Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont marqués par une insuffisante prise en compte de l’inflation galopante et de la crise énergétique que nous traversons, et par l’insuffisance de moyens dont la puissance publique devrait pourtant se doter pour faire face aux plateformes, géants du web et autres grands groupes, qui concentrent de plus en plus de médias dans les mains de quelques-uns.
Ces crédits reflètent même des choix qui risquent d’affaiblir considérablement la puissance publique, à l’image de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui n’est en rien un coup de pouce au pouvoir d’achat des Français.
Cette suppression n’est en effet que provisoirement compensée par une fraction de TVA, l’impôt le plus injuste qui soit et dont personne n’est exonéré, à la différence de la redevance.
En outre, madame la ministre, vous n’avez pas anticipé le fait que cette décision aurait pour conséquence de rendre les entreprises de l’audiovisuel public redevables de la taxe sur les salaires, ce qui nuance sérieusement l’engagement d’une intégrale compensation.
Qu’adviendra-t-il après 2025 ? Nous souhaitons que vous répondiez à cette question lors de nos débats.
En ce qui concerne la presse, pilier de notre démocratie avec l’audiovisuel public, l’explosion du prix du papier – dont l’augmentation est bien supérieure à l’évolution d’autres produits – menace de nombreux titres et, du même coup, le pluralisme.
Selon une décision prise lors de la crise sanitaire, une enveloppe de 150 millions d’euros devait être consacrée au crédit d’impôt sur le premier abonnement. Le dispositif n’ayant pas fonctionné, pourquoi ne pas affecter ces crédits à un soutien d’une autre forme, qui permettrait de faire face à ces surcoûts ?
Je ne parle même pas de l’amende de 500 millions d’euros due par Google, qu’a évoquée fort justement le rapporteur pour avis Michel Laugier. L’article 40 de la Constitution nous empêche, nous, parlementaires, de le décider, mais le Gouvernement peut agir et il serait souhaitable que cette aide privilégie les titres indépendants et favorise le pluralisme.
Cela pourrait même préfigurer une réforme des aides à la presse, comme l’a notamment demandé le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, dans le cadre de la commission d’enquête sur la concentration des médias, en proposant le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.
Concernant le livre, il convient de revaloriser le niveau minimum des frais de port, comme le demandent les libraires indépendants. En effet, ce dernier est fixé dorénavant à 3 euros alors que les frais de port leur reviennent à un peu plus de 7 euros.
Si ce seuil a le mérite de marquer une première étape, nous devons aller plus loin pour conforter le prix unique du livre et rétablir les conditions d’une concurrence équitable entre les libraires et les plateformes en ligne.
J’insiste, madame la ministre, sur les conséquences de l’augmentation du prix de l’énergie. Cette augmentation considérable affectera les salles de cinéma. Là encore, nous pensons aux salles indépendantes, d’autant que les problèmes de pouvoir d’achat rencontrés par nos concitoyens peuvent jouer sur la fréquentation, qui n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant le covid-19.
Elle pèse aussi très lourd sur la Bibliothèque nationale de France, qui fait face à un surcoût estimé à 3, 6 millions d’euros en 2022 et près de 15 millions d’euros en 2023.
La BNF a déjà connu la suppression de 300 postes en dix ans, alors même qu’elle voit ses missions augmenter, avec la réouverture du site Richelieu, la poursuite de la numérisation des documents ou encore le dépôt légal numérique.
Il est temps d’engager un véritable débat sur le financement du Centre national de la musique. Les trois ressources dont dispose le CNM ne permettent pas à l’établissement d’assurer les missions qui lui incombent d’accompagnement de la filière musicale.
En effet, avec la baisse de 20 % à 25 % de la fréquentation dans le secteur du spectacle vivant et en l’absence d’un projet de loi de finances suffisamment ambitieux, l’année 2023 risque d’être compliquée. Une taxe de 1, 5 % sur le chiffre d’affaires généré par le streaming contribuerait à financer le CNM, avec l’avantage d’aller chercher l’argent là où il y en a.
Cette taxe constituerait un modèle de redistribution, qui pourrait rapporter plus de 20 millions d’euros chaque année.
Enfin, concernant le secteur des jeux vidéo, nous regrettons le manque d’évaluation du crédit d’impôt dont le secteur bénéficie. Ce dernier pourrait d’ailleurs être conditionné à l’amélioration des conditions de travail, dans un secteur où la précarité règne et où l’usage abusif des heures supplémentaires reste très fréquent.
Par conséquent, en raison d’un budget bien trop fragile à nos yeux pour des secteurs essentiels à la vie démocratique, nous ne voterons pas ces crédits.