Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons dire que le montant des crédits demandés dans ce PLF pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » témoigne d’une évolution globalement satisfaisante. Max Brisson parlait du manque de financement dont le secteur avait souffert, et il avait raison.
Le présent budget se veut rassurant, en tout cas en affichage : 25, 7 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2023, soit une hausse de plus de 1 milliard d’euros par rapport à 2022.
Dans le détail, on peut noter la hausse sensible des crédits relatifs à la vie étudiante. Au total, 3, 1 milliards d’euros sont engagés sur le programme 231, soit 50 millions d’euros de plus que l’année précédente. On peut également relever la hausse des crédits demandés pour le programme 150, qui permet de porter à 14, 9 milliards d’euros pour 2023 le budget relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire.
Toutefois, si cette hausse globale des crédits nous semble aller dans le bon sens, elle ne saurait masquer les graves difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de l’enseignement supérieur, leur personnel et leurs étudiants.
La première difficulté tient à la crise énergétique. Avec la hausse des prix de l’énergie, les établissements d’enseignement supérieur vont voir leur facture s’alourdir considérablement. Les universités sont particulièrement touchées, car elles hébergent une grande majorité des laboratoires et infrastructures très énergivores.
Déjà, la facture pour l’année 2022 a fait apparaître un surcoût estimé à plus de 100 millions d’euros par rapport à 2021. Mais le pire est à venir : le surcoût attendu en 2023 est de plus de 400 millions d’euros.
Jean-François Rapin et Laure Darcos ont fait allusion à la question des postes non pourvus.
Le calcul est simple : la hausse des prix de l’énergie va entraîner pour nos établissements un surcoût de plus de 500 millions d’euros pour les années 2022 et 2023. Pour y parer, vous avez annoncé en octobre dernier une mesure conjoncturelle consistant à débloquer en urgence 275 millions d’euros dans le cadre du collectif budgétaire. Vous avez également demandé aux établissements d’enseignement supérieur de puiser dans leurs fonds de roulement.
Mais nous attendons un véritable plan de rénovation énergétique du parc immobilier universitaire, qui, avec ses 18, 7 millions de mètres carrés, représente 20 % du patrimoine immobilier de l’État.
Incroyable mais vrai, ce patrimoine est pour un tiers composé de passoires thermiques, ce qui, en plus d’alourdir la facture des universités, compromet la satisfaction des exigences environnementales et de sobriété énergétique. À cet égard, Stéphane Piednoir avait raison de dénoncer une accumulation de retards… On comprend pourquoi, au vu des inquiétudes des présidents d’université, certains chantiers de démolition sont freinés.
Il est donc urgent d’agir, à court terme et à long terme, afin de réhabiliter le parc immobilier universitaire. C’est indispensable si nous voulons que nos universités atteignent l’objectif de réduction de 40 % de leur consommation d’énergie d’ici 2030, objectif fixé par le décret dit tertiaire.
La deuxième difficulté tient à la précarité étudiante. Nous ne pouvons que nous satisfaire de la hausse des crédits consacrés à la vie étudiante. Mais les moyens mis en œuvre ne nous paraissent pas suffisants, car le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter, année après année.
L’évolution de la dépense moyenne par étudiant continue de baisser. Le rapport 2023 sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures indique même que, de 2013 à 2021, le coût moyen par étudiant à l’université a baissé de presque 15 %.
Nos étudiants sont frappés par la précarité, situation aggravée par l’inflation due notamment à la guerre d’Ukraine.
Il serait faux de dire que le Gouvernement n’agit pas : vous avez décidé d’augmenter les bourses de 4 %, vous gelez les loyers des résidences universitaires et vous étendez le Pass’Sport aux étudiants boursiers.
Une inquiétude demeure cependant concernant les restaurants universitaires, de plus en plus prisés des étudiants en raison de leur faible coût. Si vous avez décidé de maintenir le repas à un euro pour les boursiers, le regain d’attractivité de ces restaurants met en tension leur modèle économique, qui doit d’urgence être repensé.
À ce sujet, on ne peut que s’étonner que la subvention pour charges de service public du réseau (SCSP) soit stabilisée à 300 millions d’euros au lieu d’être revue à la hausse, alors que l’activité de restauration s’accroît considérablement depuis la crise sanitaire, que le réseau poursuit son développement et qu’il se voit confier des missions supplémentaires d’accompagnement social des étudiants. Madame la ministre, nous ne comprenons pas votre refus d’indexer la SCSP sur le volume de repas fournis.
Enfin, puisque je suis le dernier à intervenir, je souhaite évoquer un cas d’école, qui est loin d’être hors sujet, celui de la Comue (communauté d’universités et établissements) Université Bourgogne Franche-Comté.
L’université de Franche-Comté fut créée en 1423 par Philippe le Bon ; elle fut d’abord installée à Dole avant d’être déplacée à Besançon en 1481. Les Dijonnais, quant à eux, fondèrent leur université en 1722, et la concurrence entre les deux villes ne s’est jamais démentie.
La décision prise par l’université de Bourgogne de se retirer de la Comue a des conséquences désastreuses pour les personnels et les étudiants ; elle a entraîné le gel par l’État de plus de 60 millions d’euros de dotations prévues au titre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Un nouveau projet semble se dessiner et une nouvelle configuration se mettre en place. Quelle serait, le cas échéant, la position de l’État ? Serait-il prêt à dégeler les 60 millions d’euros tant attendus par nos professeurs, enseignants-chercheurs et étudiants ?
Madame la ministre, vous l’aurez compris, si quelques réserves subsistent concernant le volet « Enseignement supérieur » de cette mission, le projet de budget qui nous est présenté va globalement dans le bon sens. C’est pourquoi nous le voterons.