Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous abordons l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2023, notre groupe ne fait guère mystère de son opposition aux arbitrages ici retenus.
Nous étions en effet déjà opposés à la philosophie sous-jacente à la loi de programmation de la recherche. Or ce budget s’inscrit dans la continuité de cette loi, 61 % des crédits de la mission étant destinés à sa mise en œuvre. Certes, conformément aux engagements qui avaient été pris, les crédits de la mission sont en hausse, mais il s’agit d’une augmentation en trompe-l’œil, eu égard à l’ambition prévue de la trajectoire. Nous demeurons opposés à une mise en compétition des chercheurs, que des dispositifs fiscaux et budgétaires mal calibrés maintiennent par ailleurs dans la précarité.
L’augmentation des moyens de l’ANR est une bonne nouvelle pour les futurs lauréats des appels à projets. Nous réitérons toutefois notre inquiétude concernant la place accordée aux financements par appels à projets : nous l’avons dit, s’ils constituent de bons compléments des financements récurrents, leur généralisation n’est ni un gage d’excellence ni un gage d’efficacité. En outre, ils accroissent les inégalités entre laboratoires.
Le refus de prendre en considération notre proposition de rendre éligibles au crédit d’impôt recherche les dépenses de recherche essentielles à la lutte contre le réchauffement climatique et à la protection de l’environnement témoigne d’un manque d’ambition politique. Au lendemain de la COP27, c’est aller à contresens de l’histoire !
Les crédits du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », progressent de 4 % seulement, quand ceux du programme 193, « Recherche spatiale », augmentent de 14 %. Il est vrai que la conquête spatiale fascine et bénéficie d’une grande médiatisation, à l’instar de la dernière mission de Thomas Pesquet.
Je rappellerai cependant l’avertissement formulé par Hannah Arendt dans Condition de l ’ homme moderne : elle voyait dans la conquête de l’espace le prolongement des plus glorieux exploits de la science moderne, mais aussi des plus déconcertants, car ils induisent une aliénation du rapport à la Terre.
En effet, les travaux, sur terre, de l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor ont autant à nous apprendre sur les changements climatiques en cours que la contemplation de notre planète depuis la station spatiale. Or, faute d’exposition médiatique, cet institut peine à préserver ses financements. Pour paraphraser un ancien Président de la République, nos forêts brûlent et nous contemplons les étoiles. Veillons à ne pas en faire notre maxime d’action !
Enfin, et surtout, la France dépense moins par étudiant qu’il y a quinze ans. Nous ne pouvons pas adopter en l’état un budget dans lequel on n’a pas pris la mesure de la détresse des étudiants de notre pays.
Sur ce sujet également, nous avons proposé des mesures fortes pour renforcer la justice fiscale et réformer le système des bourses sur critères sociaux, qui manque de progressivité et ne permet pas, à l’heure actuelle, de soutenir tous les étudiants qui en ont besoin.
Cette proposition a été rejetée, comme celle que nous avons faite d’affecter la totalité du produit de la CVEC aux Crous et aux établissements d’enseignement supérieur. Comme vous, monsieur le rapporteur, nous donnons l’alerte quant au montant trop faible de l’enveloppe accordée aux Crous.
Alors que les deux années de confinement ont grandement fragilisé les esprits au sein de la population étudiante, voilà que l’inflation et les restrictions alimentaires affaiblissent à présent les corps. Pour en revenir à des considérations qui, pour le coup, sont très « terre à terre », on lit dans Sud Ouest que 43 % des étudiants sautent des repas et que 58, 3 % d’entre eux renoncent à des soins. Cela n’est pas digne de notre République !
Les signaux d’alerte se multiplient. La mission d’information sénatoriale sur les conditions de vie étudiante en France, qui a remis son rapport en 2021, a établi un bilan éloquent dont le Gouvernement n’a, semble-t-il, pas tenu compte. Sur toutes les travées, nous sommes régulièrement saisis de cette question. Aussi avons-nous déposé une série d’amendements visant à améliorer le bien-être de nos étudiants.
De même, nous allons proposer, par amendement, que les moyens du fonds exceptionnel de compensation du surcoût des énergies soient complétés et qu’un fonds permanent pour la rénovation énergétique soit créé. La Cour des comptes évalue les besoins en la matière à 7 milliards d’euros.
En conclusion, malgré les efforts du Gouvernement, la hausse globale des crédits de la mission est insuffisante pour absorber les surcoûts liés à l’inflation et à l’augmentation des prix de l’énergie. Dès lors, il est peu probable que notre pays atteigne l’objectif de consacrer 3 % de son PIB à la recherche.
C’est pourquoi notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. Nous invitons le Gouvernement à se saisir de la clause de revoyure prévue dans la LPR pour pallier les effets de la crise et de l’inflation.