Car la tentation est souvent forte pour certains acteurs de l’audiovisuel – c’est vrai aussi pour la culture dans son ensemble – d’oublier l’utilité finale de l’intervention publique.
Cette hiérarchie des devoirs nécessite d’être périodiquement rappelée, au risque sinon de voir le ministère se transformer en institution au service des seuls acteurs des industries culturelles.
À ce propos, nombre d’entre nous ont encore en mémoire la manière dont nous avons dû batailler pour faire aboutir une loi visant à supprimer la publicité dans les émissions destinées aux enfants sur le service public, une mesure pourtant plébiscitée par les Français, les associations de parents d’élèves, de consommateurs et tout le corps de la santé.
La levée de boucliers que nous avons essuyée de la part des milieux dits « professionnels », y compris de la part des dirigeants du service public à l’époque, reste dans les annales de cette maison.
Et que dire, au passage, du rôle joué à l’époque par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui, après consultations des acteurs du marché, et eux seuls, a cru bon d’édicter un décret d’application restreignant le champ d’application déjà étroit de cette loi, sans même auditionner le Sénat, qui était à l’origine du dispositif et avait adopté le texte à l’unanimité des suffrages exprimés en seconde lecture !
La seconde ambition de Pascal Josèphe, en prolongement de la précédente, était que la télévision publique porte un projet de société autant qu’un projet d’entreprise, un projet qui rassemble pour résister à la fragmentation toujours accrue du corps social.
« Faire société » pour retrouver et, surtout, pour incarner les valeurs fondamentales de notre République et de l’État de droit.
Pour Pascal Josèphe, la mère des batailles, à l’heure du numérique, de la délinéarisation et de la démultiplication des canaux de diffusion était celle des contenus, autrement dit la bataille du sens.
Lorsqu’on parle de contenus porteurs de sens, on pense naturellement, mais de manière trop exclusive, à l’information, sa qualité, son indépendance et son pluralisme.
On oublie trop souvent l’impact considérable de la fiction, du patrimonial et même du divertissement sur les constructions mentales et la diffusion des idées. La fameuse série L ’ Instit, que Pascal Josèphe porta sur les fonts baptismaux alors qu’il était directeur des programmes de France 2, en est l’une des plus belles illustrations encore aujourd’hui.
Là encore, au moment où nous semblons redécouvrir l’importance des grands narratifs et le rôle majeur qu’ils occupent dans la consolidation de nos identités collectives, il est bon de rappeler l’extrême pertinence et la nature anticipatrice de la vision de la télévision de Pascal Josèphe.
Ce qui vaut pour notre audiovisuel national vaut, au moins tout autant, pour notre audiovisuel extérieur, aujourd’hui frontalement attaqué, notamment en Afrique, par les narratifs autoritaires développés par la Russie, la Chine ou la Turquie.
Les paroles prononcées à ce propos par le Président de la République le 9 novembre dernier à Toulon, lors de la présentation de notre revue nationale stratégique, nous obligent !
Madame la ministre, au-delà du vote de ce budget, de grands chantiers nous attendent – et vous attendent – si nous voulons redonner à notre audiovisuel sa pleine utilité sociale dans un monde en profonde transformation.