Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de poursuivre avec vous cet examen de la seconde partie du budget du ministère de la culture pour 2023, au travers des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Les enjeux que recouvrent le livre, les médias et notre audiovisuel public sont fondamentaux pour l’avenir de notre démocratie, surtout à un moment où notre pays est confronté, comme la plupart des sociétés démocratiques, à une crise de l’information. Nous sommes dans cette ère de l’immédiateté qu’avait si bien analysée Pascal Josèphe, à qui vous avez magnifiquement rendu hommage, cher André Gattolin – je vous en remercie.
Recul de la confiance des citoyens dans les médias, transformation des usages, perte de repères face à la profusion d’informations diffusées en ligne, fragilisation du modèle économique de la presse : les défis sont nombreux. S’agissant de consolider les acteurs des médias, du livre et des industries culturelles et créatives et de permettre à la France de rester une « puissance de rêve », pour reprendre des mots de Malraux, ce budget pour 2023 se veut ambitieux. Il peut même être qualifié d’historique : 704 millions d’euros de crédits budgétaires, soit 4, 3 % de plus que l’année passée, sont alloués à cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » s’élèvent de leur côté à 3, 8 milliards d’euros, soit une hausse d’un peu plus de 3 % par rapport à l’an dernier.
Je m’y étais engagée, cet engagement est tenu. Non seulement la compensation de la suppression de la redevance s’est faite à l’euro près, mais ce budget prévoit une hausse des dotations aux sociétés de l’audiovisuel public visant à prendre en compte les effets fiscaux du changement du mode de financement et compenser les effets de l’inflation.
La mission « Médias, livre, industries culturelles » pour 2023 est orientée autour de plusieurs grandes priorités.
Je veux d’abord évoquer le développement de la lecture, qui m’est très cher, sur tout le territoire, dans la continuité de la dynamique, très forte, qu’avait impulsée l’attribution à la lecture du label de grande cause nationale. S’il ne faisait aucun doute que les Français étaient attachés au livre et à la lecture – vous l’avez tous dit –, la crise sanitaire a été l’occasion de le rappeler et de mettre en lumière notre première industrie culturelle. Les librairies et les maisons d’édition ont été touchées par la pandémie, mais le soutien public a été au rendez-vous, via de nombreux dispositifs sectoriels, sans oublier, pour les deux dernières années, le plan de relance.
Le soutien au secteur du livre doit se poursuivre. Ce budget illustre bien cette ambition : 10 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au développement de la lecture sur tout le territoire, au soutien de nos bibliothèques, du réseau des librairies, des maisons d’édition en région, ainsi qu’au renforcement des manifestations littéraires.
Nous lançons également, en lien avec le ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, le projet d’une nouvelle plateforme accessible à toutes les personnes en situation de handicap, qui va référencer les livres adaptés à chaque handicap ; 5 millions d’euros sont prévus à cet égard jusqu’en 2025. Des budgets spécifiques seront aussi versés au Centre national du livre pour inciter les éditeurs à adapter davantage de livres pour les personnes handicapées.
En outre, des aides vont être mises en place, via la Centrale de l’édition, pour financer, faciliter, renforcer le transport des livres – +1 million d’euros de dotation. Il s’agit en particulier de faire face aux difficultés d’acheminement, dont vous avez tous conscience, notamment vers les territoires d’outre-mer et, à l’international, vers les librairies francophones ; cet enjeu me tient très à cœur.
Notre mission est également de garantir le pluralisme des médias et l’accès à une information fiable, libre, vérifiée, indépendante. J’y insiste, il y a là un enjeu majeur pour l’avenir de notre démocratie. Dans les mois à venir vont se tenir les États généraux du droit à l’information, auxquels l’ensemble des acteurs concernés vont être associés, ainsi que, bien sûr, tous les parlementaires qui le souhaitent.
Pour le secteur de la presse, l’année 2023 marque la fin du plan de filière « presse », qui était l’un des plans majeurs du plan de relance. Je veux rappeler l’ampleur de ce plan inédit, une enveloppe de 377 millions d’euros ayant permis de financer les transitions écologique et numérique du secteur et de réaffirmer l’attachement de l’État à cette presse si vitale pour notre démocratie.
