Intervention de Max Brisson

Réunion du 28 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les années passées ont été marquées par les effets de la crise sanitaire. Celle-ci a durement et durablement affecté l’enseignement supérieur dans notre pays. Le profond mal-être des étudiants, l’isolement des enseignants au moment de donner leurs cours et le désarroi de l’ensemble des personnels d’université ont laissé des traces au cœur d’une institution déjà affaiblie par un manque de financement chronique.

La recherche, elle, n’a pas non plus été hermétique à ces épreuves. La question de la performance de la recherche étant posée au grand jour, l’occasion a été donnée de rappeler combien, dans certains secteurs, notre pays s’était endormi.

C’est dans un tel contexte que nous avions examiné, à partir des travaux de notre collègue Laure Darcos, le projet de loi de programmation de la recherche.

À cette occasion, nous avions pointé un manque de financements concernant tant le budget de l’enseignement supérieur que celui de la recherche : manque de financements pour les revalorisations salariales ; manque d’investissements pour rattraper notre décrochage dans le domaine de la recherche ; manque de financements pour rénover les bâtiments universitaires vieillissants ; manque de financements, enfin, pour parer aux effets de l’inflation.

Qu’en est-il dans le cadre de ce projet de budget pour 2023 ? Avons-nous progressé ? Allons-nous progresser ?

Indéniablement, oui, puisque les crédits augmentent substantiellement : +1 milliard d’euros par rapport à 2022.

Madame la ministre, je salue l’ambition forte que vous défendez et les résultats concrets que vous obtenez. Cette ambition s’articule autour de trois priorités, que vous avez rappelées : compensation pérenne de la revalorisation du point d’indice ; poursuite de la trajectoire de la LPR ; mesures nouvelles en faveur de la vie étudiante ou reconduction de mesures exceptionnelles mises en œuvre depuis la crise sanitaire.

Les moyens augmentent, des efforts significatifs sont réalisés afin de répondre à l’urgence que connaissent ces secteurs stratégiques pour l’avenir de notre pays. Dans le contexte d’inflation et de crise énergétique que nous connaissons, ces hausses de crédits permettent de tenir les objectifs et d’éviter d’affaiblir plus encore qu’ils ne le sont déjà l’enseignement supérieur et la recherche, parents pauvres du budget de l’État pendant de trop nombreuses années.

Toutefois, madame la ministre, dans le prolongement des recommandations de nos collègues, je vous appelle à faire rayonner votre ambition avec la même force en matière d’investissements d’avenir. En effet, à la lecture de ce projet de budget, le sentiment général est le suivant : on répond aux urgences et les engagements sont tenus, mais, là où il s’agit de relever les défis d’avenir et de bâtir l’université de demain, les moyens sont moindres.

Le choc inflationniste absorbe les efforts budgétaires prévus par la LPR. Je vous encourage donc à redoubler d’ambition, afin que les augmentations de moyens se traduisent réellement par un « choc d’investissements » et ne servent pas seulement à faire face à l’inflation.

Le cas de la réhabilitation du patrimoine universitaire est parlant. Votre ministère évalue le besoin à 7 milliards d’euros, dont 75 % devraient être consacrés à la transition énergétique. L’appel à projets de 2020 avait permis de lancer certaines opérations, mais avait également exhibé l’ampleur des besoins. Le ministère continue donc d’accumuler du retard.

Aussi, je m’associe pleinement aux recommandations formulées par le rapporteur pour avis de la commission de la culture Stéphane Piednoir, qui appelle à lancer un plan d’investissement d’envergure assorti d’une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire, en lien avec les évolutions pédagogiques et sociétales.

La revalorisation des contrats des doctorants, initialement réservée aux nouveaux entrants et que vous avez décidé d’étendre, ce qui est une bonne chose, ne doit pas occulter le besoin d’un travail de fond sur l’attractivité de la recherche. Les conclusions de notre collègue rapporteure pour avis Laure Darcos, qui relève que les postes créés par la LPR n’ont pas tous été pourvus, nous invitent également à une très grande vigilance.

Madame la ministre, comme mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai les crédits de cette mission. Je salue votre volontarisme pour défendre l’enseignement supérieur et la recherche.

Toutefois, je vous exhorte à ne pas perdre de vue l’une des finalités des politiques menées en ce domaine : mieux former les étudiants, mieux les orienter, lutter contre des taux d’échec qui restent importants.

Voilà pourquoi je vous invite à vous rapprocher de votre collègue ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, M. Pap Ndiaye, et à ouvrir enfin le chantier de l’orientation et de l’articulation lycée-licence, bac–3/bac+3.

Nous le disions voilà peu, à l’occasion d’un débat organisé par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste : cette articulation ne fonctionne pas. L’enseignement supérieur n’a pas pris réellement la mesure du nouveau baccalauréat et cette non-prise en compte génère et nourrit l’échec de la réforme du lycée.

Les attendus de l’enseignement supérieur ne peuvent plus ignorer le souci de donner plus de liberté et de choix aux lycéens et, par leur spécialisation progressive, de les aider à se muer peu à peu en étudiants. Les formations supérieures qui privilégient le tronc commun, celles qui, par leurs attendus, cherchent à reconstituer l’ancienne voie S, rendent un bien mauvais service à la réforme du lycée, et même au pays.

Faire de l’orientation des lycéens et des étudiants une grande cause nationale, voilà ce qui manque à votre projet de budget comme à celui de votre collègue Pap Ndiaye.

Il me semble pourtant indispensable de mettre en chantier ce lien lycée-licence, si souvent évoqué. Le nouveau baccalauréat aurait dû être l’occasion d’une réflexion de fond sur la mue progressive d’un lycéen en étudiant. Parce que l’instauration de Parcoursup dans l’urgence et la réforme du lycée ont été conçues en silo et selon un calendrier inversé, nous nous retrouvons dans la même situation qu’en 2017.

L’articulation lycée-licence reste à construire. Votre projet de budget, par ailleurs volontariste, ne dessine pour autant aucune priorité en la matière. C’est dommage !

Résultat, les angoisses des futurs étudiants s’amplifient, relayées par les parents, au point que certains s’en prennent à l’outil, exprimant leur souhait d’un retour à une situation antérieure qui n’était pourtant plus tenable. Ce n’est pourtant pas l’outil qui est en cause, même s’il doit être amélioré, ni la philosophie du nouveau baccalauréat, même si bien des calages restent à faire – on l’a vu pour l’enseignement des mathématiques.

C’est la prise en compte de l’esprit et de l’organisation du nouveau baccalauréat qui est à construire pour assurer la fluidité du parcours bac–3/bac+3.

Madame la ministre, nos rapporteurs spéciaux de la commission des finances et nos rapporteurs pour avis de la commission de la culture, tout en nuançant leurs analyses, ont indiqué qu’ils avaient apprécié les efforts fournis et les ambitions posées pour l’avenir. J’espère que vous entendrez mon appel à ouvrir le grand chantier de l’articulation lycée-licence et que vous travaillerez à construire la fluidité pour laquelle je plaide entre les lycées et l’enseignement supérieur.

Il y va de la réussite de nos étudiants et de l’efficience de l’« amont » de l’enseignement supérieur, où tout se joue.

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