Le ministère de la culture va continuer à soutenir le secteur. La priorité que nous avions définie avec la filière était la réforme de la distribution, sur laquelle nous avons travaillé depuis déjà plusieurs mois. C’est pour cette raison que le budget est en hausse de 17, 3 millions d’euros pour les aides à la diffusion et la compensation du transport postal.
Vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs, la hausse des coûts, notamment du prix du papier, est une préoccupation forte et légitime des professionnels. Je sais que vous y êtes tous attentifs et nous allons avoir l’occasion d’en parler lors de l’examen des amendements.
Une somme de 2 millions d’euros est également consacrée aux études préalables et au lancement des travaux de la future Maison du dessin de presse, projet très important à mes yeux, lieu d’exposition, de création et de médiation.
Je veux également vous assurer de ma volonté de mener un état des lieux assez complet des aides à la presse, pour travailler à cette réforme que vous appelez de vos vœux. Je ne suis ministre que depuis six mois ; j’ai déjà négocié un bon budget, mais maintenant, je vous l’accorde, nous devons travailler sur cette réforme des aides à la presse, qui n’est pas une mince affaire.
Concernant le secteur des médias, nous continuerons de soutenir les radios de proximité, pour la troisième année consécutive, en augmentant les crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Il s’agit d’accompagner la croissance du nombre de radios associatives éligibles à ce fonds, de 690 en 2017 à 744 en 2022.
Comme je l’ai dit à propos de la mission « Culture », ce budget permet non seulement de répondre aux besoins immédiats liés au contexte énergétique, mais aussi de préparer l’avenir en mettant la transition écologique de nos établissements et de nos opérateurs au cœur de l’ensemble de nos politiques publiques. Ainsi, 8 millions d’euros supplémentaires, en dépenses de fonctionnement, permettront de soutenir les établissements publics de la mission « Médias, livre et industries culturelles » face à l’inflation. Pour le Centre national de la musique, 900 000 euros sont prévus visant à accompagner la transition écologique du secteur de la musique en 2023 ; c’est une amorce, évidemment.
Je sais que l’enjeu du financement du Centre national de la musique est au cœur de vos préoccupations – vous l’avez tous évoqué. Le sénateur Julien Bargeton vient de commencer sa mission sur le financement de la filière musicale dans son ensemble, mais je veux vous rassurer de manière très claire pour ce qui est du budget pour 2023 : comme je vous l’avais indiqué – j’ai revérifié –, le Centre national de la musique peut compter sur 20 millions d’euros de reliquats du plan de relance, qui vont s’ajouter à son budget pour 2023. N’ayez crainte, l’an prochain, le secteur sera bien accompagné. Et, sur la base des conclusions de la mission, nous pourrons rediscuter ensemble de l’avenir à plus long terme.
Pour ce qui est de nos cinémas, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre engagement en leur faveur. Ce secteur a fait l’objet d’un soutien sans faille et sans précédent du Gouvernement pendant la crise sanitaire, et ce soutien va se poursuivre : le montant des taxes affectées au CNC va atteindre 711 millions d’euros, en légère hausse par rapport à 2022. L’enjeu principal des semaines passées et des mois à venir est évidemment celui de la fréquentation de nos salles de cinéma, vous l’avez tous dit. On s’attend, à la fin de cette année, à une baisse de fréquentation comprise entre 25 % et 30 % – j’espère que l’on sera plutôt autour des 25 %.
Néanmoins, je reste optimiste. Pourquoi ? Je puise cet optimisme dans l’histoire : au début des années 1990, on nous avait prédit la mort du cinéma, que la télévision devait tuer. La fréquentation annuelle avait chuté à 110 millions de spectateurs en 1992. Et puis les salles se sont réinventées, les films ont été au rendez-vous et, petit à petit, le cinéma a remonté la pente, jusqu’à 213 millions de spectateurs en 2019, avant le covid-19. Le sursaut est donc possible. Le cinéma ne fut pas tué par la télévision ; il ne le sera pas non plus par les plateformes.
Cet optimisme, je le puise aussi dans la comparaison avec nos voisins européens – 60 % de baisse de fréquentation en Italie, 40 % en Allemagne ou en Espagne – ou avec la Corée du Sud, où la baisse est de 50 %. Devant de tels chiffres, je me dis que, tout de même, le secteur du cinéma en France a mieux résisté et que les Français restent un peuple de cinéphiles. Nous avons un vrai appétit pour les films français en salle, pour l’émotion sur grand écran, comme a pu le montrer le succès de films comme Revoir Paris, La Nuit du 12, L ’ Innocent, Simone, le voyage du siècle ou encore Novembre.
L’État accompagne fortement cette reprise, notamment grâce au pass Culture, que nous avons précédemment évoqué. Entre janvier et août 2022, 2, 5 millions de séances de cinéma ont été réservées via cet outil, appui précieux à la fréquentation des jeunes, qui sont le public de demain.
À ce sujet, vous avez été plusieurs à mentionner le plan France 2030. C’est aussi par le biais de ce plan très ambitieux que l’État accompagne le secteur du cinéma. Madame de Marco, sachez que le ministère de la culture est pleinement impliqué dans ce plan, le CNC étant une administration centrale dudit ministère. Nous sommes entièrement mobilisés sur l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui vient d’être clos ; quelque 175 dossiers, émanant de 13 régions – voyez la diversité ! –, ont été déposés.
L’objectif est triple : soutenir des infrastructures de tournage ; soutenir des studios de jeux vidéo, d’animation, d’effets visuels, de postproduction ; soutenir des formations, l’enjeu étant de développer les compétences et les talents. Tout cela est dans le plan France 2030, notamment l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui est très « territorial » et qui coiffe l’ensemble des secteurs des industries créatives.
J’en viens maintenant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », dont les crédits augmentent de 114, 4 millions d’euros, pour atteindre 3, 8 milliards d’euros.
Nous avons eu de nombreux débats cet été. Je ne vais pas y revenir, d’autant que mon temps d’intervention est compté. Nous avons pleinement tenu nos engagements. Je l’ai dit et le redis : le PLF pour 2023 apporte une compensation à l’euro près de la redevance et des effets fiscaux liés au changement de financement. Bien sûr, nous avons aussi tenu compte, en partie, de la hausse des coûts de l’énergie ainsi que de l’inflation.
Je ne reviens pas sur tous les chiffres, que j’ai détaillés en commission, mais je veux rappeler que toutes ces hausses, entreprise par entreprise, ont été déterminées par l’État sur la base de projections qui ont été produites par ces entreprises et discutées avec elles.
Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’échanger sur le calendrier. La trajectoire financière pluriannuelle de l’audiovisuel public va être fixée en deux temps. Dans un premier temps, un avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) actuel, 2020-2022, va être signé d’ici à la fin de l’année ; y seront fixées les cibles à atteindre et la dotation publique pour 2023.
Dans un second temps, à l’issue de travaux qui vont évidemment associer le Parlement, dans le cadre d’un dialogue nourri avec les entreprises de l’audiovisuel public, de nouveaux contrats d’objectifs et de moyens vont être établis au cours de l’année 2023 et adossés à une trajectoire de dotation pluriannuelle. Je souhaite que ces nouveaux COM aient une durée de cinq ans, de sorte que l’on se donne la plus grande visibilité possible.
J’ai déjà indiqué quelques grands axes prioritaires qui, à mes yeux, doivent guider ces nouveaux contrats d’objectifs et de moyens.
Nous avons parlé de l’information, de sa fiabilité, de son pluralisme.
Nous avons parlé de la jeunesse. Gardons en tête les chiffres récemment publiés pour le Royaume-Uni, dont nous ne sommes plus très loin : les jeunes regardent sept fois moins la télévision que leurs aînés.
Nous avons parlé de la création : nous savons l’importance du financement de la création par l’audiovisuel public.
Nous avons parlé de la proximité et de l’importance de l’audiovisuel extérieur – je vous remercie de l’avoir évoquée – surtout en des temps de grande manipulation de l’information et d’ingérences étrangères.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques priorités que je souhaitais réaffirmer pour cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Telles sont les ambitions que je veux défendre pour l’audiovisuel public. Je salue votre engagement sur ces enjeux et je me réjouis de pouvoir poursuivre avec vous l’échange nourri que nous avons entamé ces derniers mois. J’en ai terminé, en libérant deux minutes pour la suite du débat…